mardi 31 janvier 2017

Le GHORL NIGRAL (Mülder)





Le Ghorl Nigral de Mülder (lettre du 14 août 1936 à Willis Conover Jr, in Bouquins tome II). Lovecraft évoque un rêve dans lequel il est question de l’infâme Ghorl Nigral de Mülder. Un manuscrit maudit qu’il a vu une fois entre les mains d’un lecteur à la bibliothèque de l’Université de Miskatonic. Un terrible éclair frappa le bâtiment et on retrouvera le lecteur mort, son corps tombant en poussière. Lovecraft n’aura hélas pas le loisir d’exploiter cet ouvrage. Mais sa « descendance » saura le mettre à profit. L’Encyclopedia Cthulhiana de Daniel Harms lui consacre une entrée. Les développements sont basés sur deux textes de Lin Carter (The Thing in the Pit et Zoth Ommog) ainsi que sur le Lovecraft at last de Conover. On y apprend que cet ouvrage, également connu sous le nom de Book of Night, a été découvert par le sorcier Zbauka dont il est fait état dans Le Livre d’Eibon. Il provient de toute vraisemblance de Yaddith. Il a été récupéré par les prêtres de Mû qui y ont ajouté certaines parties, dénaturant l’original. Il fut ensuite déposé dans le monastère de Yian-Hô puis retrouvé par Gottfried Müller, un ami de Von Juntz, qui publia en 1847 The Secret Mysteries of Asia, with a commentary of the « Ghorl Nigral ».
Il semblerait qu’un exemplaire soit conservé à la bibliothèque de l’Université de Miskatonic.

dimanche 29 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE COMTE MAGNUS, M.R. James





Robert M. Price (in introduction à Le Cycle de Cthulhu, Oriflam 1988) voit dans Le Comte Magnus de M. R. James une « influence » importante sur la fiction lovecraftienne (nouvelle reprise dans l’ouvrage cité ; première publication dans Ghost Stories of an Antiquary, 1904). Lovecraft, dans Épouvante et Surnaturel en Littérature (cf 1927) relèvera l’originalité du style de l’écrivain anglais, Les trois grandes règles utilisées par ce dernier seront du reste reprises par notre auteur (cf Notes sur l’écriture de la fiction surnaturelle, 1932) :
-       L’histoire doit toujours se dérouler dans un cadre familier, situé dans une époque moderne,
-       L’histoire doit atteindre le plus près possible l’expérience et l’univers ressenti par le lecteur,
-       Tout patois technique, style « occultisme savant ou pseudo-scientifique », sera à tout prix évité.
-        
L’histoire met en scène un certain Wraxall, voyageur curieux et adepte de la rédaction de journaux de voyage, dans l’esprit du Journal d’un Séjour au Jutland et dans les îles danoises d’Horave Marryat. Des récits vivants, collectant de nombreux témoignages et cherchant à plonger dans l’histoire de quelques familles représentatives de la région étudiée. Sa nouvelle expédition le conduit en Scandinavie où il est accueilli par les propriétaires de l’ancien manoir de Rabäck dans le Vesterdothland qui acceptent de lui ouvrir leurs archives. Et de plonger dans une saga familiale marqué par son patriarche, le Comte Magnus de la Gardie. Un personnage qui a laissé un mauvais souvenir dans la région. L’aubergiste où réside le voyageur laisse entendre que le Comte avait effectué un Pèlerinage Noir dont il avait ramené quelque chose. Wraxall continue d’enquêter, visitant l’église proche du domaine et son mausolée où sont enterrés les membres de la famille.
Dans les archives, il met la main sur un manuscrit d’alchimie du XVI ème siècle, rédigé par le comte, et intitulé Liber Negrae Peregrinatis. Il est fait allusion à une visite au Prince Noir du village de Chorazin. L’aubergiste raconte alors à son client l’histoire de deux chasseurs, à l’époque de son grand père, qui étaient allés de nuit sur les terres du comte et qui rencontrèrent des êtres qui ne devraient pas se trouver là. Des êtres qui devraient se reposer et ne pas marcher la nuit. On les retrouvera affreusement mutilés.
Wraxall fréquente de plus en plus souvent le mausolée et remarque que les cadenas de la tombe du Comte sont usés. Le couvercle cédera et le voyageur, paniqué, prendra les jambes à son coup et rentrera en Angleterre. Il se sent poursuivi par deux silhouettes portant un manteau noir. Il part se mettre au vert à Belchamp-Saint-Paul (Essex) dans une pension où on le retrouvera mort le lendemain de son arrivée.

Un bon texte qui s’articule sur les notes du voyageur, retrouvées par les propriétaires de la pension. Robert M. Price fera une longue liste des fictions de Lovecraft influencées par cette nouvelle. Notre auteur utilisera par exemple la ville de Chorazin[1] où il situera la demeure hantée des van der Heyl dans Le Journal d’Alonso Tyler (1935).



[1] Chorazeïn, avec Bethsaïde et Capharnaüm sont trois villes (ou gros villages) mentionnées dans le même paragraphe de malédictions prononcées par Jésus dans les évangiles de Matthieu (Mt 11 :23) et Luc (Lc 10 :13), car les miracles que Jésus y a accomplis n’ont pas entrainé de conversions. D'ailleurs ces miracles ne sont mentionnés nulle part dans les évangiles. Si Bethsaïde et Capharnaüm, toutes deux au bord du lac de Tibériade, sont connues car mentionnées à différentes occasions dans les évangiles, Chorazeïn reste mystérieuse : elle n’apparait dans les évangiles qu’en ces deux paragraphes cités ci-dessus.
En raison de la malédiction de Jésus, quelques auteurs médiévaux affirmaient que l’Antéchrist naîtrait à Chorazeïn.
Lovecraft, dans la nouvelle citée, localise Chorazin à New York. D’après Szymanski dans Dreams, Dark and Deadly, il s’agit d’une localité privilégiée pour invoquer Cthulhu. Abdul Alhazred et Ludwig Prinn sont cesés avoir également effuecué la « Pèlerinage Noir » (The Lord of the Worms, Brian Lumley ; The Transition of Abdul Alhazred, R.E. Price).

samedi 28 janvier 2017

LOVECRAFT, DUNSANY ET LA FORME VIDE

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1919, la lecture de La Boutique de la Rue du Passage de Dunsany influencera profondément la propre vision mythologique de Lovecraft, et notamment celle de la forme vide. Robert M. Price (in introduction à Le Cycle de Cthulhu, Oriflam 1988) voit dans ce texte une source de L’Appel de Cthulhu. Cette nouvelle figure dans le recueil cité. Elle fut publiée pour la première fois dans Tales of the Three Hemispheres (Boston, John W. Luce and Company, 1919)

Mais si l’endroit était sombre et lugubre, il y avait à l’autre extrémité une lueur azurée ; en son cœur scintillait une multitude d’étoiles.
-       C’est ici le paradis des dieux en sommeil, fit le gros homme.
Je lui demandai de quels dieux il s’agissait, et il me fournit toute une liste de noms, dont certains que je n’avais jamais entendu auparavant.
-       Et tous ceux qui ne sont pas vénérés de nos jours dorment d’un profond sommeil.
-       Mais alors, le temps ne les tue pas ? m’enquis-je.
-       Non. Mais pendant trois ou quatre mille ans, un dieu est vénéré. Puis, sur une période aussi longue, il entre en léthargie. Seul le temps ne dort jamais.
-       Mais tout ce que l’on nous apprend sur les nouveaux dieux…. Ne seraient-ils donc pas si nouveaux que ça ?
-       Une nouvelle aube se lève et les prêtres poussent de grands cris de joie, car ils ont entendu les anciens dieux qui bougent dans leur sommeil, en préparation de leur éveil. Mais ces prophètes-là sont les bienheureux, car d’autres entendent un ancien dieu leur parler alors qu’il dormira encore longtemps, et ils peuvent prédire tout ce qu’ils veulent, l’aube ne viendra pas.

 

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA CITE SOEUR de Brian Lumley





La Cité Sœur de Brian Lumley (The Sister City, 1969) fait partie de ces nouvelles sans grande saveur. Le jeune Robert Krug se retrouve orphelin suite au bombardement de la demeure familiale à Londres. Il passe de longs mois à l’hôpital où il dévore toute la littérature qu’il peut trouver sur les Mondes Perdus. Son corps subit de curieuses transformations comme ses doigts et ses pieds, qui deviennent palmés. Il parcourt le monde à la recherche de la Cité Sans Nom évoquée par le poète Abdul Alhazred, mais revient s’établir près des marais du Yorkshire, dans le domaine familial, où il se sent vraiment « chez lui ». Il aime y plonger, d’autant plus facilement que ses poumons sont aussi des branchies. Il en remonte une pierre gravée, y découvre les cités de Ib et Sarnath. Il finit par y retrouver ses parents qui avaient mit feu à leur maison de Londres pour faire croire à une destruction par bombardement, afin de retourner dans leur monde aquatique.
La thématique des créatures d’Innsmouth est particulièrement galvaudée, quant à notre brave Abdul, on se demande ce qu’il vient faire ici !

jeudi 26 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : SUEURS FROIDES, J. Ramsey Campbell





Avec Sueurs Froides (Cold Print, 1969, in Cold Print, 1985), J. Ramsey Campbell nous livre une nouvelle amusante qui change de la thématique habituelle des « pastiches ». Il nous conte l’histoire de Sam Strutt, collectionneur libidineux toujours à l’affût de la perle rare dans les bouquineries spécialisées. Il croise un jour, chez Good Books, un clochard qui lui propose de l’emmener dans une officine très spécialisée. Malgré sa répugnance vis à vis du bonhomme, il accepte de le suivre dans une échoppe improbable. Il y fait l’acquisition de La Vie Secrète de Wackford Squeers, laissant la monnaie sur le comptoir, le libraire, dont on aperçoit une ombre sans tête, étant manifestement très occupé à l’arrière-boutique. Ravi de son acquisition, il retourne quelques jours plus tard chez le celui qu’il pense être le commerçant, en train de fermer boutique, mais qui accepte de le laisser entrer. Il l’appâte sur le thème « comment réaliser vos fantasmes » en lui montrant le 12 ème tome, introuvable, des Révélations de Glaaki. Il y est notamment fait allusion du retour sur terre de Y’golonac. Strutt, effrayé essaie de s’enfuir, mais la porte est fermée. Il chercha alors à brûler le livre, provoquant l’apparition d’une forme inquiétante. La porte du fond s’ouvre et apparaît l’ex libraire, sans tête, qui se précipite sur lui avec des mains dont les paumes s’ouvrent sur des gueules rouges et humides.

mercredi 25 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : ON RODE DANS LE CIMETIERE, J. Vernon Shea





On doit à J. Vernon Shea un excellent texte sur le Necronomicon (cf 1936). Il restera toujours fidèle à Lovecraft, comme dans On Rôde dans le Cimetière (The Haunter of the Graveyard in Tales of the Cthulhu Mythos, Arkham House, 1936). Un texte qui met en scène le prestidigitateur, Elmer Harrod, qui habite sans une impasse contiguë à un cimetière désaffecté. Il découvre dans le sous-sol de sa maison un large tunnel qui se termine par un mur nu. Il aime flâner dans le cimetière, y lire des textes de Lovecraft et y préparer ses émissions de TV dans lesquels il commente des films d’horreur. Il y tournera même avec quelques étudiants de l’université de Miskatonic un court métrage qui sera remarqué. Dans ce film en effet, les arbres s’agitent de façon curiese alors que des bruits étranges se font entendre. Une nuit, alors qu’il bouquine sur la tombe d’un vieux sorcier, il s’évanouit et se retrouve dans sa cave illuminée dont le mur s’est effondré. Dans une vaste grotte dans laquelle se trouve un lac, il assiste à une effrayante cérémonie, les participants psalmodiant : Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn ! Iä Iä, Cthulhu fhtagn ! Appel auquel répondra un être gigantesque doté de tentacules. Il se réveille terrorisé, d’autant que le ciel semble se couvrir de l’ombre de visages immenses et inhumains. Suite à son agitation, la dalle de la tombe glissera, dévoilant un escalier. Elmer l’empruntera en entendant : descends, Harrods, descends. On retrouvera son corps horriblement mutilé.

mardi 24 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE NECRONOMICON, J.V. Shea





Le Necronomicon (1936/37 env, James Vernon Shea, in Dragon & Microchips no 14, 1998).  L’auteur était un lovecraftien passionné qui nous propose un texte, revu par Lovecraft, qui restera longtemps « sous les radars ». Il n’a jamais été publié et c’est Jean-Louis Sarro qui nous en a remis une copie dactylographiée que nous avons punlié, sous une traduction de Christophe Thill, dans D&M. L’éminent lovecraftien Dan Clore le reprendra sur son site internet.
La nouvelle met en scène Lovecraft, sous le nom d’Edward Stowescroft, alors âgé de 46 ans. C’est un gentilhomme cultivé, doté de vastes connaissances, qui vit avec sa tante après un divorce à l’amiable. Il a une rigueur très « militariste », un penchant pour l’idéologie fasciste, entretient une incroyable correspondance et écrit sur des sujets flirtant avec la magie noire. Le Necronomicon a été son invention la plus réussie. Bien qu’il s’agisse d’une fiction, son auteur n’en plaisantait jamais, eu égard aux circonstances de sa création.
L’idée de ce livre lui était venue dans des circonstances qui avaient hanté sa mémoire pour toujours par la suite. Toute sa vie, il avait été sujet aux cauchemars les plus effrayants ; en fait, plusieurs de ses rêves les plus frappants lui avaient fourni des idées pour ses histoires. Une nuit, il avait rêvé, et savait qu’il rêvait, et pourtant la conscience d’être assoupi ne le tira pas de son sommeil, contrairement à ce qui se passe presque toujours. Son rêve était si terrifiant qu’il lutta pour se réfugier dans l’éveil et s’aperçut qu’il ne le pouvait pas. D’une certaine façon, il sut que s’il ne se réveillait pas immédiatement, il n’y aurait plus d’Edward Stowescroft pour regagner le monde des vivants. Le côté militaire de sa nature ne voulait pas tolérer une capitulation aussi abjecte ; et, à force de tentatives acharnées, il parvint à se libérer – pour se retrouver, non dans son lit, mais dans un cimetière abandonné de Providence, auprès d’une tombe dont les pierres qui s’effritaient donnaient l’impression d’avoir été récemment remuées. Et dans son esprit se trouvait, ineffaçable, l’idée du livre, et même son nom. Il s’en était emparé pour ses histoires, car une grande partie de la réussite d’un conte fantastique dépend du choix de symboles frappants au nom sinistre, comme Bethmoora que fuient les lions chez Dunsany, comme le Signe Jaune de Chambers, comme les lettres[1] Aklo de Machen – mais il dut s’avouer à lui-même que cette appropriation le mettait un peu mal à l’aise.
… ce livre était connu de son grand-père, et son grand-père, après en avoir parlé à voix basse, avait fait le signe de la croix.
… Était-il possible que le livre existe réellement quelque part, et que par une forme mystérieuse de communication, il en ait eu connaissance dans ses cauchemars ? Et, en admettant cette hypothèse invraisemblable, comment pourrait-il le trouver et en exorciser les maléfices ?

Lovecraft utilisera cet ouvrage dans nombre de ses nouvelles alors que ses amis et correspondants se l’approprieront dans leurs propres œuvres, toutes publiées pour l’essentiel dans un pulp bon marché. Un jour cependant, l’auteur fit passer dans la dite revue une note demandant à toutes ses relations de cesser d’utiliser le livre maudit. Panique dans les rangs du « Circle » qui amènera l’un des ses membres, Lounger Jr (lire F.B. Long) à rendre visite à l’Ermite. Il retrouvera un vieil homme, persuadé de sa fin prochaine, qui lui déclarera :
J’ai acquis la conviction que le Necronomicon est plus réel que je ne l’avais supposé. Mais comment est-ce possible ? c’est comme si Cervantès était hanté par le fantôme de Don Quichotte. Cependant, si je devais accorder foi au Yoga et à toutes ces absurdités extrême-orientales, je pourrais croire que la mention répétée du Necronomicon a créé bien plus qu’une simple image mentale. Les Yogas enseignent qu’à force de concentration, bien des choses peuvent acquérir une forme solide.
Troublé et décidé d’en avoir le cœur net, il ira consulter un prêtre à l’église de Federal Hill et tracera dans sa chambre un cercle, avec à proximité de main un rosaire, un flacon d’eau bénite et un pistolet. Il évoquera Nyarlathotep qui commencera à prendre forme malgré son imprécation : Va t’en, c’est moi qui t’ai imaginé !
Suite au bruit d’un coup de feu, sa tante se précipitera dans sa chambre ; elle ne retrouvera que les vêtements de l’écrivain, son corps ayant disparu. 




[1] Annotation de HPL : « rituels ? » (en fait il s’agit bien des lettres Aklo ; cf Arthur Machen, Le Peuple blanc)

lundi 23 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : MANUSCRIT TROUVE DANS UNE MAISON DESERTE, Robert Bloch





Robert Bloch continue dans la fiction lovecraftienne avec Manuscrit trouvé dans une maison abandonnée (Notebook found in a deserted house in Weird Tales, 1951), de façon peu convaincante cette fois. Il est question d’un petit orphelin, Willie Osborne, qui vit au fond de la forêt avec sa vieille grande mère, puis chez son oncle et sa tante au décès de celle-ci. Il n’est jamais sorti de son « trou » qui n’a qu’une seule visite, une fois par semaine, celle du facteur. La forêt est bien évidemment maudite, hantée par une créature malfaisante qui laisse d’étranges empreintes de sabots de chèvre. Il cherche à se renseigner dans un vieil ouvrage de sa tante, Mythologie, et en arrive à la conclusion qu’il existerait peut-être un culte de Druides, venus en Amérique, opérant de sanglants sacrifices. La visite de son cousin Osborne est annoncée, mais l’oncle chargé d’aller le récupérer à la gare disparaît alors que la tante est enlevée. Le cousin finit par arriver, mais sa conduite est bizarre et le petit garçon terrifié s’enfuit la nuit (de la Toussaint) avec le facteur et tombe en sur une messe noire où il entend prononcer le nom de shoggoth. Il (re) s’enfuit et se barricade dans la maison alors que le cousin Osborne essaye de défoncer la porte pour l’emmener ? On ne retrouvera que les notes du gamin.
Joshi n’hésite pas à qualifier ce texte de grotesque !

dimanche 22 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'OMBRE DU CLOCHER, Robert Bloch






Lovecraft et Robert Bloch aimaient se « trucider » par fiction interposée. Avec L’Ombre du Clocher (The Shadow from the Steeple in Weird Tales 1950), Bloch poursuit la nouvelle de Lovecraft, Celui qui hantait les Ténèbres (cf 1935) et reprend d’enquête sur la mort de Blake. Son ami, Edmund Fiske, pense que Lovecraft n’a pas tout dit dans sa nouvelle et que la secte de la Sagesse Etoilée de Federal Hill n’a pas livré tous ses secrets. Quid des dernières déclarations de Blake ? N’est ce pas une Réincarnation de Nyarlathotep qui prit dans le Khem antique et ténébreux l’apparence d’un homme ? Et pourquoi le Dr Dexter, une relation de Lovecraft, a-t-il pris le coffret asymétrique - contenant un « Trapézoèdre étincelant » - découvert dans l’église de Federal Hill pour le jeter dans la baie de Narragansett ? Fiske décide de se rendre en 1937 à Providence, mais Lovecraft vient de mourir. L’église, siège de la secte, a été détruite et il ne trouve aucune trace du Dr Dexter. Le temps passe et il remarque un jour par hasard le nom de Dexter, dans des revues scientifiques traitant de physique nucléaire. Il lui écrit en vain et va recourir aux services d’un détective privé pour le retrouver. Averti du retour de Dexter à Providence, il se précipitera pour lui rendre visite. Il sera reçu par un homme distingué et affable qui accepte volontiers de répondre à ses questions. La pièce est violemment éclairée car il ne supporte pas l’obscurité. Fiske remarquera dans la bibliothèque du médecin des ouvrages comme le De Vermis Mysteriis, le Liver Ivonis et le Necronomicon dans sa version espagnole de 1622. Dexter admet les avoir subtilisés dans l’église de Federal Hill, avec le coffret dont l’ouverture avait déclenché la libération de la créature maléfique qui rendit fou Blake. Dexter semble pressé de mettre fin à l’entretien et esquive les questions sur la physique nucléaire. De plus en plus pressant, Fiske commence à insinuer que la créature maudite – Nyarlathotep- a pris contrôle de son esprit et le pousse dans des recherches néfastes pour l’humanité. Dexter éteindra la lumière, devenant luminescent, et Fiske sera terrassé par un empoisonnement au radium.

samedi 21 janvier 2017

QUAND LE NOUVEL EON RENCONTRE LE COQ DE FEU ROUGE

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Avec un peu de retard dû à quelques soucis de santé, nous vous proposons de nous retrouver le samedi 4 février à partir de 19h30 pour fêter ensemble le Nouvel Eon Odésien. Une date du reste magique puisque nous serons en pleine période du Nouvel An Chinois, année dédiée au Coq de Feu Rouge.
On peut venir seul, avec sa compagne ou son compagnon, avec son cuisinier thaïlandais, son pâtre grec ou son pianiste autrichien.
Pour la bonne gestion des réservations, on me fait signe à philippe.marlin@gmail.com ou au 06.11.72.38.06.
Comme à l’accoutumée, nous serons accueillis par l’Ombre Jaune chez Guo Min, 39 rue de Belleville, 75019 Paris (métro Belleville)

Banzaï !


vendredi 20 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'HABITANT DE L'OMBRE, August Derleth





Nouvelle tentative d’August Derleth, avec L’Habitant de l’Ombre (The Dweller in the Darkness, in Weird Tales, 1944), de reprendre le Mythe, cette fois de façon assez convaincante sur le plan de la gestion « de la montée de l’horreur ».
Nous sommes dans le Winconsin, région de l’auteur dont il sait bien évoquer la nature sauvage. Point de manoir familial, mais une cabane abandonnée près d’un lac, le lac de Rick. Diverses rumeurs font état d’une créature redoutable, sévissant dans les parages et ayant déjà à son passif plusieurs meurtres, dont celui d’un prêtre missionnaire. Ces faits viennent à la connaissance du Pr Upton Gardner de l’Université d’État, en train de préparer un recueil sur les légendes du pays. Il se rendra sur place avant de disparaître. Son assistant, Laird, accompagné d’un collaborateur, Jack, décident de mener l’enquête et s’installent dans le cabanon. Le shérif local leur remet un dossier regroupant les papiers retrouvés. Gardner avait demandé à l’université de Miskatonic copies du Necronomicon, du Texte de R’Lyeh, De Vermis Mysteriis, des Manuscrits Pnakotiques et du Livre d’Eibon. Il avait également fait l’acquisition de plusieurs recueils de fiction de H.P. Lovecraft. Ses notes font état d’une présence malfaisante et d’allusions à un être Sans Visage qui chevauche le vent. Ils rencontrent également le vieux Pierre, un alcoolique local qui, moyennant une bouteille de whisky, évoque une grande dalle enfouie dans la forêt, recouverte d’étranges dessins. Ils installent un magnétophone dans le cabanon et passent une première nuit agitée par une tempête qui n’affecte pas les arbres, au son d’une musique de flûtes et de gutturales mélopées.
Ayant découvert dans les papiers de Gardner que ce dernier était en relations avec le Pr Partier, mis en disponibilité par l’université de Miskatonic pour ses recherches contestables, ils décident de lui rendre visite dans sa retraite. Le vieil érudit leur fait un véritable cours de théologie, opposant les Anciens Dieux aux Grands Anciens malfaisants. Il leur commente les affaires d’Innsmouth, de Dunwich, des Montagnes de la Folie, leur parle de Leng et de Kadath. De retour, ils rencontrent le vieux Pierre qu’ils forcent à parler moyennant une récompense liquide. Le vieil alcoolique leur raconte avoir vu une créature monstrueuse sortir de la dalle de la forêt. Ils dépouillent ensuite les enregistrements du magnétophone, et au milieu d’onomatopées sinistres reconnaissent la voix de Garder qui les met en garde contre les Grands Anciens de la région et leur donne la formule d’évocation de Chtugha, seule entité capable de les faire fuir.
Pour crever l’abcès, ils partent de nuit dans la forêt observer la dalle. Celle-ci laisse échapper une colonne de lumière dans laquelle se forme une monstrueuse créature protoplasmique. Ils s’enfuient pour rejoindre la cabane et sont rejoints par … le Pr Garder qui leur explique que tout cela n’est qu’illusion. Il les laisse alors qu’à nouveau la nuit se charge de tempête, de musique et de hurlements. Ils réciteront la formule et Chtugha, l’être de feu, viendra chasser les créatures infernales.
S.T Joshi, tout en reconnaissant les qualités de la fiction montre bien comment Derleth commence à modifier le Mythe en fonction de ses propres convictions. Les Anciens Dieux sont « bons », alors que les Grands Anciens sont de créatures du mal, des sortes de « démons ». C’est évidemment faire l’impasse sur la monumentale mise au point opérée par Lovecraft dans Les Montagnes de la Folie : et pourtant, c’étaient des hommes.

mardi 17 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : AU-DELA DU SEUIL, Derleth





August Derleth se lance dans les « pastiches » et nous livre, avec Au-delà du Seuil (Beyond the Thresold, in Weird Tales 1941), l’une de ses premières « collaborations posthumes ». Un certain Tony, bibliothécaire adjoint à l’université de Miskatonic, est appelé par son cousin Frolin, qui réside avec le grand père Josiah Alwyn dans la résidence de famille dans le Winconsin. Il se fait du souci au sujet de la santé du patriarche, mais ne souhaite pas en dire plus. Frolin débarque et trouve un grand père en pleine forme qui explique être très pris par ses recherches sur les papiers laissés par le grand-oncle Léandre qui était originaire d’Innsmouth. En aparté, Frolin fait part à Tony de phénomènes étranges qui semblent se produire la nuit, émanant de la chambre-bureau de Josiah : odeurs de poisson, courant d’air glacial alors qu’une tempête qui ne fait pas bouger les arbres se déclenche autour de la maison, musique étrangement belle de flutes. Josiah interroge longuement Tony sur ce qu’il peut savoir sur Innsmouth et le bibliothécaire lui parle des travaux de Lovecraft sur le sujet. Le grand père évoque également un certain nombre de noms comme Wendigo, Ithaqua, Lloigor ou Hastur, relevés dans les travaux du grand-oncle. Il précise que ce dernier recherchait un « seuil » qu’il ne fallait absolument pas franchir. Perturbé, Tony se remémore ce qu’il a appris dans les livres maudits de la bibliothèque, comme Le Livre d’Eibon, Les Manuscrits Pnakotiques, le Texte de Rlyeh et le terrible Necronomicon. Il explique à Frolin la théorie des Grands Anciens qui attendent le signe permettant leur retour. Il lui parle notamment de Hastur et Ithaqua, le Chose de la Neige, Celui qui chevauche les Vents. Après une première nuit d’inquiétude, les deux cousins vont pénétrer dans la chambre de Josiah qui a disparu. Une grande fresque murale a été détruite, laissant voir l’ouverture d’une galerie dans le mur. On retrouvera le corps du grand père sur une île du Pacifique, remarquablement bien conservé dans un bloc de glace. Tout laisse penser qu’il était tombé d’un avion !
Un texte sans prétention, terriblement téléphoné, mais amusant par la mise en scène que fait Derleth de l’œuvre de fiction de Lovecraft . A noter également que le novelliste enrichit le « panthéon » en introduisant Ithaqua (Wendigo), estimant qu’il manquait au Mythe une créature représentant le vent…

lundi 16 janvier 2017

POURQUOI NE PAS S'OFFRIR UN PETIT NESSIE ?



Le 7 mars 2017, l’étude Binoche et Giquello plonge dans les eaux troubles du Lock Ness, avec la mise aux enchères d’un squelette de Zarafasaura vieux de 66 millions d’années.
Ce gigantesque reptile marin, long de près 9 mètres et doté d’un cou extrêmement développé, est souvent comparé au légendaire monstre lacustre d’Écosse Nessie.

Ce spécimen unique de Zarafasaura, complet à 75% et de qualité muséale, sera exposé dans son intégralité à Drouot du 4 au 7 mars.
L’occasion pour les amateurs et connaisseurs de se confronter à ce géant du jurassique et de découvrir à ses côtés un remarquable ensemble d’objets dont un imposant crâne de Triceratops, un squelette du reptile volant le Ptéranodon longiceps, des fossiles d’espèces disparues ainsi que d’étonnantes météorites.

ATLAS OBSCURA, UN MUST !!!!


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Best-seller outre Atlantique, le beau livre Atlas Obscura sort en France grâce aux éditions Marabout. Le livre part à la rencontre des pratiques culturelles du monde entier et nous fait découvrir à l’aide d’époustouflantes photographies plus de six cent lieux étranges et curieux à travers les cinq continents : la porte de l'enfer du Turkménistan, les secrets des catacombes de Paris, les écorchés de Fragonard, les tunnels abandonnés de la petite ceinture de Paris, les cercueils suspendus sur une falaise aux Philippines et tant d’autres.

C'est chez Marabout, et ce bijou ne coûte que 29,90 €

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : HORREUR à SALEM, Henry Kuttner






Épouvante à Salem (1936, Henry Kuttner, The Salem Horror in Weird Tales, 1937). Joshi qualifiera cette nouvelle de “very bad story”. Et il est vrai que ce nouveau participant au “Circle” ne s’est pas vraiment foulé. Il s’agit d’un pastiche de La Maison de la Sorcière, pastiche sur lequel Lovecraft a beaucoup travaillé pour rectifier les erreurs « géographiques » et tenter de détendre un rythme trop précipité dans la montée de l’horreur. En tout état de cause, on est très loin des visions cosmiques qui font tout l’intérêt de l’original.
Nous sommes en compagnie de l’écrivain à succès Carter qui s’est installé à Salem dans la maison de la sorcière Abigail Prinn dont même le bûcher n’a pu venir à bout lors des fameux procès. Carter est sans cesse nargué par un rat qu’il va poursuivre jusque dans la cave, mettant à jour la pièce secrète de la sorcière. Un endroit couvert de mosaïques colorées de vert et de pourpre, décoré par un pentacle au sol et au centre duquel trône un disque de pierre noire. Carter trouve l’endroit intéressant et décide l’y installer son bureau pour travailler au calme, non sans avoir auparavant prévenu son propriétaire de sa découverte. Les bavardages de ce dernier amèneront chez Carter un défilé d’occultistes, souhaitant visiter la salle de la sorcière, dont un certain Michael Leigh qui met en garde l’écrivain. En effet, la sorcière n’a pu être brûlée et elle va tenter, compte-tenu de son installation dans son antre, de s’emparer de son esprit par le rêve. C’est bien évidemment ce qui se passera en Carter sera sauvé in extremis par Leigh, qui possède la bonne formule et les ingrédients nécessaires pour repousser le Grand Ancien qui manipule Abigail Prinn, le redoutable Nyogtha dont il est fait allusion dans le Necronomicon. Une façon pour Henry Kuttner de payer son ticket d’entrée dans le « Circle ».
Pour les hommes il est le prince des Ténèbres, ce frère des Anciens appelé Nyogtha, la Chose qui ne devrait pas être. Il peut être appelé à la surface de la terre par des crevasses et des cavernes secrètes, et des sorciers l'ont vu en Syrie ainsi que sous la tour noire de Leng. Des grottes Thang de Tartarie, il a répandu la terreur, apportant mort et destruction parmi les tentes du grand Khan. Seuls la croix "potencée", l'incantation de Vach-Viraj et l'élixir de Tikkoun peuvent le repousser dans les antres ténébreux d'infamie voilée où il demeure.


samedi 14 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE VISITEUR VENU DES ETOILES, Robert Bloch





Le Circle s’amuse et Robert Bloch nous en donne un exemple magistral dans Le Visiteur venu des Étoiles (1935, The Shambler from the Stars in Weird Tales, 1935). L’auteur est un écrivaillon fantastique qui, malgré quelques publications dans des revues populaires, ne parvient pas réellement à déboucher. Dans sa recherche de nouvelles sources d’inspiration, il se met en relation avec un auteur bien connu de Providence qui lui suggère d’aller fouiner dans des livres maudits comme le Necronomicon ou Le Livre d’Eibon, réputés pour flirter avec « l’horreur absolue ». Une recherche qui s’avère laborieuse, les portes des universités et des bibliothèques privées ayant curieusement tendance à se fermer à l’annonce de sa démarche. C’est finalement chez un bouquiniste qu’il fera la découverte qui bouleversera sa carrière. Il mettra la main en effet sur un curieux ouvrage, De Vermis Mysteriis ou Mystères du ver d’un certain Ludvig Prinn, nécromancien renommé qui périra à Bruxelles sur les bûchers de l’Inquisition. Le narrateur ne pourra hélas lire cet ouvrage, rédigé en latin, langue qu’il ne maîtrise pas. Il fera appel à son correspondant de Providence qui acceptera d’examiner le manuscrit. L’Ermite deviendra de plus en plus nerveux à la lecture de l’ouvrage, notamment en découvrant le rituel utilisé par Prinn pour invoquer ses visiteurs invisibles venus des étoiles. L’atmosphère du bureau de Lovecraft deviendra de plus en plus glaciale au fur et à mesure qu’il lira la formule jusqu’à ce qu’une créature brumeuse entre dans la pièce en ricanant en en désarticulant le récitant. Celui-ci sera vidé de son sang alors que la créature se teinte de rouge avant de disparaître.
Robert Bloch avait demandé à Lovecraft l’autorisation de le « tuer » dans sa nouvelle. Lovecraft se vengera en « trucidant » Bloch dans Celui qui hante les Ténèbres (cf infra, 1935).

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UBBO SATHLA, C.A. Smith

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Ubbo-Sathla (1932, Clark Ashton Smith, in Weird Tales 1933). Un beau produit du “Circle” dont Le Livre d’Eibon est le véritable héros. Paul Tregardis, grand passionné d’occultisme, découvre chez un antiquaire londonien un curieux cristal laiteux en forme d’orbe. Le marchand n’en connaît pas l’origine, mais suppose que c’est une pièce très ancienne, venant du Groëland d’avant la période glaciaire et ayant certainement appartenu à un sorcier de Thulé. Il en fait l’acquisition pour un vil prix et entreprend des recherches sur cet objet dans les ouvrages sulfureux de sa bibliothèque. Cette pierre est bièvement évoquée dans Le Livre d’Eibon qui précise effectivement qu’elle aurait appartenu à Zon Mezzamalech, sorcier de Mhu Thulan. En fixant la pierre du regard, il suscite d’étranges visions et subit une véritable régression qui le conduit à ne faire plus qu’un avec le sorcier. S’il revient de plus en plus difficilement de chacun de ses « voyages », sa dernière expérience lui sera fatale. Il cherche en effet à percer les mystères du « commencement » et, sous forme de larve, rencontre la masse informe originelle de Ubbo-Sathla. Autour de cette masse gélatineuse se trouvent les tablettes de pierre extraites des étoiles qui donneront Le Livre d’Eibon. ...Car Ubbo-Sathla est la source et l'achèvement. Avant que Zhothaqquah ou Yok-Zothoth ou Kthulhut ne descendent des étoiles, Ubbo-Sathla demeurait dans les marais bouillonnants de la Terre nouvelle­ment née ; une masse sans tête ni membres, engendrant les premiers tritons gris et informes et les hideux prototypes de la vie terrestre... Et il est dit que toute vie terrestre retournera, à travers la grande roue du temps, à Ubbo-Sathla.
 On ne retrouvera jamais Paul Tregardis.
Cette nouvelle, sur les mystères de l’Origine, est bien évidemment à mettre en regard des Chiens de Tindalos de F.B. Long (cf 1929).