mardi 17 juillet 2012

LE NOUVEAU D'ESTIENNE D'ORVES

Le Point
Le Point.fr - Publié le 17/07/2012 à 08:04

Le Point.fr vous fait découvrir cet été 30 titres de la rentrée. Aujourd'hui, "Les fidélités successives" de Nicolas d'Estienne d'Orves.

Le nouveau roman de Nicolas d'Estienne d'Orves. Le nouveau roman de Nicolas d'Estienne d'Orves. © Sandrine Expilly
Nicolas d'Estienne d'Orves est un drôle d'oiseau. Avec son allure d'aristo clown désinvolte, ses essais hyper pointus sur la musique classique et ses romans remarquables et bizarres, il est toujours à contretemps, à contrevérité, à contre-pensée. À chaque sortie de livre, il étonne, c'est devenu une (bonne) habitude. NEO est né en 1974. Après la case pensionnat, des études de lettres et des stages dans le milieu de l'opéra, le voilà journaliste au Figaro Littéraire et à Madame Figaro. Chroniqueur durant presque cinq ans sur France Musique - dont il est renvoyé pour "blasphème et pornographie" (une sombre histoire de version paillarde du cantique Il est né, le divin enfant) -, il est aujourd'hui critique musical (classique) au Figaro, à Classica, et au Figaroscope, où il tient chaque semaine un "neoscope".
À partir de 2001, il a beaucoup publié. Des nouvelles : Le sourire des enfants morts, où il est question, dans le désordre, de cannibalisme, de promenades dans Paris et d'un asile de débiles mentaux, Le regard du poussin, épouvantable, encore, et si drôle ; ou La Sainte Famille, où l'hémoglobine coule à torrents. Des essais, doctes, rigoureux, mais jamais pontifiants : Les aventures extraordinaires de l'opéra, qui, comme son nom l'indique, est un voyage plein de rythme dans les coulisses de l'Opéra, Bulletin blanc ! "autofritction" dans laquelle le trublion raconte tout le bien qu'il pense de l'autofiction, ou encore Jacques Offenbach, une monographie burlesque et élégiaque, potache et romantique, ludique et lunaire, comme le compositeur, comme l'auteur.

Psychologie complexe

Et des romans bien sûr : Un été en Amérique, ou plutôt sur une île de doux dingues qui semblent s'être arrêtés à l'année 1930 du calendrier (et ce, malgré des pratiques nocturnes assez modernes), Rue de l'autre monde, où seuls des êtres monstrueux sont habilités à jouer dans un opéra qui rend fous tous ceux qui l'écoutent, mais aussi Othon, politique-science-fiction foudroyante (prix Roger-Nimier 2002), Fin de race (prix Jacques Bergier 2002) ou Les orphelins du mal, thriller sur ce que sont devenus les enfants nés dans les haras humains créés par les nazis, traduit en 13 langues. Avant-dernier né de NEO, L'enfant du premier matin est un vaste thriller historique où souffle sa fascination (coupable ?) pour l'ésotérisme.
Cette année, pour la rentrée, NEO change de ton. Fini, le mauvais genre, les tours de passe-passe qui rendent le gore irrésistible et donnent une immunité bien méritée à (presque) tous de ses écrits : l'heure est au sérieux. Tour à tour Anglais et Français, résistant et collabo, salaud et héros, Guillaume Berkeley, en ce printemps 1942, ne sait plus du tout qui il est. Sans jamais trahir sa conscience, il passe d'un camp à l'autre, en toute sincérité, au rythme de ses "fidélités successives".
Une psychologie complexe, double, qui serait bien confuse, si elle n'était pas servie par la plume limpide de NEO. Plus son héros s'enfonce, se perd, jusqu'à la folie, dans les bas-fonds de son âme troublée et de son époque insensée, plus d'Estienne d'Orves discipline son écriture dans une langue blanche, dénuée de tout excès. Passionnant, perçant, éclairant, l'oeil romanesque porté sur une époque archi-connue, lue, rebattue semble neuf ; grâce à un travail d'orfèvre sur l'intimité, le cerveau, le ventre de cette perle de héros (ou d'anti-héros). Finalement, le (très) sérieux aussi lui va fort bien, à NEO. Chapeau !
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Par
Albin Michel, 715 pages, 23,90 euros. Parution : 23 août. Retrouvez notre dossier spécial "Les livres de la rentrée".

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