JEAN-PAUL DEBENAT, RIP


Notre ami Jean-Paul Debenat vient de s'éteindre (1943-2017)


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Cryptozoologue érudit, il avait commis de nombreux ouvrages sur nos créatures préférées (Yéti, Sasquatch...).  Il était également un grand passionné de l'histoire de l'aviation et avait publié un magnifique ebook, Avions et Pilotes, entre histoire et légende. Il avait aussi cosigné avec son inséparable ami Lauric Guillaud (sur la photo à gauche) L'Imaginaire face au Nazisme. Récemment (mai 2015), Jean-Paul Debenat avait encore publié à compte d'auteur un guide, Les Églises Troglodytiques du Sud-Ouest : cinq lieux uniques et semblables à la fois, dont le charme agit à coup sûr. 



Jean-Paul Debenat, docteur ès-Lettres, est né en 1943. Il étudie l'anglais et choisit les Chroniques Martiennes de Ray Bradbury comme sujet de mémoire de Maîtrise. Il rédige sa thèse de Littérature Comparée (Sorbonne Nouvelle - Paris III) sur l'auteur de Science-Fiction Robert A. Heinlein.
Maître de Conférences, enseignant l'anglais à l'IUT de Nantes, il était chargé de cours au département d'Histoire à la Faculté des Lettres. Il a étudié l'Histoire des Religions - cours d'Antoine Faivre à l’École Pratique des Hautes Études - et a bénéficié de l'enseignement et de l'amitié du mythologue Jean-Charles Pichon.







 Nous avions visité ensemble l'exposition Gyger en juin à Nantes, et partagé un repas convivial durant lequel il nous avait parlé de sa dernière découverte :


 Il nous avait également commenté avec passion le dernier livre de Benoit Grison que son épouse venait de lui offrir pour son anniversaire.


Toutes nos condoléances à Agnès, son épouse et à sa petite famille. 

RIP cher Jean-Paul.




LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE DOUTE NECESSAIRE, Colin Wilson






Roman – Le Doute Nécessaire (1964, Necessary Doubt ; reprinted Valancourt Books, 2014 ; Les Belles lettres, 2002)
Le Doute nécessaire est le titre d'un ouvrage du professeur Karl Zweig, éminent spécialiste de Nietzsche et de Heidegger. La veille de Noël, le philosophe pense reconnaître un de ses anciens étudiants, disparu des années plus tôt, s'engouffrer dans un taxi devant un hôtel londonien. Souvenirs et doutes assaillent le professeur qui se souvient que Gustav, jeune homme brillant mais perturbé, voulait devenir le plus grand criminel de tous les temps pour mettre à mal certaines théories philosophiques et démontrer leurs limites. Zweig est profondément bouleversé en apprenant que deux vieillards dont s'occupait Neumann en qualité de secrétaire particulier ont trouvé la mort dans d'étranges suicides. Il s'en ouvre à son ami Charles Grey, ancien de Scotland Yard, et la tension ne fait que monter lorsqu'ils découvrent que Gustav s'occupe d'un richissime londonien, Sir Timothy Ferguson, qui pourrait bien être en danger. La chasse à l'homme est entamée avec l’aide de Joseph Gardner, un écrivain illuminé qui n’est pas sans faire penser à Robert Charroux.
Bien que présenté comme un polar, cet ouvrage est de la meilleure veine wilsonienne, à savoir un roman philosophique dérangeant mais agréable à lire. Nous sommes dans l’univers d’un brillant théologien, Paul Tillich, auteur de La Théologie Systématique, à la recherche de ce qui limite la conscience et l’empêche d’atteindre la plénitude. Gustav Neumann semble avoir trouvé la réponse par une drogue, la neurocaïne, mais aux effets secondaires désastreux pouvant conduire au suicide. C’est peut-être la clef du mystère de la mort des vieillards, Zweig se refusant jusqu’au bout à considérer son ancien étudiant comme un criminel.

Livres imaginaires
° L’Être et le Temps de Heidegger, Pr Karl Zweig
° La Fin d’une Époque, id
° Le Doute Nécessaire, id (essai sur la nécessité du doute dans la démarche religieuse)
° La Nature Créative de l’Acte Sexuel, id
° Mes années au Yard, Charles Grey
° La Neurologie de l’Hallucination, Alois Neumann
° La Physiologie du Cerveau, Alois et Gustav Neumann
° La Psychologie du Suicide, Gustav Neumann, in Monatschrift für Kriminalpsychologie, 1936
° Le Sérum de Vérité, id
° Du suicide, id
° La Mentalité du Récidiviste, John Stafford-Morton
° Criminalité et Troubles Nerveux, id
° La Théologie Protestante, Joseph Atholl Gardner
° La Véritable Histoire de l’Atlantide, id
° Les Hommes de Pierre de Malacula, id
° Le Bouc et le Compas, id

dimanche 27 août 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'ASSASSIN AUX DEUX VISAGES, Colin Wilson





Roman -  L'Assassin aux 2 visages (1984, The Janus Murder Case, Les Belles lettres, 2000). Colin Wilson remet en scène le commissaire Saltfleet (cf Le Meurtre d’une écolière, 1974)) pour son dernier thriller policier. Un commissaire en vacances dans la banlieue londonienne, dans la villa d’un ami dont il assure la garde. Un commissaire doublement perturbé. D’abord parce qu’il vient de découvrir que sa fille Géraldine, âgée de 15 ans, venait de perdre sa virginité ! Ensuite (et surtout) parce qu’un meurtre vient d’être commis dans le parc attenant à la demeure. Un marin polonais a été retrouvé poignardé, les parties génitales atrocement mutilées. Même si, vacances obligent, il n’est pas en charge de l’enquête, il ne pourra s’empêcher de fureter pour essayer de comprendre ce qui s’est passé. Une para-enquête qui l’amènera à découvrir que la victime s’était « levé » une prostituée, Rosa, bien connue dans les milieux du sexe pervers du district. Ce qui l’amènera à entrer en relations avec le Dr Rosso qui dirige un Institut d’Études Sexuelles, chargé du traitement des déviations les plus graves. Nous aurons bien sûr droit à une galerie des portraits des patients dont les « spécialités » feraient rougir le Divin Marquis ! Rosa est l’une des pensionnaires de l’établissement ; elle souffre d’une étrange maladie, le besoin de se détruire lorsqu’elle fait l’amour. Mais elle est surtout dotée d’une double personnalité, partageant son corps (et son esprit) avec Dorothée, une jeune femme froide et calculatrice. L’enquête familiale menée par Saltfleet lui apprendra que Rosa, orpheline très tôt, a été violée par son oncle et par son cousin. Les séances de régression hypnotiques menées par le Dr Rosso amèneront par ailleurs à la confondre, la patiente avouant avoir poignardé le marin (dont on apprendra que c’était un agent secret) qui voulait l’étrangler. L’enquête conduite officiellement par la police, suspectant un homosexuel pervers, aboutira à classer le dossier, faute de preuve. Comme souvent chez Wilson, le véritable coupable ne sera pas dénoncé afin de lui laisser une chance de se soigner.
Cette nouvelle investigation dans les « mystères de l’esprit » est accompagnée d’un dossier pédagogique sur la dissociation mentale. Dysfonctionnement entre les deux lobes du cerveau ? Phénomène de possession ? Une anomalie qui n’a jamais été scientifiquement résolue.
Livres imaginaires
° Recherches sur la dissociation mentale, Dr Rosso

jeudi 24 août 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE TUEUR, Colin Wilson

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Roman – Le Tueur (1970 ; Belles Lettres, 1998). Colin Wilson continue à vouloir comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’un tueur et met en scène, pour cette nouvelle enquête, Samuel Kahn, médecin psychiatre dans une institution spécialisée. Son patient, Arthur Lingard, est enfermé pour avoir sauvagement assassiné un fermier lors d’une tentative de cambriolage. Il est aussi suspecté du meurtre et du viol d’une jeune fille. Fasciné par un personnage redoutablement intelligent qui veut se faire passer pour stupide, Kahn réussira à briser la glace et à mener toute une série d’entretiens. Et cela commence fort, Lingard étant persuadé d’être surveillé par les Gardiens Noirs, créatures maléfiques qui veulent prendre le contrôle de la Terre. Il est vrai qu’il a mené un parcours poisseux sur un arrière-fond de rêve, Lingard étant friand de pulps (son fascicule fétiche retraçait les aventures de Marvo le Magicien), des œuvres de Merritt de de E. R. Burroughs (il avait commis une grande carte de Mars) et de Conan Doyle. Il s’assimilait volontiers à Moriarty, le Roi du Crime.


Le médecin se transformera progressivement en un super-policier pour mener une investigation approfondie sur le patient pour lequel il ne cache pas une certaine sympathie. Et de nous plonger dans le glauque d’une banlieue misérable anglaise. Lingard a perdu son père et sa mère lors de la guerre, a été récupéré par un oncle libidineux qui viole sa sœur, Pauline, à laquelle il voue un amour fou. Nous assistons à un grand spectacle pornographique, fait de « touche pipi », de parties de « le docteur et l’infirmière », en passant par l’inceste et la sodomie homosexuelle. Lingard tripote sa sœur Pauline qui accepte parfois de le « soulager », puis couche avec sa cousine Angie qu’il prête volontiers à des malfrats. Car le sujet a entamé une carrière très active de cambrioleur, à la fois pour rentrer de l’argent mais aussi pour compléter sa collection de petites culottes féminines.
Puis tout va basculer et le médecin découvrira progressivement qu’il est également l’auteur de trois autres crimes sexuels sur des jeunes filles qui ont une certaine ressemblance physique avec Pauline et Angie. Le « déclencheur » sera vite trouvé. Pauline puis Angie ont convolé en justes noces et Arthur, se sentant abandonné, a cherché se venger de la gente féminine. On retrouvera le patient étranglé quelque temps après la fin de l’enquête par un autre détenu, suite à une violente dispute portant sur une petite culotte féminine.
Au total, un roman d’une rare violence et terriblement ambigu. Wilson se complaît dans une empathie trouble vis-à-vis du criminel. Quant à l’aspect « pornographie de banlieue », il est traité avec tant de détails que la nausée guette à chaque page. On est loin de la « pornographie distinguée » du Dieu du Labyrinthe.

Livres imaginaires
° Le Rêveur ou La vie de Arthur James Lingard, Samuel Khan
° Le Kid de Louiseville, Idris T. Moroney (roman érotique dans les milieux de la boxe)

lundi 21 août 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : MEURTRE D'UNE ÉCOLIÈRE, Colin Wilson

 



Roman – Meurtre d’une écolière (1974, The Schoolgirl Murder Case ; 1999, Belles Lettres). Un polar pur et dur, bien mené, mettant en scène le commissaire Greg Saltfleet, une version british de notre cher Maigret : bourru, bienveillant et toujours accroché à sa pipe. Il ne lui manque que l’amour des bons petits plats ! Une prostituée déguisée en écolière est retrouvée atrocement assassinée à proximité d’un manoir inoccupé dans lequel on retrouvera le corps du neveu de la propriétaire, Manfred Lytton. Un jeune dilettante fortuné, amateur de perversions sexuelles sur fond de magie noire teintée de nazisme. L’enquête nous fera plonger dans les milieux de l’Occulte, notamment une librairie ésotérique fort bien achalandée qui organise une exposition sur les peintures de Crowley et sur celles d’un jeune artiste allemand inquiétant, Engelke. 



On y croisera également un éditeur véreux, spécialisé sans les récits de dépravation sexuelles et le Grand Maître actuel de la Golden Dawn. Ce dernier a été amené à exclure Lytton de son groupe en raison de ses dérives tantriques.
L’énigme sera élucidée de main de maître, Colin Wilson ayant cette fois trouvé la chute qui défrise.
En dehors des longs développements sur l’Occulte que l’auteur connaît bien, les autres préoccupations habituelles de Wilson sur la conscience sont à peine effleurées. Tout au plus peut-on deviner, mais comme dans beaucoup de romans policiers, la quête de l’enquêteur pour percer la psychologie du meurtrier. Mais cela n’est ici qu’un arrière-plan.

Livres imaginaires
° La cérémonie de l’innocence, Robin-Pyggott-Smythe (pseudo de Manfred Lytton, manuscrit pornographique non publié)
° La Golden Dawn et ses dérivés, Austin Curry
° L’Histoire de la femme de Loth, Norbert Tinkler
° Hitler, le Mystique et l’Artiste, Dagmar Johannsen
° Le Maître du Monde, Adolf Hitler (manuscrit emmené en Amérique Latine par Bormann)

On retrouvera le commissaire Saltfleet dans The Janus Murder Case (1984)

vendredi 18 août 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : TIMESLIP, Colin Wilson

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Nouvelle – Timeslip (1979 ; Glissement temporel in Galaxies intérieures no 3, Denoël, 1983). Colin Wilson explique dans l’avant-propos à l’édition de l’anthologie américaine (Aries, John Grant) qu’il est incapable d’écrire des textes courts, ceux-ci se transformant généralement en roman. Aussi, plutôt que d’écrire une fiction, propose-t-il le récit d’un cas étrange qu’il lui est arrivé d’étudier. Il s’agit de celui de Richard Bowen, professeur de linguistique à l’université de Saskatchewan. Je préciserai que je n’ai trouvé aucune trace de cette personne dans « le monde réel ! Ledit universitaire retourne en Angleterre sur la terre de ses ancêtres et est sujet, dans le village de Stoke Warmington, d’un curieux phénomène de « vision du passé ». Après recherches avec l’aide d’un érudit local, il apprend qu’à l’endroit où il a ressenti une forte émotion négative a eu lieu un meurtre particulièrement atroce en 1592. Il fait part à Wilson de son expérience, et, avec l’aide de ce dernier qui vient de terminer L’Occulte, se lance tans toute une série d’investigations visant à maîtriser le phénomène et le reproduire à volonté. Nous avons droit ici à une intéressante recherche sur le fonctionnement des deux lobes du cerveau, celui de droite qui est branché aux réalités fondamentales étant sans cesse perturbé par celui de gauche qui est celui de « l’agitation quotidienne ». Et les patients ayant, pour des raisons médicales, subi un « split brain » accèdent beaucoup plus facilement à des niveaux supérieurs de conscience.
Le Dr Bowen disparaîtra mystérieusement au Brésil où un chirurgien fou, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, acceptera de réaliser ce type d’intervention. Colin Wilson suppose qu’il est maintenant dans un monastère de la Cordillère des Andes, regardant fixement dans le vide avec sérénité, devenu capable de se déplacer librement en esprit dans un passé lointain, peut-être même dans le futur.

Livres vraisemblablement imaginaires
° Saussure and the Foundation of Liguistic Structuralism, Dr Richard Bowen, Chicago University Press, 1968
° From Humbolt to Chomsky, id, Bowes and Bowes, 1968

jeudi 17 août 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : BLACK ROOM, Colin Wilson




Roman - The Black Room (1971; Le Cherche Midi, 2005)
Lorsque je commence un thriller de Colin Wilson, j’ai généralement du mal à m’arrêter. Celui-ci m’a donné du fil à retordre, certainement parce qu’il juxtapose deux histoires qui s’emboîtent mal. On commence par le récit d’un jeune musicien de talent, Kid Butler, qui rencontre un groupe curieux qui sent bon les services spéciaux. Mais ce qui séduit l’artiste, ce sont les recherches sur les techniques d’élargissement de la conscience auxquels il se livre, et notamment l’expérience de la chambre noire. Combien de temps peut-on résister dans un endroit entièrement clos ? Quel est l’impact de cette isolation sensorielle sur les processus mentaux ? On devine qu’il s’agit d’expériences destinées à accroître la résistance au lavage de cerveau. Butler acceptera de tenter l’aventure et se retrouvera dans un centre très isolé, un endroit clos qui, comme souvent chez Wilson, a une petite couleur de lupanar ! Il servira de cobaye et sera vite repéré pour ses facultés étonnantes d’adaptation au point que l’on corsera le programme pour lui faire subir un test « d’enterré vivant ». Puis l’aventure bascule sur le roman d’espionnage, Butler se faisant enrôler malgré lui dans la traque d’une mystérieuse Station K. Il s’agit d’un réseau indépendant, fournissant des informations au KGB ou à la CIA selon la loi de l’offre et de la demande. Nous sommes à l’époque de la guerre froide. Il sera capturé par cette étrange organisation et deviendra l’hôte de son chef, Ernst Staufmann, un ancien nazi très cultivé qui travaille aussi sur les limites de l’esprit humain. Là encore il se retrouvera dans un ancien monastère isolé quelque part en Hongrie, en galante compagnie évidemment ! Le tout se terminera en queue de poisson, Wilson ayant eu manifestement beaucoup de mal à gérer une chute crédible.

Les Livres Imaginaires
° Berthold le Fou, Kid Butler (opéra inspiré de Hoffmann)
°La Nuit de la Liberté, Gunnar Varborg
° La Tour des Ténèbres, Vitezlav Hostovsky (étude sur Hoffmann)
° Der Einsame (L’Être Solitaire), Ernst Staufmann (pièce de théâtre)
°Der Fremde (L’Étranger), id
° Le Roi et son Bouffon, id
° L’Homme qui a dit Non, id (roman)
° Les Systèmes de la Cybernétique, Arnolt

mercredi 16 août 2017

ASILY QUILLAN



Tenu par un couple de jeunes chinois, ce petit restaurant entièrement rénové vous servira une cuisine savoureuse, faite maison. Plats traditionnels, saveurs délicates et service souriant. Des petits jeunes à encourager, d'autant qu'ils sont travailleurs : camionnette rôtisserie sur les marchés de Carcassonne, Espéraza et St Paul de Fenouillet.

samedi 12 août 2017

LOVECRAFT ET LES LITTERATURES MAUDITES DANS LA LETTRE DU CROCODILE


 

Les Littératures Maudites

Publié par incoherism le
Les littératures maudites. Hommage à H.P. Lovecraft. Actes du Salon 2016, Editions L’œil du Sphinx.
La Société des Ecrivains Ardennais et le réseau des médiathèques de la Communauté d’Agglomération d’Ardenne Métropole se sont associés avec les Editions de l’œil du Sphinx pour créer  en 2016, à Charleville-Mézières, le premier Salon des littératures maudites consacré, explique Thibaut Canuti Conservateur en chef des bibliothèques, dans la préface à ces Actes, « aux phénomènes fortéens, à l’ésotérisme, à l’occulte, à la parapsychologie scientifique, au réalisme fantastique et plus généralement à toutes ces littératures des marges ». Thibaut Canuti constate que si les travaux consacrés à cette littérature se multiplient, il manque un événement marquant pour en rendre compte.




Inaugurer ce nouveau salon avec la figure magistrale de H.P. Lovecraft (1890 – 1937) était une évidence tant l’influence de celui-ci ne cesse de s’étendre.
La première communication de ce salon fut une remarquable synthèse de l’œuvre de Lovecraft et de ses enjeux, très actuels et toujours aussi paradoxaux, de Philippe Marlin, grand connaisseur du sujet depuis sa rencontre avec H.P.L. au milieu des années 60.
Après un portrait rapide de l’homme, absolument matérialiste, il convient de le rappeler, Philippe Marlin démontre comment le mythe créé par Lovecraft renouvelle la métaphysique :
« On peut dire, sans craindre l’exagération, que, jusqu’à Lovecraft, l’homme était au centre de l’univers ; soit parce qu’il était le fils de Dieu, et à ce titre parcelle de la transcendance divine ; soit parce qu’il était le seul moteur d’un univers matérialiste, chargé de façonner la terre à son image et à son service. Même l’existentialisme ramènera tout à l’individu. Avec Lovecraft, la page de l’anthropocentrisme est tournée. L’homme n’est plus qu’une poussière dans l’univers, une créature insignifiante qui assiste, bien souvent de façon inconsciente, au jeu de forces cosmiques qui le dépassent et ne le concernent guère. »
La cosmogonie lovecraftienne, complexe est basée sur le règne des Grands Anciens et Ceux de la Grande Race, à l’origine des temps, puis sur le conflit entre ces deux types d’entités, qui conduisit les seconds à emprisonner les premiers en divers lieux de l’univers. Les Grands Anciens tentent depuis de retrouver leur hégémonie avec l’aide d’humains faibles qu’ils peuvent influencer par l’intermédiaire des rêves.
« Divinités, monstres, extra-terrestres, les créatures que nous propose l’écrivain de Providence sont assurément de nature trouble, confie Philippe Marlin. Divinités peut-être, puisqu’elles donnent à la cosmogonie une architecture d’inspiration religieuse et suscitent de nombreux cultes. Monstruosités à l’évidence, de par leur aspect repoussant et leur odeur putride. Extra-terrestres vraisemblablement, en raison de leurs origines stellaires. »
Cette métaphysique matérialiste, née dans les fanzines populaires, aurait pu tomber dans l’oubli. Elle connut un développement exceptionnel. Le panthéon de Lovecraft, dont nous connaissons surtout Ctulhu, a influencé nombre d’auteurs, mais aussi le cinéma, la peinture ou d’autres arts, dont la Bande Dessinée, jusque dans les jeux de rôle.
Cette mythologie s’est inscrite dans des grimoires qui mêlent magie, souvent noire, et métaphysique, en une philosophie occulte associant le vrai et le faux de manière particulièrement réussie. Dans cette bibliothèque lovecraftienne, le Necronomicon tient une place essentielle, le ou les, car il existe plusieurs versions qui constituent des sommets dans l’art de la mystification.
Philippe Marlin insiste avec raison sur le paradoxe des rapports entre Lovecraft et l’ésotérisme. Lovecraft est un apôtre du « matérialisme mécanique », hostile à l’irrationnel. Il va pourtant développer dans son œuvre un occultisme singulier, crédible au point d’influencer des groupes initiatiques contemporains. Lovecraft, rappelle Philippe Marlin, n’est ni un ésotériste, ni un « grand initié », c’est un auteur rigoureux soucieux de s’informer qui va puiser dans les sources de l’occultisme traditionnel pour composer son ou ses systèmes magiques. Il explore également les travaux scientifiques de son époque marquée par le début des sciences quantiques.
Pour Lovecraft, « les humains n’ont qu’une connaissance limitée de la réalité », précise, Philippe Marlin, « ses visions cosmiques proviennent d’Ailleurs, plus précisément d’un « réservoir subconscient de visions » ». « Les expériences les plus gratifiantes sont celles visant à « recapturer » des fragments de souvenirs flottant dans le subconscient. »
Cette approche ouvre sur des perspectives vertigineuses et pose la question de la nature de la réalité, ou des réalités, comme de l’expérience.
Les Grands Anciens de Lovecraft représentent des archétypes classiques, malgré leurs aspects horrifiques, des grandes traditions. Il n’est pas si étonnant que des groupes initiatiques, ou prétendus tels, se soient intéressés à son œuvre en s’appropriant les systèmes proposés par le Maître de Providence, faciles à mettre en œuvre comme célébrations.
La postérité de H.P. Lovecraft est telle, par son étendue et par sa variété qu’elle suscite de plus en plus d’études universitaires. Lovecraft est, conclut Philippe Marlin, « le géniteur d’une formidable machine à rêver ».


Egalement au sommaire des Actes de ce premier  Salon des littératures maudites auquel nous souhaitons longue vie : Geneviève Béduneau : Mythes d’autrefois, légendaire d’aujourd’hui – Jocelin Morrison : Les expériences de mort imminente – Joslan. F. Keller : L’indéchiffrable manuscrit Voynich – Richard D. Nolane : Le vampirisme criminel moderne – Fabienne Leloup : Maria Deraismes, fondatrice de la première Loge maçonnique mixte – Lauric Guillaud : Le thriller ésotérique – Claude Arz : Grigori Efimovitch Raspoutine, le pèlerin maudit de Russie – C. de Mortière et R. Dalla Rosa : Démonologie et sorcellerie dans les contes et légendes ardennais – Yves Lignon : La Parapsychologie à l’Université.
Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
www.oeildusphinx.com

jeudi 10 août 2017

COLIN WILSON ET LA BELLE HISTOIRE DE RENNES-LE-CHÂTEAU






Essai – Atlantis et le secret de Neandertal (2006)
Dans les notes préparatoires à la rédaction de ce livre « commercial », nous avons retrouvé un texte manifestement inspiré par la lecture de La Clef d’Hiram de Knight et Tomas.
… Nous continuons à explorer l'histoire des origines du Christianisme et découvrir qu’elle est devenue le grand secret gardé par la lignée de rois français, les Mérovingiens. Ceux-ci savaient en effet que le christianisme était une invention de Saint-Paul et du Conseil de Nicée. Ils ont été renversés suite à l’assassinat du roi Dagobert II et remplacés par la dynastie carolingienne. Mais de secret a été préservé par une société discrète, le Prieuré de Sion.
Ce secret a été accidentellement découvert par un curé nommé Bérenger Saunière dans un village appelé Rennes-le-Château (qui se trouve au centre d'un paysage « magique » dans lequel les collines forment un pentagramme exact). Saunière a également appris que Jésus n'était pas mort sur la croix, mais avait été enlevé six heures après sa mise au tombeau, avait fui en France avec sa femme, Marie Madeleine. Il a vécu à Rennes-le-Château, appelé Aireda. Les rois mérovingiens étaient les descendants directs de Jésus et de Marie Madeleine. Au milieu des années 90, un historien de l'art nommé Peter Blake[1] a découvert une grotte qu'il croit être la tombe de Jésus et de Marie, et a appris que plusieurs papes et cardinaux (y compris Richelieu) étaient membres du Prieuré.


[1] The Arcadian Cipher, Peter Blake and Paul Blezard

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'HOMME QUI N'AVAIT PAS D'OMBRE, Colin Wilson.

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Roman – L’Homme qui n’avait pas d’Ombre (1963, Man without Shadow ; Belles Lettres, 2000) est une suite directe du Sacre de la Nuit (1960). Le texte se présente comme le journal de Gerard Sorme, récit dont quelques extraits seront publiés en version « pirate » par un journaliste peu scrupuleux sous le titre Le Journal Érotique de Gerard Sorme. Suite à cette édition, et voulant couper court à tout scandale, l’auteur décida d’en fournir une version complète.


Le récit se traîne en longueur sur la première partie durant laquelle Sorme se cherche toujours ; on y apprend que Austin Nunne, faute de preuves, n’a pas été arrêté par la police suite aux crimes de Whitechapell mais placé par ses parents dans un hôpital psychiatrique ; on y retrouve le peintre qui aimait trop les petites filles, la vierge de glace qui perdra sa virginité et la  jeune étudiante amoureuse qui finira par préférer un jeune acteur à l’auteur, faute à ce dernier de se décider à l’épouser. On y rencontrera de nouveaux personnages comme un musicien fou dont la charmante épouse tombera entre les bras de Sorme. Mais on fera surtout la connaissance de Caradoc Cunningham qui va faire littéralement exploser le récit.
Cette nouvelle relation est pour le moins sulfureuse : bisexuel dilettante, porté sur l’alcool et les drogues, Caradoc se veut magicien et va entraîner Gerard Sorme dans un tourbillon d’expériences auquel il participera à la sauce « Wilson », sceptique, mais on ne sait jamais… On plonge en effet dans une magie sexuelle débridée, pratique à tester car toute la clef de l’existence humaine est dans la jouissance sexuelle. On retrouve bien sûr sur la thématique de l’élargissement de la conscience que permet l’orgasme, et sur les moyens de prolonger cette illumination trop brève pour accéder à l’extase. Colin Wilson profile ici ses travaux ultérieurs sur « l’Occulte », rejetant les charabias des magiciens, leurs soi-disant manuscrits maudits, mais intuitant derrière tout ce fatras le fameux facteur X, à savoir les pouvoirs latents de l’esprit.
Cette aventure se terminera évidemment par un fiasco, suite à une messe noire dont les dégâts collatéraux généreront un joli scandale. Cunningham disparaîtra de la circulation et Gérard Sorme épousera Diane, la femme du musicien fou. Le couple s’installera en Irlande et l’auteur débutera une belle carrière littéraire. On le retrouvera dans Le Dieu du Labyrinthe (1970).

Livres Imaginaires
° Méthodes et Techniques de l’Auto-Illusion, Gerard Sorme
° Le Journal Érotique de Gerard Sorme
° Le Livre du Rituel Magique du Magicien Abrahamelin, traduction par Caradoc Cunningham
° La Voix de Baphomet, Caradoc Cunningham
° Les Armes Gluantes, recueil de poèmes pornographiques, id .


mercredi 9 août 2017

KATAPHRACT DANS LA LETTRE DU CROCODILE






Publié par incoherism le août 9, 2017
 
Rencontres de Berder-sur-Seine 2016 autour de Jean-Charles Pichon, Editions L’œil du Sphinx.
Ces rencontres autour de l’un des penseurs les plus intéressants des dernières décennies ont offert une large place à la question des vers cataphractaires à travers une longue communication de Jean Hautepierre.
De quoi parlons-nous ?
Le mot « cataphractaire » désigne les cavaleries lourdes des guerres antiques, des troupes de choc en quelque sorte. Le « cataphracte » est la protection, l’armure. Mais en poésie ?
« Que recouvre ce nouveau nom ? demande en introduction Jean Hautepierre. L’ensemble des vers comportant de treize à seize syllabes, ou encore les vers d’une longueur supérieure à celle de l’alexandrin, mais ne dépassant pas une dimension au-delà de laquelle les principales caractéristiques du vers – soit sa rime et, surtout, son découpage rythmique – risquent fort de devenir floues, voire indistinctes. Cela n’interdit pas d’utiliser de tels vers de manière ponctuelle. (…)
Si je ne rejette donc pas l’emploi ponctuel de vers allant au-delà de l’hexadécasyllabe, je ne crois guère à la possibilité de composer des strophes et des tirades entières à partir de tels modules. Il en va tout autrement des vers cataphractaires, qui se prêtent à un usage suivi. Encore faut-il que le découpage rythmique de chaque vers soit bien marqué afin que son existence même en tant que vers soit immédiatement perceptible à l’oreille, comme il en va pour l’alexandrin classique (…)
Ces vers sont conçus pour envahir le champ du langage, pour marteler et submerger de leur mélodie lourde et lancinante l’ouïe et l’esprit de l’auditeur, du lecteur, du spectateur. Les cataphractaires ne furent-ils pas la cavalerie lourde de Byzance ? »
Suit une première démonstration :

Et si j’ai quelquefois au nom de Hautepierre
Joint le martèlement des vers cataphractaires,
De treize, de quatorze ou de seize marteaux
Ecrasant le silence et ponctuant les mots,

C’est pour que solennellement au lointain la rime se fonde
Et laisse attendre son écho semblant se perdre dans les cieux
Et, déjà presque ensevelie sous le seuil de la nuit profonde,
Qu’elle surgisse, auréolée d’un éclat plus mystérieux…

Jean Hautepierre défend avec érudition et conviction les vers cataphractaires. Il note que l’absence de rime interne entraîne une attente de la rime finale et donne une unité au vers tout en accentuant son caractère lancinant. Nous sommes dans le vers incantatoire dont, nous dit-il « Edgar Poe fut le Génie précurseur, Stéphane Mallarmé le Mage suprême ». Jean Hautepierre parle d’envoûtement de l’auditeur ou du lecteur. « L’incantation remplace le sens en affirmant un sens suprême. (…) Il y a ici une volonté magique, et un pas vers les Paroles de Puissance. »
Il existe, nous dit-il, une solennité des vers longs capables d’évoquer des événements exceptionnels, de grandes passions, des transcendances.
Autre exemple :

Que des vers longs comme des soirs enveloppés de longues traînes,
Vous emportant et vous berçant avec les flots du Grand Malheur,
Fassent trôner par-dessus toute la douleur ample et souveraine
Qui règne, Ô la reine du Monde, aux côtés du Soleil vainqueur ;

Jean Hautepierre rappelle qu’il n’est pas l’inventaire du vers cataphractaire. Il cite Saint-Pol roux, Jacques Réda, Pius Servien Coculesco parmi d’autres poètes. Mais, il est sans doute le premier à les théoriser de manière approfondie. Il écarte l’arbitraire en démontrant que les vers longs présentent une homogénéité bien plus manifeste que les vers courts. Toutefois, c’est peut-être parce que Jean Hautepierre considère que la nature même de la Poésie est incantatoire qu’il s’est tourné vers les vers longs et leurs immenses possibilités.

Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.