mercredi 2 mars 2022

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA SEPTIEME EXTINCTION, Alain Delbe

 


Belle surprise que La Septième Extinction (autoédition 2021) d’Alain Delbe. Ce dernier nous livre en effet un véritable traité d’apocalypse joyeuse sur fond de collapsologie bienveillante. La trame est hélas bien connue : réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, pollutions en tout genre, capitalisme débridé et sans scrupules…. Bref, l’humanité court à sa perte et elle en est la seule responsable. L’auteur nous invite à réfléchir à cette catastrophe inévitable en compagnie d’un petit garçon du Nord de la France et de sa famille. Et quelle famille, puisqu’elle a trouvé le remède définitif aux maux de l’humanité.

L’inspiration vient du grand-père paternel, Simon, psychanalyste de terrain, mais aussi touche-à-tout, toujours plongé dans ses livres, que ce soient des ouvrages de fiction ou des traités de philosophie. Il développera du reste une vision métaphysique sulfureuse qui fera ultérieurement de lui un théologien réputé : Dieu est bon et il ne peut pas avoir créé une espèce humaine fondamentalement destructrice ; il est à l’origine de l’univers, de la terre et de ses merveilles naturelles ; mais c’est Satan qui a créé l’homme afin de saccager l’œuvre de la Divinité. Simon aimait bien taquiner la plume à l’occasion et rédigea une nouvelle devenue célèbre, Décréation, dans laquelle on voit une humanité mettre fin volontairement à son existence. Publié à l’origine dans une revue confidentielle d’amateurs de science-fiction, ce texte suscita les commentaires amusés de plusieurs lecteurs. C’est ainsi qu’un certain Emmanuel Thibault laissa entendre que les hommes ainsi décréés se retrouvaient dans un monde parallèle dans lequel ils pouvaient poursuivre leurs saccages.

Le grand-père maternel, de son côté, garagiste en son temps, était un passionné de paléontologie et sa philosophie pouvait se résumer ainsi : … n’était-il pas plus heureux quand il n’avait qu’à assommer le bison, cueillir les fraises des bois, s’extasier devant les paysages et convoiter celles de la tribu d’à côté ?

Extrêmement motivé pour mettre fin aux malheurs de l’homme, le père, brillant scientifique, mettra au point le produit miracle : un virus particulièrement contagieux qui empêche toute fécondité. Mais avec des dégâts collatéraux : le mal être des femmes qui aspirent toutes peu ou prou à la maternité. D’où l’intervention de la mère, autre scientifique émérite, qui développera un virus complémentaire : un produit légèrement euphorisant qui met fin au mal être et qui permet de voir la vie toujours du bon côté. La contagion se répandra à une vitesse fulgurante, la terre entière reconnaissant l’aspect positif de ce qui sera appelé « Le Bienfait ». Les deux inventeurs seront du reste nobélisé.

Alain Delbe réussit l’exploit de faire balancer en permanence le lecteur entre une réflexion douloureuse (le saccage de la planète est bien croqué) et un immense éclat de rire. L’humour de l’auteur atteint des sommets lorsqu’on apprend que Mélenchon, après un nouvel échec aux présidentielles de 2027, s’est retiré dans les ordres au monastère de la Grande Chartreuse !

Un ouvrage qui ravira les disciples de l’essayiste Cioran dont le pessimisme métaphysique, évoqué au fil des pages, est à l’évidence la colonne vertébrale du récit.


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