vendredi 31 août 2018

L'ANTI-TERRE DE J.P. LAIGLE DANS INCOHERISM

L’Anti-terre

Publié le 30 Août 2018, 16:41pm
L’Anti-terre de Jean-Pierre Laigle. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

Jean-Pierre Laigle, pseudonyme Rémi Maure, est un spécialiste reconnu de la science-fiction et un écrivain atypique.
Après un volume consacré aux Planètes Pilleuses, publié en 2013 chez le même éditeur, il traite ici de plusieurs thèmes mystérieux abordés par la SF.

Le concept d’Anti-Terre apparaît avec le pythagoricien Philolaos de Crotone. L’Anti-Terre vient compléter la décade de sphères : Ciel étoilé – Soleil, Mercure, Vénus, Terre, Lune, Mars, Jupiter, Saturne. On sait l’importance du 10 dans le pythagorisme avec la fameuse Tetracktys. Cette idée fut spécifiquement pythagoricienne. Au XIXème siècle, elle connut une deuxième vie aussi bien avec les occultistes qu’avec les auteurs de science-fiction.

Jean-Pierre Laigle rend compte de la dynamique du thème au sein de la SF depuis From World to World en 1896. Le thème permet d’introduire des réflexions fort diverses, des questionnements sociétaux ou des critiques sociales :

« Rétrospectivement, nous dit l’auteur, l’Anti-Terre apparaît aussi impossible que fascinante. Les philosophes, les occultistes et les astronomes ne l’ont-ils jamais prise au sérieux ? Reste la fiction. C’est d’abord un lieu commun où placer une utopie, comme jadis une île ou une contrée inconnue. Ainsi D.L Stump y transpose-t-il son Amérique idéalisée, S. Béliaev un socialisme accompli, de même que dans une certaine mesure P. Capon au début de sa trilogie, H.T. Flensborg une société qui a résolu ses problèmes les plus graves dans son premier roman et l’équipe hétéroclite de The power of Warlock le concept mystique d’une humanité bénéficiant in fine d’une rédemption du péché originel et peut-être plus réussie que sur son modèle terrien. »

Jean-Pierre Laigle ne traite pas seulement des Anti-Terres dans ce livre mais aussi d’autres curiosités de la SF : la vie dans la haute-atmosphère, les allumeurs d’étoiles, les autres mondes concaves selon Edmund Halley et quelques épigones, enfin Vulcain, le mythique monde inframercurien. Tout ceci est aussi passionnant qu’étrange.

Face à la peur de l’extinction du Soleil, divers auteurs ont imaginé des secouristes en tout genre capables d’allumer les étoiles ou de les sauver. Si les solutions proposées font l’éloge de la science, Jean-Pierre Laigle remarque parfois les signes d’une mystique solaire ou stellaire.

Le mythe vulcanien fut d’abord scientifique, fruit des propositions d’Urbain Le Verrier (1811 – 1877) pour expliquer alors les anomalies observées dans l’activité de Mercure. En 1802, un précurseur de la SF, Nicolas Anne Edme Restif de la Bretonne (1734 – 1806) publie les aventures extraordinaires du duc Multipliandre. Ce dernier explore plusieurs planètes inframercurielles non sans, là aussi, quelques éléments de mystique solaire. Plus tard, la SF anglo-saxonne développa les possibilités vulcaniennes avec des auteurs comme Roman Frederick Starzl, Leslie Frances Silberberg, John Russell Fearn ou Clifton Bryan Kruse. Jean-Pierre Laigle aurait souhaité des développements de meilleurs qualités que ceux produits, toutefois il reconnaît l’intérêt de ses écrits d’un point de vue analytique.

Cette contribution de grande qualité par un auteur érudit intéressera bien entendu les lecteurs de SF mais aussi plus largement ceux qui recherchent dans la littérature, populaire ou non, des marqueurs de l’évolution de la pensée et de notre rapport au monde.

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