LE POLAR ESOTERIQUE DANS LA LETTRE DU CROCODILE





Le polar ésotérique. Sources, thèmes, interprétations de Lauric Guillaud & Philippe Marlin, Editions L’œil du Sphinx.
Lauric Guillaud est professeur émérite de littérature et de civilisation américaine à l’Université d’Angers. Il a publié de nombreux articles sur l’imaginaire anglo-saxon et une série de travaux très intéressants sur des mythes anciens ou modernes.
Philippe Marlin, fondateur et principal animateur de l’association L’œil du Sphinx a su rassembler autour de lui des talents très divers pour créer la maison d’éditions du même nom, une maison particulièrement dynamique qui a proposé depuis l’an 2000 plus de deux cents titres, essais et romans, à des lecteurs de plus en plus nombreux dans les domaines du fantastique, de la science-fiction, de l’ésotérisme, de l’étrange notamment.
Lauric Guillaud et Philippe Marlin nous offrent une étude très exhaustive et passionnante d’un sous genre en vogue du roman criminel ou policier, le polar ésotérique, on parle parfois d’ «éso-polar » qui, nous disent-ils, « allie énigme, suspense et révélation de secrets mystiques, religieux ou occultes, avec un arrière-plan privilégiant sociétés secrètes, conspirationnisme et eschatologie.»
« La structure récurrente du genre, remarquent-ils, repose sur un procédé narratif consistant à dresser des parallèles ou des comparaisons entre la société actuelle et celle d’un siècle passé, opérant un effet de distanciation visant à transférer les problèmes du temps vers quelques lointaines société. »
Toutefois, le genre, particulièrement foisonnant, donnant lieu à des créations protéiformes est particulièrement difficile à typifier. Les auteurs évoquent même « une ivresse des mélanges ». Il s’agit toujours d’écriture hybride selon Françoise Moulin Civil, « à la lisière entre histoire et fiction, entre document et réécriture ». Le polar ésotérique est un espace de liberté, à la fois ludique et philosophique quand il vient percuter et interroger les évidences d’une pensée trop conformiste. Le genre est à la fois l’expression et le symptôme de notre rapport à l’imaginaire, un rapport trop contraint par les normes. Il n’est pas anodin que ce genre connaisse un grand développement depuis la seconde moitié du XXème siècle.
Questionner l’histoire, l’approfondir, la détourner, la retourner pour écrire des histoires vivantes dans lesquelles la psyché se délecte. Les généalogies du genre sont nombreuses et se croisent nécessairement tant les thèmes sont transversaux. Des noms illustrent apparaissent : Balzac, Hugo, Nerval, Goethe, Villiers de l’Isle-Adam, Bulwer-Lytton qui, en associant littérature et ésotérisme, ont donné au genre ses références et ses exigences de qualité, une qualité qui n’est bien sûr pas toujours au rendez-vous.
Lauric Guillaud et Philippe Marlin, par leur érudition, réussissent à dresser un tableau clair d’un genre qui aime la confusion. Ils analysent tout d’abord les tendances de l’éso-polar, de l’enquête profane à la quête ésotérique et remarque « le retour du détective de l’occulte ». Dans une deuxième partie, ils identifient et étudient les sous-genres de l’éso-polar : polar maçonnique, théo-fiction, livres maudits, éso-polar pictural, éso-polar archéologique, technothriller, éso-polar régional, ésotérisme nazi, polar pontifical… Enfin ils présentent la structure de l’éso-polar autour de l’opposition chronologique, typique du genre :
« Dans l’éso-polar, la notion de construction narrative est inséparable des paramètres de temporalité et d’espace. Si le temps de la fiction épouse le temps chronologique durant l’action du roman, le genre requiert, soit une construction à rebours (on remonte le temps, souvent des effets vers les causes, à partir d’un point précis du temps chronologique), soit une construction avec feed-back (le récit alternant un déroulement chronologique et des retours en arrière ponctuels), soit une construction simultanée ou alternée (deux ou plusieurs récits se déroulent dans le même temps). »
L’éso-polar fait partie de la littérature populaire, c’est-à-dire de la littérature. La littérature populaire est à la fois un témoin des tensions, des carences et des peurs de nos sociétés et un vecteur de changement sociétal. L’éso-polar pourrait être « plus qu’un phénomène socio-culturel (…) une réaction sur le mode de la terreur au matérialisme ambiant ». « L’éso-polar vise tout simplement à réenchanter le monde en réveillant paradoxalement les peurs de la nuit. »
Voici un essai riche et passionnant, qui fait désormais référence sur ce thème, dont la couverture de notre ami Jean-Michel Nicollet évoquera pour chacun d’entre nous le charme de ces moments de lecture entre rêve et réalité.
Editions de L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
www.oeildusphinx.com

mercredi 27 avril 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE DESCENDANT, Lovecraft





Le Descendant (1926, in Leaves, 1938). Une intéressante petite nouvelle au parfum d’inachevé. Lovecraft comptait l’étoffer pour en faire un conte londonien. Il met en scène un vieil homme solitaire ; qui vit à la pension Gray’Inn, celle là même où Arthur Machen résidait. Un jeune William s’installe dans la pension et cherche à percer le secret du reclus. Etudiant en sciences occultes, il montre à son voisin un exemplaire du Necronomicon qu’il vient d’acquérir. Boulversé à la vue du livre, le vieil homme s’évanouit avant de lui raconter son histoire. De son vrai nom Lord Northam, il est issu d’une grande famille dont les origines remontent à Luneus Gabinius Capito, légionnaire romain basé en Grande-Bretagne. Celui-ci aurait découvert des grottes dans lesquelles des cultes innommables étaient célébrés. Le vieillard est aujourd’hui hanté par des rêves terrifiants, parcourant des royaumes impossibles. Il a sombré dans l’occultisme et pratique des messes noires. Il est allé jusqu’en Arabie à la recherche d’une cité sans nom.

° Livres
Outre le Necronomicon figure dans la bibliothèque du Lord L’Atlantide d’Ignace Donelly.
L'Atlantide, monde antédiluvien (1882) : Donnelly est le premier à défendre la théorie selon laquelle l'Atlantide aurait été le berceau de notre civilisation actuelle, exposant l'idée que les Atlantes furent les créateurs de nos arts et de nos sciences. En réalité, Donnelly ne présente aucune nouvelle preuve de l'existence de l'Atlantide. Il propose plutôt une synthèse brillante et persuasive, où il incorpore des éléments d'information apparemment disparates, provenant de domaines aussi divers que l'archéologie, l'océanographie, la philologie, la géologie, l'histoire, la mythologie, l'ethnologie, la zoologie et la botanique. Il en tire avec intelligence une argumentation complexe qui semble confirmer en tous points les dires de Platon, tout en y ajoutant de nombreux détails fort intéressants. Selon Donnelly, une multitude d'indices semblent bel et bien indiquer l'existence d'une grande civilisation, quelque part dans l'océan Atlantique, à l'époque préhistorique. Son centre était un vaste continent insulaire, à l'ouest du détroit de Gibraltar, relié par un archipel d'îles et d'îlots à l'Ancien et au Nouveau Monde. Ses colonies s'étendaient à l'ouest jusqu'au Pérou et à la vallée du Mississippi, à l'est jusqu'à la Méditerranée et à l'Egypte, au nord jusqu'à l'Irlande. Il aurait eu des contacts économiques et culturels avec l'Inde et la Chine. Les habitants de l'empire d'Atlantide, toujours selon Ignatius Donnelly, appartenaient à trois races. Les plus civilisés, un peu semblables aux Indiens d'Amérique centrale, aux Berbères ou aux Egyptiens d'aujourd'hui, avaient une ossature fine et le teint cuivré. Le deuxième groupe était celui des fils de Chem, peut-être de race jaune. Le troisième et le plus nombreux ressemblait aux Grecs, aux Scandinaves ou aux Celtes modernes. Malgré certaines rivalités, ces groupes vécurent en assez bonne intelligence pour créer une culture de l'âge du bronze exceptionnellement avancée et ils en étaient à l'âge du fer au moment du grand cataclysme...

dimanche 24 avril 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : DEUX BOUTEILLES NOIRES, Wilfred Talman





Deux Bouteilles Noires (1926, une révision pour Wilfred B. Talman, Two Black Bottles in Weird Tales 1927). Un texte très court d’un intérêt limité. Un quidam se rend au village de Daalbergen pour prendre possession de l’héritage que lui a laissé son oncle, le pasteur Domie Vanderhoof. Il apprend très vite que le défunt avait une conduite bizarre, prononçant des prêches sinistres sous l’influence de son âme damnée, le vieux sacristain Abel Foster. Il se rend à l’église et trouve ce dernier en train de hurler, entouré de grimoires et de formules magiques destinées à capturer et mettre en bouteille l’âme des défunts. Et de fait, la tombe du pasteur remue, comme si le cadavre voulait sortir pour chercher quelque chose. On imagine aisément le final, très téléphoné.

dimanche 10 avril 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE TERTRE, Zélia Bishop




Le Tertre (1930, une révision pour Zélia Bishop, The Mound, in Weird Tales 1940). Un véritable mini-roman, là encore pour l’essentiel dû à la plume de Lovecraft. Et un récit à classer dans la catégorie des « fondamentaux », aux côtés des Montagnes Hallucinées et de Dans l’Abîme du Temps, par la profondeur de sa vision cosmique et la densité de son « monde perdu ».

Nous y retrouvons notre ethnologue (cf La Malédiction de Yig) traquant les légendes indiennes les plus curieuses de l’Oklahoma. Il s’agit cette fois d’une rumeur insistante faisant état d’apparitions de fantômes indiens sur un tertre désert près de la ville de Binger. Il s’agirait d’un vieil homme errant sans but la journée et d’une squaw sans tête qui hanterait la nuit avec une torche crachant une lumière bleue. Notre savant est hébergé chez Mr Compton, un notable du lieu qui lui résume volontiers les légendes locales. Un jeune homme de Binger, Heaton, mena la première exploration en 1891 et en revint à moitié fou parlant de spectres et d’hommes blancs mutilés. Puis ce fut le cas de deux archéologues amateurs qui ne revirent jamais. En 1916, le capitaine Lawton entreprit des recherches. On le retrouvera horriblement mutilé, murmurant avant de mourir : lumière bleue, Grand Tulu, Azathoth, Nyarlathoyep…. De nombreuses autres expéditions se terminèrent de façon aussi tragique, notamment celle des frères Clay dont le survivant était marqué au fer rouge d’étranges hiéroglyphes.
Malgré les mises en garde de Mr Compton et du vieil Aigle Gris, chef du village, l’ethnologue monte sa propre expédition en solitaire, aucun habitant ne souhaitant l’accompagner. Muni de quelques outils et d’une amulette confiée par le vieux sage, notre explorateur entreprend de débroussailler le tertre à la recherche d’une entrée et met la main sur un cylindre, fait d’un curieux métal, décoré de gravures de monstres sans nom et contenant un manuscrit. Il rentre rapidement chez Compton et s’enferme pour décrypter ce qui s’avère être le journal du gentilhomme Panfilo de Zamacona, un des coéquipiers de Coronado lors de la conquête du Nouveau Monde au XVIe siècle. Attiré par les légendes voulant que la région du tertre soit l’entrée menant à la fabuleuse cité d’or de Cibola, il entreprend d’en explorer les souterrains. De caves en cryptes, de grottes en couloirs, de galeries recouvertes de gravures grotesques en descentes vertigineuses, Zamacona finit par déboucher dans un véritable monde souterrain nimbé de lumière bleutée. Il y décèle des bêtes monstrueuses et se réfugie, pour leur échapper, dans un temple d’or où trône une effrayante statue en forme de pieuvre. Il est récupéré par une équipe d’indigènes qui communique avec lui par la pensée. Il est dans le monde de K’n-yan, un peuple très ancien venu des étoiles qui s’est réfugié sous terre il y a des éons, lors des grands cataclysmes qui ont secoué la surface de la planète. Il est traité avec beaucoup d’égards et on lui propose de collaborer en faisant le récit de l’histoire de la terre. Mais il lui sera interdit de remonter à la surface.
Il découvre un monde très évolué techniquement, mais en pleine décadence, la recherche du plaisir et d’émotions fortes étant la seule motivation d’une population pratiquement immortelle. Les traitres sont transformés en chair de mort-vivant, pour occuper les tâches domestiques er servir de nourriture à leurs bêtes monstrueuses de transport, les gyaa-yothn. Ils adorent Tulu et Yig et évitent la région souterraine de Yoth, éclairée de lumière rouge, et qui aurait abrité une race non humaine. Encore plus profond se situe la zone noire qui, d’après certaines légendes, aurait été l’univers de Tsathoggua. L’accès en a été colmaté.
Zamacona cherchera à fuir en compagnie d’une esclave, T’la-yub. L’opération échouera et la servante sera transformée en chair mort vivante. Il renouvellera la tentative par le biais de la dématérialisation, technique qu’il a apprise à K’n-yan.
Ce récit aiguisera la curiosité de l’ethnologue qui reprendra ses recherches sur le tertre en finira trouver une entrée. Son incursion le remplira de terreur, à la fois par les gravures et statues blasphématoires qu’il croisera en permanence, mais aussi par les nombreux cadavres des expéditions précédentes qu’il rencontrera. Se sentant entouré de mystérieuses présences et poursuivi par des choses mortes, il prendra ses jambes à son cou, non sans avoir remarqué que l’une de ces odieuses masses mortes portait gravé sur la chair le nom de T’la-yub.

vendredi 8 avril 2016

HIBA ET LE CODE FIBONACCI

HIBA

le jeudi 21 avril 2016
de 18h à 21h



Exposition du 22 avril au 23 mai 2016

Galerie MENOUAR
16, rue du Parc-Royal
75003 Paris - France
T. +33 1 48 87 60 90



Cette très jeune artiste autodidacte qui peint depuis l'âge de 3 ans présentera ses œuvres pour la première fois en France. Véritable phénomène dans son pays, son nom est devenu incontournable sur la scène de l'Art Contemporain Marocain et a aujourd’hui’hui déjà franchi les frontières..

“ Quand j’ai créé mon propre style à l’âge de 8 ans, je ne savais pas que tous les éléments de l’univers étaient connectés entre eux d’une façon ou d’une autre. Depuis que j’ai découvert la "Suite de Fibonacci" et le "Nombre d’Or", mes recherches artistiques ont beaucoup évolué et rejoignent mes préoccupations scientifiques. Elles tentent de percer les codes et les mystères liés à cette divine proportion “ HIBA.





dossier presse


samedi 2 avril 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA CHEVELURE DE MEDUSE, Zélia Bishop







La chevelure de Méduse (1930, une révision pour Zélia Bishop, Medusa’s Coil in Weird Tales 1939). Là encore un texte qui est pratiquement du pur Lovecraft, dans lequel il intégrera du reste ses « petits » cailloux mythologiques.
Il s’agit d’une histoire au démarrage très classique. Un voyageur dans le Sud du Missouri est surpris la nuit par un orage et se réfugie dans une demeure en fort mauvais état. Après des hésitations, Antoine de Russy, propriétaire des lieux, accepte de lui prêter asile malgré la vétusté des lieux. Mis en confiance par le visiteur, il se met à lui raconter son étrange existence. Il est le dernier d’une lignée de planteurs, propriétaire d’un vaste domaine autour de Riverside, nom de la maison. Les affaires ont périclité mais Riverside a eu ses heures de gloire. Son fils, Denis, a fait les meilleures écoles américaines (Harvard et Princeton), puis est parti en France étudier à la Sorbonne. Il s’est lié avec un cercle d’étudiants décadents, et notamment l’artiste Frank Marsh qui va devenir son meilleur ami. Il rencontre également Tanit-Isis (de son vrai nom Marceline) qui se fait passer pour prêtresse d’un culte très ancien pratiqué au Zimbabwe. La jeune femme est très jolie et possède une chevelure extraordinaire. Il en tombe éperdument amoureux, l’épouse et rentre avec elle dans le domaine familial. Le père fait de gros efforts pour la supporter, malgré de nombreuses réserves liée à son aura empreinte de paganisme.
Frank écrit à Denis, il est au fond du trou depuis leur départ, ayant perdu toute inspiration en plongeant dans l’alcoolisme. Il demande à son ami de l’héberger à Riverside pour tenter de réaliser son grand œuvre, le portrait de Marceline. S’instaure alors une relation de couple à trois particulièrement malsaine, avec un Denis jaloux et un Frank complétement envouté. Les conversations entre l’artiste et la jeune femme tournent autour de Yuggoth, R’Lyeh, les secrets antiques de Kadath et les mystères du Necronomicon. Les choses se dégradent sérieusement et Antoine de Russy conseille à son fils d’aller prendre l’air en France. Mais rongé de jalousie, il reviendra en catimini et assassinera Marceline, devenue d’incarnation du mal. Il essaiera de lui couper les cheveux dont une tresse ensanglantée s’échappera pour aller étrangler l’artiste dans son atelier. Le plus affreux sera encore de contempler le tableau de ce dernier. De Russy propose de le montrer au visiteur : les yeux sont plein de vie, les cheveux semblent bouger, le tout dans un décor fait de ruines cyclopéennes immergées au fond de l’océan. Le voyageur s’enfuira pour ne pas devenir à son tour victime de la chevelure maudite.
Lorsqu’il demandera son chemin à un indigène pour quitter les lieux, il apprendra que Riverside n’existe plus, le domaine ayant été ravagé par les flammes il y a 5 ou 6 ans.
Un récit bien rythmé, dans lequel, mais c’est tellement habituel chez HPL, la femme est toujours une créature maudite !