mercredi 22 juin 2011

MOI J'AIME L'UCHRONIE


L'uchronie, une science-fiction méconnue et malfamée en France


Capure d'écran du site nabbu.com.

En partenariat avec Nabbu

On connaissait l'utopie – d'ou-topos, « qui n'a pas de lieu » – et c'était déjà un scandale, l'apanage de vieux rêveurs et de hippies sur le retour. L'uchronie, en littérature, est un récit qui réinvente et réécrit l'histoire sur la base d'un point de divergence :

l'occasion d'une vie de papier pour tout ce qui n'a pas été, ou qui aurait pu être.

Mais l'uchronie, « ce qui n'a pas de temps » ? Ce sous-genre de la science-fiction qui ne conjugue que le conditionnel ? Une folie, diront les lecteurs. Une hérésie, crieront les censeurs.

L'uchronie, genre méconnu en France

Certes, nous autres, esprits français, nous adorons les dates et abhorrons le doute. Nous avons inventé l'autofiction, et regardons avec méfiance quiconque usurpe la vérité. Laïcs, républicains, attachés aux Lumières qui firent notre grandeur, nous craignons la spéculation fictive ou intellectuelle.


L'uchronie, méconnue, malfamée, rame en ces eaux troubles et ne jouit toujours pas, en France, de la reconnaissance qu'elle mérite. Elle a pourtant des arguments : le droit d'aînesse, d'abord, puisque Charles Renouvier, philosophe de son état, l'invente en 1857 (bien avant l'autofiction, donc). Un siècle plus tard, le genre a fait florès : Philip K. Dick lui offre son chef d'œuvre, « Le Maître du Haut-Château », et Philip Roth l'imitera avec son « Complot contre l'Amérique ».

La France, ennemie de la controverse historique, s'est longtemps faite discrète sur le sujet. A l'heure où nous publions ce dossier, tout porte à croire que les choses bougent. L'exposition « Science & Fiction : Aventures croisées », à la Cité des sciences et de l'industrie jusqu'au 3 juillet 2011, célèbre quelques unes des plus belles pépites de l'uchronie.

« La vraie vie, c'est la littérature » disait Proust

« Les Futuriales », festival des littératures imaginaires d'Aulnay-sous-Bois, a consacré une table ronde au genre lors de sa deuxième édition, le 14 mai 2011. Emmenée par « Le Détroit de Behring », un essai d'Emmanuel Carrère à la gloire de ces « retours de mémoire », une nouvelle génération d'auteurs – dont Ugo Bellagamba et Johan Héliot, en interview dans ce dossier – vient enfin repeupler ce désert.

Chroniques de livres, interviews, entretiens : tous s'accordent à dire que l'uchronie n'est pas cet élan nostalgique vers un passé figé. Au contraire, leur production se bat à démontrer l'inverse : en questionnant le passé, on prépare l'avenir.

En détournant le temps, on multiplie les possibles. En les écrivant, l'uchronie bâtit un royaume à toutes les vies que nous n'aurons pas ; elle arrache nos fantasmes aux limbes de l'imaginaire ; elle offre enfin une place aux destins refoulés.

N'est-ce pas finalement Proust – ce demi-dieu de l'autobiographie – qui disait que « la vraie vie, c'est la littérature » ? Notre dossier « Uchronie » ne part pas à la recherche du temps perdu, bien au contraire. Il fait honneur à celui que l'on compose et qui console… le temps d'un livre.

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