mercredi 22 février 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : PATIENCE, PATIENCE, C.J. Henderson

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Avec Patience, Patience (C.J Henderson, Patience Waiting in The Cthulhu Cycle, 1996), le Mythe rebondit de façon tout à fait originale. Ce n’est pas un pastiche, mais un texte qui se trouve à la croisée des chemins entre la collaboration posthume et la rédaction d’une version alternative de L’Appel de Cthulhu. Le héros est notre cher Inspecteur Legrasse qui, après les événements de 1907 en Louisiane relatés par Lovecraft, reçoit la visite du Pr Webb, éminent archéologue. Le policier l’avait rencontré à la Société Américaine d’Archéologie en 1908 alors qu’il enquêtait sur sa découverte. La statuette « poulpeuse » exhibée par l’enquêteur lors de la réunion avait rappelé au savant certaines gravures relevées au Groenland, laissant supposer l’existence de cultes secrets et l’avait conduit à venir enquêter sur les lieux de l’affaire. 


Une fois dans le bureau du policier, Webb peut à nouveau examiner en détail d’objet pris sur le monolithe de l’île enfouie dans les bayous, lors de la grande opération de « nettoyage » des cultistes menée par les forces de l’ordre. Henderson reprend ici quasiment mot pour mot la description de Lovecraft :
Elle représentait un monstre d'apparence vaguement humaine, mais dont la tête ressemblait à une pieuvre. Le visage n'était qu'un amas de tentacules, le corps caoutchouteux et tout couvert d'écailles. Des griffes terrifiantes émergeaient des quatre membres et de longues ailes minces s'ouvraient dans le dos. La créature semblait émaner une malveillance aussi terrifiante que surnaturelle ; son corps boursoufflé était accroupi sur un bloc de pierre ou un piédestal, recouvert de signes illisibles. Le bout des ailes touchait la base de la colonne, le corps en occupait le centre, tandis que les longues griffes recourbées des pattes antérieures agrippaient le bord et se refermaient au quart de sa hauteur. La tête de pieuvre était penchée en avant, ce qui fait que le bout des tentacules effleurait les pattes qui enserraient les genoux. L'ensemble paraissait bizarrement vivant, et d'autant plus malsain qu'on ne pouvait déterminer ce qui pouvait avoir servi de modèle à cette sculpture. Elle était de toute évidence extrêmement ancienne ; cependant, il était impossible de la relier à une civilisation archaïque quelconque, ou à toute autre époque d'ailleurs. Qui plus est, le matériau dont elle était fabriquée constituait un mystère à lui tout seul ; cette pierre huileuse, d'un vert sombre constellé d'éclats dorés et de rainures ne ressemblait à rien de connu des géologues.

Legrasse explique que tous les cultistes n’ont pas été décimés et que les survivants sont à l’hôpital psychiatrique, où ils psalmodient : Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn, ce qui signifie, ainsi que l’avait expliqué au policier un indigène : Dans son domaine de R'lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant. Il replace cette invocation dans son contexte « théologique » pour le savant, reprenant là encore pratiquement le texte de Lovecraft dans sa primo-nouvelle : Ils adoraient, disaient-ils, les Grands Anciens, qui avaient vécu des éons avant l'Homme. Ils étaient venus du ciel, quand le monde était encore jeune. Ces Grands Anciens s'étaient retirés dans les entrailles de la terre ou au plus profond des océans ; mais leurs cadavres avaient révélé leurs secrets à travers les rêves des premiers hommes qui avaient fondé une secte qui perdurait encore… Le cœur de la secte se trouvait dans les déserts inexplorés d'Arabie, au sein d'Irem la Cité des Piliers, Celle-qui-Songe, l'Intouchée. Cette religion n'avait aucun lien avec le culte des sorcières européen et, hormis ses fidèles, nul ne le connaissait.
Et de décider de retourner sur les lieux. 



L’équipée dans les bayous les mène bien sûr sur l’île au monolithe où le Pr Webb ne sait plus où donner de la tête, fasciné par les hiéroglyphes qui figurent sur la pierre. Ils remarquent dans la broussaille en face de l’île une surface plane en forme de cercle, la végétation étant mystérieusement tressée pour former un tapis consistant. Le savant explique que cela ressemble à un crop-circle, figures géométriques que l’on trouve sur les lieux d’apparitions d’ovnis. De retour en ville, les deux compères et deux assistants policiers essayent de se réconforter à coup de bouteilles de liquide ambré dans un bistrot glauque ; le Pr Webb semble perdre les pédales et explique que, d’après son décryptage, la grande invocation aura lieu cette nuit. Legrasse mobilise toutes les forces de police disponibles, fait le plein d’explosifs et demande à un destroyer de se mettre en veille à proximité des marais. Les cultistes invoqueront l’horreur sur l’îlot, sorte d’immense nuage blanchâtre doté de tentacules qui se précipite sur les intervenants. La suite et la fin seront rythmés par le son des canonnières qui feront fuir les monstres. 


Legrasse refusera toute récompense officielle pour son courage, et décidera de quitter la police pour se livrer à un combat sans merci contre les Grands Anciens disséminés sur la planète.
A noter que Henderson a réuni ses nouvelles sur ce thème dans Tales of Inspector Legrasse, 2005.


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