samedi 28 mars 2020

EN COMPAGNIE DU ROI EN JAUNE, R.W. Chambers



 Les Grands Anciens se souviennent que Christophe Thill avait réalisé sa traduction pour notre fanzine, Dragon & Microchips, en 2000. Voilà ce qu'en disait à l'époque J.D. Brèque dans la défunte revue Ténèbres (no 9)



L’univers fantastique de Robert W. Chambers
Dragons & Microchips n° 16.
250 pages

Curieuse postérité littéraire que celle de Robert W. Chambers (1865-1933). Écrivain extrêmement populaire de son vivant, il est peu à peu tombé dans un oubli presque total, dont surnagent ses seuls textes fantastiques, franchement atypiques de son œuvre. Encore faudrait-il nuancer : si les cinq nouvelles fantastiques incluses dans The King in Yellow (1895) sont considérées comme des classiques, elles ne sont disponibles que par à-coups, leur carrière posthume présentant un profil en dents de scie tout à fait étonnant. En France, elles furent publiées en 1976 par Marabout dans un recueil intitulé Le Roi de jaune vêtu, aujourd’hui épuisé ; depuis, on a assisté à plusieurs tentatives de réhabilitation de Chambers : en 1981, Les Presses du Crépuscule, animées par Richard D. Nolane, publiaient Le Faiseur de lunes (The Maker of Moons, 1896) ; plus récemment, le quatrième numéro du Visage vert, daté de février 1998, nous proposait une nouvelle intitulée "Les Sphyx” (1904), suivie d’un passionnant essai de Michel Meurger.
Et que dire des jugements portés aujourd’hui sur l’auteur ! De Lovecraft, qui soulignait l’intérêt de The King in Yellow dans Épouvante et surnaturel en littérature, à son exégète S. T. Joshi, présent au sommaire de ce numéro spécial de Dragons & Microchips, en passant par Everett F. Bleiler, infatigable défricheur du fantastique, l’unanimité autour de Chambers est impitoyable : c’était un écrivain brillant mais superficiel qui, après avoir renouvelé le genre en profondeur, assurant la transition entre Poe et les modernes, a gâché son talent en produisant à la chaîne des romans sentimentaux qui flattaient le goût d’un public fruste. Reste, nous dit-on, une poignée de textes présentant surtout un intérêt de curiosité.
Mais grâce au travail considérable de Christophe Thill, responsable de ce numéro spécial, voici qu’est redoré le blason d’un auteur dont la piètre réputation dans le monde fantastique anglo-saxon s’avère injustifiée. Essai biographique, étude du contexte de l’époque, aperçus critiques, pastiches, tout contribue à brosser de l’œuvre fantastique de Chambers un tableau fidèle, qui donne envie de s’y plonger séance tenante. Certes, cette somme se concentre sur les textes purement fantastiques de Chambers, négligeant ses nouvelles de SF humoristiques auxquelles s’attachait le numéro du Visage vert cité plus haut. Mais il faut un commencement à tout. On annonce pour le proche avenir la publication aux États-Unis de l’intégrale des récits étranges et fantastiques de Chambers, sous l’égide de S. T. Joshi. Espérons qu’un éditeur français s’y intéressera. Vu le bonheur que j’ai eu à traduire “Les Sphyx” et “L’Homme à la table voisine” (in Les Chats fantastiques, éd. Joëlle Losfeld), je me porte volontaire à grands coups de trompette !
Jean-Daniel BRÈQUE

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