dimanche 22 août 2021

ROBERT LIRIS LU PAR REMI BOYER

 


Robert Liris, chercheur de mystères. Entretiens avec Claude Arz. Éditions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

www.oeildusphinx.com

C’est sans doute à propos du site de Glozel que vous aurez entendu parler de Robert Liris. Professeur d’histoire à Vichy, dans les années 60, Robert Liris accueillit dans sa classe le petit-fils du propriétaire du site. Suivirent des décennies de recherches sur les vestiges controversés de Glozel.

« Les productions de Glozel, dit-il, sont authentiques, mais en décalage chronologique. Pour moi, c’est une survivance d’inspirations néolithique et de l’âge du bronze. Selon le philologue suisse Hans-Rudolf Hitz, Glozel aurait été un lieu de pèlerinage religieux et médical ayant attiré un grand nombre de peuples sur plusieurs siècles qui auraient célébré des cultes cosmiques dédiés à la déesse mère. »

Glozel est le premier sujet abordé par Robert Liris et Claude Arz mais d’autres suivent car les entretiens sont thématiques : la Table des Bergers sur la montagne de Bozat, la fête aux mystères, la psychohistoire, Passions poétiques, Rencontres avec des hommes remarquables… Au fil des entretiens, ce n’est pas seulement une plongée dans « l’histoire mystérieuse » que vit le lecteur mais une belle rencontre avec un aventurier aussi attachant qu’intéressant.

Robert Liris définit ainsi la psychohistoire, qui donne sens à sa démarche :

« La psychohistoire est une discipline qui mêle l’histoire et la psychanalyse. C’est la recherche non pas du quoi, mais du pourquoi, de l’engagement profond de l’homme par rapport aux faits, la découverte de sa motivation profonde. »

Il précise :

« L’événementiel dépend de la sphère politique, économique ou sociale si l’on admet que le religieux est un masque pour passer à l’action sur les trois autres grands domaines déterminants. L’aventure freudienne permet de pénétrer et révèle le domaine caché des déterminations. C’est dans la psyché humaine que se tapissent des ressorts d’explication de la motivation de l’individu socialisé. Le champ d’étude de ce fait s’élargit en examinant des documents laissés pour compte. »

Nous comprenons mieux le décalage entre les hypothèses posées par Robert Liris et les affirmations officielles nécessairement contraintes et réductrices, pourtant les interprétations proposées en psychohistoire ouvrent de nouveaux champs d’investigations et de nouveaux possibles. « L’histoire, nous dit-il se conjugue avec le songe et le rêve. »

La poésie se glisse naturellement dans la pensée de Robert Liris et vient prendre une place centrale, en tant que telle ou comme regard sur le monde, visible et invisible. Et il a cette intuition remarquable qui envisage le son, qui précède le mot, comme porteur d’un sens propre.

Les entretiens, autant de rencontres où la profondeur et la méthode se mêlent, témoignent d’un voyage spirituel remarquable. Robert Liris démontre comment nous pouvons traverser ce monde-carcan en restant réellement vivant.

lundi 16 août 2021

LES DIALECTIQUES FACTRICES de Jean-Charles Pichon lues par Rémi Boyer

 

 

 

Les dialectiques factrices dans les quêtes du Graal er les alchimies de Jean-Charles Pichon. Editions L’œil du Sphinx et Association des Amis de Thélème, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris.

www.oeildusphinx.com

Quatre parties composent ce livre magistral de méta-analyse et de métaphysique : le Graal, les Alchimies, la Forme vide, les Machines annexes. Une fois de plus, il est question de mettre l’accent sur les relations plutôt que sur l’objet et le sujet afin de rendre compte du tissage du réel hors des temporalités apparentes.

Jean-Charles Pichon en appelle aux Grandes Images de C.G. Jung : « Non seulement l’objet mais le sujet qui l’observe (JE) ne sont que des composés des Grandes Images, dont l’étude révèle la réalité profonde (l’Inconscient). ».

« L’objet de ce livre, indique-t-il, n’est pas autre que l’étude des processus par lesquels la Grande Image se fait un Système de symbole physique : ce sont les Quêtes du Graal, lors du dernier renversement. Et l’étude des processus par lesquels le Système de symbole physique donne lieu à de nouvelles Grandes Images : c’est toute l’alchimie. Il n’en suit pas que les quêtes du Graal et l’alchimie révèlent ce qui est l’Être en soi. Mais aucune quête et aucune science ne le révèlent, bien qu’elles l’imitent, le créent ou le connaissent parfois, soit symboliquement soit par l’image. »

Ceci modifie radicalement et de manière totalement pertinente, le rapport à l’initiatique qui n’est point une conquête (avoir et faire) mais une célébration (être). Les interactions créatrices, les dialectiques, entre Grandes Images et Système de symbole physique, ou encore Archétypes et précipitations, une fois identifiées permettent de comprendre comment les mythes se déplacent dans la temporalité et les cultures, se répliquant et se renouvelant simultanément et aussi comment ils imprègnent le langage.

Jean-Charles Pichon passe le cycle du Graal au tamis du système promesse-réponse. Remarquons que ce système opère en toute dimension initiatique et peut-être même dans tous les domaines de la vie. Ce schéma promesse-réponse en implique un autre : déliement-défi car on se délie de sa promesse et on répond au défi. Les personnages principaux du cycle du Graal et les événements qu’ils connaissent, souvent des épreuves, apparaissent comme les facettes d’un unique quêteur et d’une seule quête, indépendante des temps et des lieux qui sont des états de la conscience en mouvement.

Avec l’alchimie, l’Or remplace le Graal mais les enjeux demeurent, notamment le sujet essentiel du temps que Jean-Charles Pichon a parfaitement identifié à la fois du point de vue métaphysique, ce qui est classique, et du point de vue scientifique, ce qui fait de lui un précurseur.

« Le fondement de toute science rationnelle est la croyance en une flèche unique du temps. Cette flèche est axée de l’Avant vers l’Après : soit du passé vers le devenir, soit du devenu vers l’Avenir. Mais les deux sens eux-mêmes ne peuvent se succéder que de l’Avant vers l’Après : dans le cycle cosmologique, le matin précède le soir ou le printemps l’automne, dans le processus de vie, l’enfance précède l’âge adulte, ou (très probablement) le minéral la plante, qui précède l’animal.

Cette croyance est donc suffisamment prouvée, à cela près du moins que, quelque part, dans l’Instant, hic et nunc, le devenir précède le devenu (mais c’est alors le devenir qui est avant, le devenu qui est après). »

Intégrer ce principe est indispensable pour réaliser une quête initiatique, Graal, Pierre Philosophale ou plénitude du Vide.

Jean-Charles Pichon ne travaille pas à grands traits, il conduit le lecteur sur l’océan agité des ambivalences. Parfois un îlot de stabilité permet à la pensée de se poser avant de repartir. Etudier cette œuvre magistrale est un voyage aussi passionnant que risqué. Les certitudes volent en éclat sans que d’autres viennent les remplacer.

« Si, nous dit-il, tout le problème est celui-là : la maintenance et la plénitude de Ce qui est, l’Être ne dure pas sans se faire différent (autrement), il ne se change pas sans redevenir le même (la même chose). Ou, du moins, c’est ainsi que JE lit les processus, comme il voit le bâton se briser quand il le plonge d’un élément dans l’autre (demeurant le bâton même) et le nuage ou l’arbre se répéter dans le fleuve, la ville dans le mirage ou soi-même dans le miroir – une même chose dans l’autre.

Mais la réflexion (que provoque la réflection) et le sentiment de casse que provoque la réfraction ne sont que des illusions nées des lectures. »

Il faut encore traverser les apparences, se saisir des intervalles, car, conclut Jean-Charles Pichon, « le jeu seul permet à JE une approche acceptable de la réalité ».

mercredi 11 août 2021

GYMNOPEDIES AUTOUR D'UNE PHOTO DE JEAN-CHARLES PICHON, Robert Liris & Jean-Christophe Pichon

 


 

Entre les brumes et les bruits de l’image dérobée au temps qui l’efface, nous avons essayé, Jean-Christophe et moi, de rendre à la prise de vue fixée, son mouvement multiple, celui d’une incroyable aventure, celle du mourir-n’être. Le procédé du fondu enchaîné rendait à une troisième image le « figuratif d’apparition » mais l’immobile nous rattrapait. On en était là, chacun sur notre estran, à marée basse… sidéré !
Notre rencontre fut un flot qui nous porta au-dessus des débris de naufrage de bien d’autres fragments déplacés d’images retrouvées. Cela fut possible par une mystérieuse affinité élective, celle de deux artistes qui écoutent le bruit du monde et savent sonder des voies où la limite n’existe pas.
Faisons du lecteur de ces lignes le complice actif de ce renouveau des écritures mêlées et des images captées et confondues. Nous avons parfois broyé nos styles d’écrits et lancé les phrases poignards pour déchirer de la nuit, la page parfois bien noire. Robert Liris pour Jean Christophe Pichon.
Que cache le portrait, saisi au vol il y a quelques décennies de Jean-Charles Pichon immobile dans un singulier paysage ? Dont la signification autrefois imperceptible, se découvre au fil de la mise en lumière de l’œuvre du poète/métaphysicien. L’image, vivante, se modifie selon l’observateur et la nature du regard porté.
Robert tente de percer ce mystère apparu, au-delà d’une photo, dans les images qui nous parviennent des confins de l’humanité, traversant des siècles de bruits et de lumières, jusqu’aux images générées par notre propre culture.
Cela méritait bien une correspondance. Jean-Christophe Pichon pour Robert Liris.

Éditions de l'Oeil du Sphinx