dimanche 29 janvier 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE COMTE MAGNUS, M.R. James





Robert M. Price (in introduction à Le Cycle de Cthulhu, Oriflam 1988) voit dans Le Comte Magnus de M. R. James une « influence » importante sur la fiction lovecraftienne (nouvelle reprise dans l’ouvrage cité ; première publication dans Ghost Stories of an Antiquary, 1904). Lovecraft, dans Épouvante et Surnaturel en Littérature (cf 1927) relèvera l’originalité du style de l’écrivain anglais, Les trois grandes règles utilisées par ce dernier seront du reste reprises par notre auteur (cf Notes sur l’écriture de la fiction surnaturelle, 1932) :
-       L’histoire doit toujours se dérouler dans un cadre familier, situé dans une époque moderne,
-       L’histoire doit atteindre le plus près possible l’expérience et l’univers ressenti par le lecteur,
-       Tout patois technique, style « occultisme savant ou pseudo-scientifique », sera à tout prix évité.
-        
L’histoire met en scène un certain Wraxall, voyageur curieux et adepte de la rédaction de journaux de voyage, dans l’esprit du Journal d’un Séjour au Jutland et dans les îles danoises d’Horave Marryat. Des récits vivants, collectant de nombreux témoignages et cherchant à plonger dans l’histoire de quelques familles représentatives de la région étudiée. Sa nouvelle expédition le conduit en Scandinavie où il est accueilli par les propriétaires de l’ancien manoir de Rabäck dans le Vesterdothland qui acceptent de lui ouvrir leurs archives. Et de plonger dans une saga familiale marqué par son patriarche, le Comte Magnus de la Gardie. Un personnage qui a laissé un mauvais souvenir dans la région. L’aubergiste où réside le voyageur laisse entendre que le Comte avait effectué un Pèlerinage Noir dont il avait ramené quelque chose. Wraxall continue d’enquêter, visitant l’église proche du domaine et son mausolée où sont enterrés les membres de la famille.
Dans les archives, il met la main sur un manuscrit d’alchimie du XVI ème siècle, rédigé par le comte, et intitulé Liber Negrae Peregrinatis. Il est fait allusion à une visite au Prince Noir du village de Chorazin. L’aubergiste raconte alors à son client l’histoire de deux chasseurs, à l’époque de son grand père, qui étaient allés de nuit sur les terres du comte et qui rencontrèrent des êtres qui ne devraient pas se trouver là. Des êtres qui devraient se reposer et ne pas marcher la nuit. On les retrouvera affreusement mutilés.
Wraxall fréquente de plus en plus souvent le mausolée et remarque que les cadenas de la tombe du Comte sont usés. Le couvercle cédera et le voyageur, paniqué, prendra les jambes à son coup et rentrera en Angleterre. Il se sent poursuivi par deux silhouettes portant un manteau noir. Il part se mettre au vert à Belchamp-Saint-Paul (Essex) dans une pension où on le retrouvera mort le lendemain de son arrivée.

Un bon texte qui s’articule sur les notes du voyageur, retrouvées par les propriétaires de la pension. Robert M. Price fera une longue liste des fictions de Lovecraft influencées par cette nouvelle. Notre auteur utilisera par exemple la ville de Chorazin[1] où il situera la demeure hantée des van der Heyl dans Le Journal d’Alonso Tyler (1935).



[1] Chorazeïn, avec Bethsaïde et Capharnaüm sont trois villes (ou gros villages) mentionnées dans le même paragraphe de malédictions prononcées par Jésus dans les évangiles de Matthieu (Mt 11 :23) et Luc (Lc 10 :13), car les miracles que Jésus y a accomplis n’ont pas entrainé de conversions. D'ailleurs ces miracles ne sont mentionnés nulle part dans les évangiles. Si Bethsaïde et Capharnaüm, toutes deux au bord du lac de Tibériade, sont connues car mentionnées à différentes occasions dans les évangiles, Chorazeïn reste mystérieuse : elle n’apparait dans les évangiles qu’en ces deux paragraphes cités ci-dessus.
En raison de la malédiction de Jésus, quelques auteurs médiévaux affirmaient que l’Antéchrist naîtrait à Chorazeïn.
Lovecraft, dans la nouvelle citée, localise Chorazin à New York. D’après Szymanski dans Dreams, Dark and Deadly, il s’agit d’une localité privilégiée pour invoquer Cthulhu. Abdul Alhazred et Ludwig Prinn sont cesés avoir également effuecué la « Pèlerinage Noir » (The Lord of the Worms, Brian Lumley ; The Transition of Abdul Alhazred, R.E. Price).

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