lundi 8 juillet 2019

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : EURÊKA, E.A. POE




° 1848 (juillet), publication d’Eurêka. Poe écrira à sa tante Maria Clemm : Je dois mourir. Je n’ai plus le désir de vivre puisque j’ai fait Eurêka.
Dans sa biographie, George Walter* n’hésite pas à qualifier ce texte comme étant un autoportrait spirituel sans équivalent dans la littérature. Et de fait, nous sommes en présence d’un véritable « monument » que le poète qualifiera modestement de poème. Mais c’est bien plus que cela : un essai très dense dans lequel l’écrivain développe sa propre « Théorie du Tout », sur base de connaissances scientifiques pointues et d’intuitions fulgurantes. L’Univers est le poème de Dieu. Il est le fruit d’une explosion initiale, fruit de la volonté divine. Les particules projetées s’organisent en atomes qui s’agglomèrent pour créer les corps célestes, mais dans un phénomène d’expansion sans cesse contrecarré par une force répulsive qui veut que la matière revienne à sa source pour retrouver le Grand Tout. L’Univers est baigné dans la lumière divine et l’homme en est partie intégrante. L’homme traverse son existence bizarre environné de souvenirs, obscurcis mais toujours présents, d’un Destin plus vaste qui remonte loin, bien loin dans le passé. Ses tentatives, souvent maladroites, pour percer le voile (retrouver l’Unité), sont à l’origine du mal.
Cette publication sera un échec commercial. Le texte est difficile à lire et sa « spiritualité » choquera la classe des scientistes. Mais il sera progressivement redécouvert, dans la mesure où il anticipe plusieurs découvertes de la physique du XXe siècle : l’âge fini des étoiles comme explication du noir de la nuit, les trous noirs et les trous de ver, la théorie du chaos, la matière sombre, l’existence des nébuleuses extragalactiques et leurs regroupements en amas de galaxies, l’expansion de l’espace, l’atome primitif, le Big Crunch, la notion d’espace-temps etc. Le cosmologue Jean-Pierre Luminet consacrera du reste une préface fouillée sur l’importance de ces « intuitions » dans une récente réédition d’Eurêka (Dunod, 2017)

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