Le Voleur aux esprits de Rachel Aaron
A
la célèbre interrogation d’Alphonse de Lamartine, "Objets inanimés,
avez-vous donc une âme... ?", la réponse de Rachel Aaron dans "La Légende d’Eli Monpress : Le Voleur aux esprits"
(Orbit) est un oui franc et massif ! En effet, elle nous emmène dans un
monde où chaque plante, chaque objet, du plus petit - un grain de sable
ou une goutte de pluie - au plus gros - une montagne par exemple - a un
esprit, plus ou moins éveillé, plus ou moins intelligent, avec lequel
certains humains ont le pouvoir de communiquer. Afin de préserver
l’équilibre et de protéger les esprits de magiciens noirs appelés les
Asservisseurs - le nom indique bien leur pouvoir de forcer un esprit à
exécuter leur volonté - existe la Cour des Esprits, une caste de
magiciens, les Spirites, qui s’associe à des esprits - échange de
pouvoir contre force -, afin de lutter contre les préjudices de la
population à leur égard. Miranda Lyonette, jeune magicienne fraîche
émoulue de son Académie, est envoyée, avec son chien fantôme géant et
doué de parole, Gin, à Mellinor, seul royaume à bannir la magie et les
magiciens, pour y arrêter Eli Monpress, voleur et magicien redoutable.
il est train d’y exécuter son forfait le plus spectaculaire à ce jour :
assisté de Josef Liechten, bretteur redoutable porteur d’une épée
éveillée encore plus redoutable et de Nico, jeune femme silencieuse,
menotée d’argent et inquiétante - pourquoi les esprits hurlent-ils en la
voyant ? -, il vient d’enlever le roi de Mellinor ! Inutile de dire que
cela crée une situation sans précédent dans le royaume, d’autant plus
confuse que le frère aîné du roi, Renaud, réapparaît en homme
providentiel alors qu’il avait été banni du royaume et avait donc perdu
son droit au trône car magicien, et quel magicien, le plus redoutable
des Asservisseurs... Eli va donc être obligé de lutter sur tous les
fronts à la fois pour résoudre les problèmes nés de la pagaille qu’il a
semé et cela nous donne une aventure de cape et d’épée absolument
magique dans tous les sens du mot !
Rachel Aaron a créé un monde
surprenant, fort attachant, avec ses esprits peuplant tout et le pouvoir
de certains humains à communiquer avec eux et à les utiliser - en
quelque sorte du super-chamanisme. Eli Monpress est le prototype du
voleur sympathique, frondeur et charmeur - la scène où les jeunes arbres
se penchent vers lui en gloussant à son passage comme des pucelles, le
tout à l’immense surprise de Miranda qui n’a jamais vu cela
auparavant -, d’apparence cynique mais il ne s’agit manifestement que
d’une protection car au fonds de lui-même il est sensible et
attentionné, responsable et sérieux. Le contraste avec Miranda,
magicienne pétrie de certitudes, en est d’autant plus efficace : la
manière dont celle-ci va découvrir que le monde n’est pas tout blanc -
le sien - ou tout noir - le reste - est très savoureuse et bien menée.
Les autres personnages - qu’ils soient humains ou esprits - sont bien
campés, les méchants sont méchants et, pour certains, énigmatiques à
souhait (la Ligue des Tempêtes).
Le roman est écrit, avec beaucoup de
finesse, sur un ton humoristique, avec des réflexions parfois très
pince-sans-rire des personnages - par exemple les considérations sur
l’intelligence de l’esprit d’un fourneau de cuisine sont hilarantes -,
qui lui donne une saveur particulière. Voilà un roman de fantasy très
accompli, qui renouvelle le genre, et se lit avec passion. A quand sa
suite ?
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