Lovecraft n’oubliera pas d’inclure
le roman de Stoker dans ses « Admirations » (Supernatural Horror in Litterature, 1927,
édition française chez Christian Bourgois ; chez Robert Laffont,
collection « Bouquins », tome 2, 1991) : Mais le meilleur est le célèbre Dracula, qui est à peu près devenu la forme moderne idéale de l’effroyable mythe
vampirique. Un vampire, le Comte Dracula, habite un horrible château dans les
Carpates ; mais il finit par émigrer en Angleterre avec l’intention de
peupler le pays de ses compagnons vampires. Comment un Anglais réussit à pénétrer
dans la forteresse terrifiante de Dracula, et comment l’ambitieux complot du
mort démoniaque est enfin déjoué, tels sont les éléments d’un récit justement
mis au nombre des œuvres impérissables des lettres anglaises.
Collecté par ailleurs dans la volumineuse
correspondance de Lovecraft par Jacky Ferjault :
A propos de Cook, il vient juste
de me prêter deux livres, dont l’un est la dernière œuvre de Bram Stoker ([1]), Le Repaire du Ver blanc. L’idée de
départ est colossale, mais le développement est si enfantin que je ne peux pas
imaginer comment cela a jamais pu être imprimé — si ce n’est à cause de la
réputation de l’auteur de Dracula. Le
récit décousu et immotivé, les personnages puérils et artificiels, la tendance
illogique qu’ils ont tous à faire la chose la plus stupide possible précisément
au mauvais moment et sans aucune raison et le développement compliqué d’une
personnalité reléguée par la suite dans une complète insignifiance — tout cela
me donne la preuve que Dracula (Mrs
Miniter a vu Dracula en manuscrit il
y a environ trente ans. C’était incroyablement négligé. Elle envisagea le
travail de révision, mais demanda trop cher pour Stoker) et Le Joyau des Sept Etoiles ont été
retouchés.
(Lettre à Frank Belknap Long du
7.10.1923).
Ainsi Tabitha est devenu un nom de chat à Sac Prairie ? Par ici, ça
s’applique encore aux femelles primates de l’espèce Homo
sapiens — surtout, cependant, parmi la génération qui s’éteint
graduellement. C’est curieux comme ça volète d’animal en animal — c’était à
l’origine un mot araméen (altération de l’Hébreu local utilisé en Syrie à
l’époque du Nouveau Testament) signifiant gazelle
femelle. Dorcas (d’après un mot grec signifiant briller ou luire — en référence aux grands yeux brillants de la
gazelle ; d’une autre forme du même mot vient le nom latin draco ([2]), qui veut dire dragon ou
serpent ou — plus tard et par
transfert — diable. D’où, par les
sources slaves ou roumaines, le mot dracu, et le nom propre Dracula. Drak ou dric est une ancienne racine aryenne remontant au Sanscrit —
signifiant voir ou briller, et est le
mot grec désignant la gazelle ou l’antilope, formant ainsi une traduction.
(Lettre à August Derleth du
27.03.1935)
A propos du film
Et Dracula, en 1931 — j’ai vu le début à Miami, en Floride — mais n’ai pas réussi à m’éterniser
dans la totale monotonie, ce qui fait que je l’ai délaissé pour un clair de
lune tropical et parfumé !
(Lettre à Farnsworth Wright du
16.02.1933).
[1] Abraham Stoker
(1847-1912). Originaire de Dublin. D’abord journaliste et critique dramatique,
il se consacra à la littérature fantastique après le succès de Dracula (1897). Autres romans fantastiques
traduits en français : The Jewel of the
Seven Stars (1904) — Le joyau des
sept Etoiles, Bibliothèque Marabout n° 597, 1976 — ; The Lair of the White Worm (1911) — Le Repaire du ver blanc, Bourgois, 1970 —. Sur B. Stoker et Dracula
voior la livraison spéciale de Midi-Minuit Fantastique n° 4-5, janvier 1963.
[2]
Certains mots de ce texte n’ont pas, pour une meilleure compréhension, été
traduits (NdT)
Je ne sais pas si je suis le seul à l'avoir remarqué, mais la nouvelle de Lovecraft La Maison de la Sorcière (The Dreams in the Witch-House) ressemble beaucoup à la nouvelle de Stoker La Maison du Juge (The Judge's House) : toutes les deux mettent en scène un étudiant en mathématiques qui révise dans une vieille maison anciennement habitée par une personne sinistre, et est tourmenté par une espèce de fouine (dans la nouvelle de Stoker, il ne s'agit pas du familier du maître des lieux mais du maître des lieux lui-même). Le dénouement se rapproche, aussi.
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