mercredi 31 mai 2023

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE GRAAL DU DIABLE, Giacometti et Ravenne


Les compères Giacometti et Ravenne continuent de presser le citron du crypto-nazisme pour nous proposer des trouvailles surprenantes. Avec Le Graal du Diable (Lattès 2023), ce sont nos bons vieux amis vampires qui revêtent la chemise brune. Et à la clef, il s’agit de retrouver la coupe légendaire, pas si sacrée que ça du reste. Le Malin y aurait trempé les lèvres, transformant son contenu en un breuvage infernal conférant d’étonnants pouvoirs. L’action se déroule dans une province d’Europe Centrale, le Banat, ballotée au cours de l’histoire entre la Serbie, la Hongrie et la Roumanie. De nombreuses légendes vampiriques y circulaient et on y croisera Vlad Tepes, ayant réussi à se libérer des Ottomans et cherchant à reconquérir son trône, accaparé par Radu, son frère félon. Sa route croisera celle de Barbara de Cilli, impératrice de Bohème, en quête de la jeunesse éternelle. De nos jours, cette région est sous contrôle de l’occupant nazi, sans cesse harcelé par des partisans se comportant comme des vampires. Pour tenter de libérer son amie Laure d’Estillac, prisonnière d’un Lebensborn, notre fidèle Marcas devra se mettre une nouvelle fois au service d’Himmler pour récupérer la coupe maudite et de sauver le Reich dont la débâcle vient de commencer.

On apprend en refermant le livre qu’il s’agit de la fin du second cycle du « Soleil Noir ». Mais je suis persuadé que nos deux auteurs n’abandonneront pas si facilement ce bon filon et qu’on retrouvera Marcas dans le bunker du Führer envahi par des zombies ou, que sais-je, dans une Amérique Latine où se reconstitue une internationale nazie sous le Signe de Cthulhu !


 


LES CHRONIQUES D'EL'BIB : ALEISTER CROWLEY, Serge Hutin


 

Aleister Crowley, le plus grand des Mages modernes, Serge Hutin (Marabout 1973, rééditions Arqa 2006 et Camion Noir 2016).) J’ai beaucoup de sympathie pour cet ouvrage, d’abord parce que c’est la première étude en français sur AC, ensuite parce que la plume de Serge Hutin est fort agréable à lire. Il zappe sans cesse entre le premier et le second degré, montrant qu’il n’est pas dupe en laissant le lecteur le soin de se faire sa religion face aux affirmations les plus « folkloriques » du Mage. Certes l’ouvrage est daté – de nouveaux matériaux ayant été étudiés depuis – mais le portrait qu’il nous délivre est solide. Celui d’un être épris de liberté qui s’échappe du puritanisme familial ; celui d’un joyeux personnage n’ayant d’autres limites que celles de sa volonté – son faux suicide à la Bouche de l’Enfer est un monument ! - ; celui d’un infatigable chercheur, utilisant tous les moyens – même les plus hétérodoxes - pour traquer la matière divine. Cela passe en effet pour Crowley par la drogue, le sexe et la magie rituélique. D’où une légende noire qui se développera autour du personnage qui trouvera son point d’orgue dans une campagne de presse diffamatoire, fomentée certainement suite à des querelles internes par certains disciples du groupe de « Cefalù ». Revenons sur quelques points :

° On a coutume de dire que Crowley était homosexuel. Qu’importe, mais la biographie de Serge Hutin nous montre surtout que c’était un homme à femmes, à la recherche permanente de la partenaire idéale qu’il ne trouvera jamais (La femme écarlate ou la femme ultime chez Abellio !).

° Du reste, si le sexe joue un rôle important dans la vie et l’œuvre de Crowley, il ne signifie pas pour autant qu’il fut un partouzard déchaîné. Hutin consacre de belles pages à « la magie sexuelle » et au rôle de « l’extase » dans le processus de l’initiation.

° Quant aux accusations de magie noire, elles étaient faciles à étayer, en s’appuyant notamment sur les tentatives d’évocations démoniaques opérées par Crowley. Mais le biographe montre bien qu’il ne s’agissait pas de vendre son âme au diable, mais de tenter de contraindre les créatures à se plier à la volonté de l’opérateur.

° On fait des découvertes amusantes en parcourant la liste des personnes qu’il a côtoyées. Il avait pris à une époque comme collaborateur Georges Monti, ancien secrétaire de Péladan et selon certaines sources l’un des inspirateurs de Pierre Plantard dans l’affaire de Rennes-le-Château. Il rencontre également George Silvester Virek, un écrivain germano-américain chantre du nazisme. Pour l’anecdote, l’auteur Richard Lupoff met en scène ce personnage dans Lovecraft’s Book (Arkham House, 1985) et le charge de se rapprocher de l’Ermite de Providence afin que celui-ci rédige un pendant américain à Mein Kampf ! Dans les autres relations curieuses de Crowley, citons encore William Seabrook, auteur du célèbre ouvrage L’Ile Magique sur le vaudou haïtien, ou encore le Colonel anglais Fawcett, explorateur mystérieusement disparu dans le Mato Grosso tout comme bien sûr cet autre aventurier qu’était l’Amiral Bird.

° Le langage énochien est au cœur de la magie rituélique de la Grande Bête. Ce serait la langue utilisée par les anges pour communiquer avec John Dee par l’intermédiaire de son médium Edward Kelly. Elle sera reprise par la Golden Dawn qui l’aurait découverte dans le manuscrit Magie sacrée ou le Livre d’Abramelin le Mage [1]. Beaucoup de chercheurs s’interrogent sur l’authenticité de ce langage. Serge Hutin, avec humour, le compare à une langue extraterrestre. Il en cite une phrase qu’il qualifie de martienne, avec des sonorités qui font penser au son émis par un magnétophone dont on aurait mis la bande à l’envers.

° Quant au fait que Crowley ait été un agent secret au service de l’IS britannique, Serge Hutin prend clairement partie de façon positive. Cela expliquerait son agitation « pro nazie » lors de son premier voyage aux USA, question de donner le change. Cela permettrait aussi de comprendre certains « renflouages mystérieux » lors de plusieurs de ses dérapages financiers.



[1] Conservé à la Bibliothèque de l‘Arsenal à Paris.

mercredi 10 mai 2023

BORGES ET LE TEMPS

 Un article de Jean-Christophe Pichon dans D-Fiction


Borgès et le Temps

STEPHANIE, CREATRICE DE RÊVES

L'Indépendant du 7 mai 2023
 

DAVID NADEAU PARLE DE GRASSET D'ORCET

 

 
Limousin Espalier a écrit ce qui demeure sans doute jusqu’à ce jour l’ouvrage de référence au sujet de l’œuvre et de la pensée de Claude Sosthène Grasset d’Orcet. Les problèmes posés par la méthode d’interprétation développée par cet aventurier et mystificateur sont clairement identifiés: l’arbitraire de la lecture d’un rébus, les informations trop précises et élaborées pour apparaître comme le résultat de la seule étude, l’absence très fréquente de sources, le manque d’explications et de preuves irréfutables…
L’auteur souligne le fait que l’alchimiste Fulcanelli, qui aurait connu Grasset d’Orcet, apporte "une clef supplémentaire à la lecture du grimoire", non mentionnée par son prédécesseur dont il se réclame ouvertement, soit l’usage des "voyelles permutantes".
Des indices quant aux sources mystérieuses de Grasset d’Orcet pourraient être trouvés dans son environnement familial et chez ses proches. Lui-même mentionne brièvement une transmission de type compagnonnique, qu’il a reçu lors de son voyage à Chypre. Joseph Grasset d’Orcet, son père, aurait appartenu à la Charbonnerie ou la Fenderie; c’était le cousin de Jean-Joseph Mounier, un Pair Lanterné selon Espalier. Il y avait des franc-maçons dans sa famille, comme le grand-oncle Jean-Baptiste Lacoste. Dans "La préface du Songe de Poliphile", Grasset d’Orcet qualifie le baron Cerfbeer de Medelsheim, frère de la femme de son grand-oncle maternel, de "Lumière du Grimoire".
Le Marquis de Saulcy, initié au Rite Écossais Ancien et Accepté et archéologue, devient l’ami et le protecteur de Grasset d’Orcet. Grasset d’Orcet s’était enrôlé dans une compagnie de la dixième légion, commandée par le Marquis de Saulcy, lors des événements de juin 1848. Notons que ce dernier, par ailleurs dénoncé par Jean Baylot comme maçon progressiste, était aussi connaisseur de la franc-maçonnerie druse.
Le commandant du Génie François Levet, avec qui Grasset d’Orcet a entretenu une vaste correspondance aujourd’hui disparue, était un franc-maçon du Grand Orient et aussi très probablement un officier des services de Renseignement.
Enfin, Grasset d’Orcet a étudié la sculpture auprès d‘Élias Robert, lui-même élève de David d’Angers et de Pradier, tous représentants de l’art pompier dans lequel, avance Espalier, "subsistait sans doute encore le souvenir du grimoire".
Les annexes incluent une très utile "table des articles" publiés par Grasset d’Orcet.

 

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : NUÉES SANS EAU, Aleister Crowley

 

Nuées sans eau (1909, édition française chez Hexen Press, 2023). L’objet est joliment réalisé et les illustrations, sélectionnées par le traducteur Philippe Pissier, somptueuses. Crowley nous livre ici un poème d’amour déchirant dans lequel le sang prend progressivement la place du sexe. Et le message est perturbant : mieux vaut la mort plutôt que de croupir dans la médiocrité quotidienne. Une sorte de manuel de préparation au suicide mâtiné de fragrances vampiriques. Et pour tous ceux qui voient en 666 un ignoble sataniste, ils seront surpris de lire ses nombreux appels à Dieu auquel il consacre du reste une version très personnelle du Notre Père. L’ouvrage est préfacé par le chercheur Tobis Churton qui nous offre une intéressante enquête pour tenter d’identifier Lola, à laquelle le livre est consacré. Ce serait une certaine Vera Neville, artiste rencontrée par Crowley lors de ses déambulations parisiennes.

LA MORT DE L'IMAGINAIRE, Philippe Marlin

 C'était au Pen Club

 


 

Marlin au Pen Club

samedi 6 mai 2023

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : A LA CROISEE DES CHEMINS, Aleister Crowley

 


 

A la croisée des chemins et autres textes (volume 1), anthologie réalisée par Philippe Pissier (Anima 2022). On ne peut qu’être impressionné par le travail réalisé par Philippe Pissier pour faire connaître l’œuvre d’A.C. C’est cette fois à sa production « littéraire » à laquelle s’attaque notre ami. L’objet est joliment réalisé et le patchwork qui nous est proposé est déroutant. On passe de la prose en solo à l’extrait de roman (Moonchild notamment), on découvre ses pièces de théâtre et on déguste ses poèmes (dont certains en français), on se régale à la lecture de ses fiches littéraires (Balzac, Shelley, James Joyce) ou historiques (Gilles de Rai). Et puis, à titre personnel, je me réjouis de relire L’épreuve d’Ida Pendragon, ce récit d’une initiation dérangeante que j’avais publié en 2001 dans Rêves d’Absinthe. La lecture n’est pas toujours aisée, surtout lorsque Crowley adopte son style affecté, vague et verbeux. Et même si ce recueil se veut essentiellement littéraire, les propos de l’auteur restent imprégnés de « Magick » et de cette recherche éperdue de l’élargissement de conscience par le sexe. On notera encore en annexe une solide étude de Nicolas Ballet sur la « Crowleymass », récupération de l’œuvre de la Grande Bête par l’occulture industrielle. Je relèverai cette intéressante remarque sur le langage énochien : Le fait que Dee et Kelly prétendent parler aux anges est à mettre directement en parallèle avec l’obsession actuelle de la communication extraterrestre et de la recherche d’une vie intelligente. Ce n’est rien de plus qu’un transfert de ces idées à notre présent (John Balance dans David Keenan, 2003).


jeudi 4 mai 2023

NUIT DES LEGENDES (5) DANS LA LETTRE DU CROCODILE


 

Nuit des légendes 5. Editions de L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

www.oeildusphinx.com

Nuit des Légendes, association fondée en 2018, poursuit son œuvre de mémoire et de création, sur les pas des Troubadours d’antan. Rappelons son projet : « faire respirer la mémoire ancestrale des peuples à travers des conteuses et des conteurs qui incarnent les grandes légendes mythologiques, rurales, forestières mais aussi les nouvelles légendes urbaines ».

https://nuitdeslegendes.bzh/

 

Le cinquième volume de la série est le fruit de la Nuit des Légendes du 22 juillet 2022 qui s’est déroulée dans le parc de la Mairie de Pleuven. Deux artistes ont animé cette nuit mystérieuse : Céline Gamuchian, « conteuse de bonnes aventures » et Pépito Matéo, « jongleur de mots ».

Céline Gamuchian a proposé au public de tirer au hasard une carte divinatoire à laquelle correspondait un conte à découvrir. Pépito Matéo a conduit les spectateurs dans l’antre du rire avec ses jubilations, ses improvisations et ses contes imprévisibles :

« Moi, tout petit, on voulait me faire parler. On me mettait des mots dans le biberon… des mots-laids, longue conversation… épithète épithète et pis tète ! Je tétais la grammaire comme une vache espagnole… Oui, parce qu’on me faisait parler espagnol… Mais les mots, en espagnol et en français, peuvent être des frères ennemis. Par exemple, si tu dis le mot constipado, ça veut dire « enrhumé » : faut pas se tromper ! Ou resfriado, c’est « refroidi »… mais si on t’a refroidi, en français, ça veut dire que t’es mort… et l’amor en espagnol, c’est « l’amour »… Remarquez, en français, quand quelqu’un s’éteint, on dit « feu » monsieur, on le rallume ! »

Le lecteur trouvera également dans ce volume les contes de la Balade contée du 9 septembre 2022 avec Lulu Moisan, Sophie Paboeuf, Marie-Thé Sainrat, Alain Sainrat et Yannick. Il y avait beaucoup de korrigans ce jour-là. La Bretagne est célébrée. Pour clore l’ouvrage, Eve-Lyn Sol nous offre un conte inédit.

« Ça s’est passé comme ça ! Peut-être que vous n’allez pas me croire… mais ça s’est vraiment passé comme ça !

C’était en Bretagne. J’étais parti bien avant le lever du soleil avec mon appareil photo. Je marchais, tranquille, au bord d’un étang lorsque je l’ai vue, là, à une dizaine de mètres de moi… Une cigogne ! Parfaitement, une cigogne !

Elle était là, en chair, en os et en plumes ! J’ai pointé mon appareil dans sa direction, j’ai cadré et… un œil énorme est apparu dans mon viseur. Ahaaaaaaaa ! J’ai fait un bon en arrière et je me suis retrouvé les fesses par terre. Devant moi, une autre cigogne me regardait fixement… »

 

« En voyant les étoiles qui scintillent dans les yeux des adultes et des enfants qui écoutent, confie Sophie Paboeuf, je suis heureuse. Les images qui naissent du conte font du bien ; elles raccordent les êtres, apaisent, réconcilient, interrogent, surprennent, font rêver. Il y a du partage, de l’amour et de la générosité dans le fait de conter, et c’est tout ce qui compte. »

 

lundi 1 mai 2023

RENAUD EVRARD A L'IMI le 13 mai

Conférence de Renaud Evrard
Le samedi 13 mai 2023 à 16h00


« La Parapsychologie :
Trouble-fête de la science? »

 



Présentation par le conférencier : 
 

Tout en m’appuyant sur mon cheminement personnel – débutant par une question « innocente » sur la parapsychologie lors de la fête de la science en 2004 –, j’ai construit mon livre Phénomènes inexpliqués (HumenSciences, 2023) comme un « guide de voyage » sur le terrain miné de cette discipline aux prétentions scientifiques. Pourquoi doit-on s’y intéresser ? Et qu’y apprend-on ?

Dans cette conférence, je résumerai l’état des recherches expérimentales dans ce domaine et les discussions qu’elles ont engendrées. L’indifférence n’est plus une réponse légitime. Mon interrogation sera double : la parapsychologies’inscrit-elle véritablement dans une démarche scientifique, méritant à ce titre davantage de reconnaissance ? Ou bien son existence-même remet-elle en cause cette démarche, telle que nous la concevons habituellement ? Réinscrire ce domaine controversé au cœur du débat est déjà un miracle à lui tout seul !


Le conférencier :

Renaud Evrard est maître de conférences HDR en psychologie à l’Université de Lorraine. Il a co-fondé en 2009 le Centre d’information, de recherche et de consultation sur les expériences exceptionnelles. Il a également publié, aux Éditions universitaires de Lorraine, La mort : une expérience. Un psy face aux expériences de mort imminente, qui rassemble une dizaine d’années de travaux sur ce sujet.


 
Informations pratiques / Inscriptions

https://www.metapsychique.org/event/conference-de-renaud-evrard-mai23/