mercredi 28 décembre 2011

DRACULA AIME LE SANG DE COCHON

ROUMANIEDes cochons sacrifiés sur l'autel du tourisme

Pour attirer les touristes étrangers, les Roumains puisent dans le folklore local, et n'hésitent pas à renouveler des rituels sanglants tels que la "mise à mort porcine". Reportage dans la région de Bucovine.
27.12.2011 | Georgeta Cîrstean, Florina Pop, Dorel Ţîrcomnicu | Adevarul


En Roumanie, l'abattage du cochon est passé d'une coutume simple de Noël à un moyen d'attirer les touristes et donc de faire de l'argent. Ces jours-ci, de plus en plus de gérants de pensions, hôtels et restaurants présentent le rituel de l'abattage du cochon. Des dizaines de lieux en Bucovine [dans le nord de la Roumanie], par exemple, offrent aux touristes un spectacle inédit : la mise à mort de l'animal selon la coutume locale.  "J'ai coupé un cochon d'environ 200 kilos et j'ai préparé des cochonnailles pour l'arrivée des touristes, et, le 24 au matin, nous préparons le deuxième cochon. Ainsi les touristes peuvent déguster de la couenne fumée, du lard fumé ou rôti et voir comment sont préparées les saucisses, les boudins, le fromage de tête, des plats traditionnels et écologiques !" raconte Dumitru Bodnar, gérant d'une pension à Suceviţa [en Bucovine].
La démonstration se fait également en direct au musée du village de Bucovine. Le spectacle se déroule dans la cour du musée. Les personnes présentes peuvent voir de près le rituel de la mise à mort du cochon, en compagnie de l'équipe du musée qui raconte aux touristes les coutumes et les superstitions liées à la période des fêtes de fin d'année. "Nous avons reçu un cochon de nos sponsors, et c'est le personnel du musée qui fera la préparation de viande. Je ne pense pas que le jour du Cochon soit devenu une attraction commerciale, mais il pourrait le devenir. Les gens ne roussissent plus le cochon avec de la paille, mais avec des lampes à gaz, ils ne le frottent plus avec du sel et de la farine, mais seulement avec du sel et une brosse en paille. C'est ce que nous ferons au musée du village de Bucovine, nous allons montrer aux gens la vraie tradition", a déclaré Emil Ursu, conservateur du musée.

Plus bas, dans le sud de la région, la directrice d'une pension du département de Vâlcea va encore plus loin dans l'innovation : les touristes apportent eux-mêmes un cochon vivant, acheté au marché, et le reste est pris en charge par le personnel de la pension. Elle soutient que le tourisme dans la région manque de divertissements pour les touristes. "Nous avons eu déjà quelques premiers Bucarestois qui ont été enchantés par une telle proposition. Si on n'insuffle pas une âme au tourisme, on met la clé sous la porte", affirme Laura Craioveanu.

Dans une Europe de plus en plus laïque et de plus en plus éloignée de ses coutumes, le jour du Cochon dans le style traditionnel roumain peut être à même de promouvoir notre image dans le monde, croit le sociologue Marius Pieleanu. "Dans une société postmoderne, l'abattage du cochon et le fait de le vider de son sang peut sembler un rituel barbare aux yeux des Européens, mais ce pourrait être une raison attractive pour visiter la Roumanie. Nous exportons bien le mythe de Dracula, avec toute sa barbarie et sa cruauté, pourquoi n'exporterions-nous pas le cochon ?" De plus, considère Pieleanu, les touristes européens ne sont pas étrangers aux pratiques barbares, donnant l'exemple de l'Espagne – ce n'est que cet été que furent interdites les corridas [la tauromachie], et seulement dans certaines régions. Quant à la passion des Roumains pour l'abattage traditionnel, Pieleanu affirme qu'il faudra longtemps avant que les gens en perdent l'habitude. "En vain, on impose par la loi que l'animal soit assommé. L'homme du peuple croit qu'il est préférable de l'égorger et de le roussir au feu de paille et non pas à la lampe à gaz."

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