Soie Sauvage
Fabienne Leloup
Nestiveqnen Éditions (2004)
(version papier et ebook)
Que voilà un roman dérangeant. Car
Fabienne Leloup a depuis longtemps délaissé l’encre pour tremper sa plume dans
un mélange sulfureux composé de sang et de discrètes sécrétions qui se
transforment parfois en « soie sauvage ». Il en résulte un récit
étonnant dont le caractère décadent n’a d’égal qu’un fantastique tissé dans d’étranges
toiles. Barbara, héroïne malgré elle, est en effet fascinée par les araignées.
Une phobie qui prendra naissance à la contemplation du tatouage de
femme-araignée que porte au bras un déménageur de passage. Une phobie qui se transformera
en une passion dévorante et qui conduira la jeune femme à se faire graver sur
la peau Arachné, une « créature belle et immonde » dont elle avait
réalisé un premier croquis.
C’est à partir de là que le récit
bascule, car Arachné est exigeante, véritable vampire de poche qui amènera Barbara
à plonger dans un océan de déchéances sublimes. Sa sœur, puis sa mère, seront
sacrifiées sur l’autel d’une arachnophilie gourmande, avant que Barbara ne
mette feu à la maison de famille pour « prendre la route ». Une
démarche de purification initiatique dont le but est de se débarrasser de la
prédatrice, ce que Barbara parviendra à faire grâce à de surprenantes
rencontres avec les acteurs d’un improbable cirque de passage. Il est vrai que
le responsable de la troupe est lui aussi un tatoué, exhibant sur le torse une
veuve noire possessive. Mais tout a un prix dans le processus karmique ; un
prix qui est également une récompense, puisque les débris de chair résultant de
l’inévitable automutilation de Barbara fusionneront avec la roche d’une grotte,
sublimant la sacrifiée en un fragment d’éternité.
Ce petit roman est complété par
deux nouvelles, toujours dans la même veine de décadence corrosive. Penthouse est en effet un récit qui
fleure bon les senteurs suaves de la morgue où officie Abel.Celui-ci se livre à
un curieux trafic : moyennant rémunération, il laisse ses « clients »
assouvir leurs penchants nécrophiles sur les cadavres frais de jeunes éphèbes.
Il tombera sous le charme de sa dernière victime qui pour le remercier de son
amour, et avant de disparaître dans les ténèbres, l’inondera de fragrances
indicibles. « Pour lui, l’éternité est une affaire d’odeur ».
Avec Œuvre de Chair (nouvelle écrite en collaboration avec Alain
Dorémieux), nous découvrons Moïra, une artiste scandaleuse qui prépare sa
troisième exposition parisienne, manifestation qui sera aussi sa dernière. Elle
est réputée pour ses textiles malsains et flamboyants, empreints d’un « érotisme
cru et pervers qui rendait caduques les poses les plus obscènes des estampes
japonaises ». Elle part à la recherche d’un modèle masculin pour réaliser
son grand œuvre final. Et de rencontrer un bel échantillon du sexe fort qui
acceptera de lui abandonner son corps et sa volonté le temps de 12 séances. Les
liquides issus des blessures et mutilations que lui infligera Moira seront
précieusement recueillis sur le textile jusqu’à l’apothéose colorée qui
résultera de la destruction sauvage de ses globes oculaires. Inutile de dire
que la toile perturbera les critiques lors de l’exposition, d’autant plus qu’un
petit malin trouvera moyen d’en prélever un fragment et de le faire analyser :
on y retrouvera des traces d’ADN humain.
Un livre que l’on termine avec la
furieuse envie d’aller prendre une douche glacée !
Très beau livre !
RépondreSupprimerIl vous colle à la peau, comme une bure de soie, rêche et vivifiante.
Le tatouage prend vie.
A lire d'urgence !