vendredi 12 décembre 2025

LE FEU D'ASSURBANIPAL, R.E. Howard


 

LE FEU D’ASSURBANIPAL

Robert E. Howard, 1934 (pub. 1936)

Département d’Études Proche-Orientales & Littératures Occlutistes Comparées

Université Miskatonic, Arkham (MA)

 

1. Résumé du récit et contexte de publication

Le Feu d’Assurbanipal est une nouvelle de Robert E. Howard, écrite en 1934 dans sa période tardive, et publiée posthumément dans Weird Tales (décembre 1936).
Elle appartient au cycle des récits d’aventures orientales d’Howard, mais en constitue une forme singulière car elle introduit un élément surnaturel d’origine préhumaine, sans lien direct avec ses univers habituels (Conan, Kull, Bran Mak Morn).

Le récit est narré par Steve Clarney, aventurier américain, qui, accompagné de son compagnon Yusef, découvrira dans le désert une pierre rouge surnaturelle associée au roi assyrien Assurbanipal (668–627 av. J.-C.).

2. Le cadre archéologique : Assurbanipal et la tradition assyrienne

Assurbanipal fut l’un des derniers grands souverains de l’Empire néo-assyrien, connu pour :

  • sa bibliothèque de Ninive (source majeure des textes sumériens et babyloniens),
  • sa passion pour les rites anciens,
  • son intérêt pour les sciences divinatoires et les présages.

Howard exploite cette tradition historique pour introduire un artefact mythique :
👉 une pierre rouge, parfois assimilée à un rubis colossal, que le roi aurait possédé.

Dans le contexte assyrien réel :

  • les pierres rouges étaient associées à Nergal, dieu chthonien,
  • la couleur renvoyait aux rythmes infernaux et au sang des contrats divins,
  • certains textes tardifs mentionnent des “pierres ardentes” comme pièges à esprits.

Howard transpose ces motifs dans le domaine de l’horreur.

3. Description de l’artefact : “Le Feu”

La relique est décrite comme :

  • un rubis de très grande taille,
  • rouge sombre tirant sur le noir,
  • lumineux de l’intérieur,
  • avec des pulsations presque organiques,
  • capable d’exercer une influence mentale sur les humains.

Elle apparaît comme un objet vivant, ou plutôt :

👉 un conduit vers une force qui n’est pas de ce monde.

Howard suggère que les Assyriens :

  • ne l’ont pas créée,
  • mais découverte,
  • puis “mise au service” de leur pouvoir politique et magique.

4. Fonctions et effets : analyse

Le Feu d’Assurbanipal agit sur plusieurs plans :

4.1. Effets psychiques

  • hallucinations,
  • amplification des émotions primaires,
  • attrait irrésistible mêlé de terreur,
  • altération du jugement.

4.2. Effets physiques

  • chaleur interne non mesurable,
  • aura rougeoyante observée uniquement dans les ténèbres,
  • résonance avec des phénomènes extérieurs (vents, vibrations).

4.3. Effets métaphysiques

C’est ici que le texte se rapproche du corpus lovecraftien :

  • le Feu semble réveiller ou attirer une entité d’origine préhumaine,
  • une présence massive, décrite comme une silhouette “antique et monstrueuse”.

La pierre agit comme un phare astral, un signal.

5. La cité perdue : géographie et symbolique

La cité découverte par Clarney et Yusef présente :

  • architecture assyrienne tardive,
  • absence totale de corps ou d’ossements,
  • traces d’effondrement interne,
  • orientation astronomique autour de constellations “disparues”.

Howard suggère que la cité fut :

  • détruite de l’intérieur,
  • abandonnée précipitamment,
  • comme si une présence indescriptible y était apparue.

L’élision des détails est volontaire :
👉 le lecteur doit comprendre que la puissance liée au Feu a provoqué la ruine du site.

6. Parallèles lovecraftiens

Bien que Lovecraft n’ait pas relu ce texte, plusieurs éléments montrent une convergence naturelle :

6.1. Artefacts préhumains

Comme la pierre de Leng ou les fragments Yuggothiens.

6.2. Présence chthonienne

La “force” attirée par le Feu rappelle :

  • les entités cavernicoles (Tsathoggua),
  • les ombres-vaporeuses (Shudde M’ell),
  • ou les manifestations de Nyogtha.

6.3. Terreur archaïque

La peur n’est pas morale, mais géologique : une entité qui aurait existé “avant que les hommes marchent”.

6.4. Ambiguïté finale

Typique de Lovecraft : la destruction apparente ne garantit rien, car l’essence survit.

7. Thèmes récurrents dans l’œuvre de Howard

Le Feu d’Assurbanipal illustre parfaitement :

  • l’obsession howardienne pour les civilisations déchues,
  • la monstruosité archaïque enfouie sous les sables,
  • la mort inévitable qui accompagne les trésors maudits,
  • la confrontation de l’homme moderne avec un passé qui le dépasse.

Contrairement à Lovecraft, Howard cherche moins l’effroi cosmique pur que l’aventure tragique :
le héros tente d’affronter la force… et paie le prix de sa témérité.

8. Lecture mythographique (Encyclopedia Occultae)

Dans notre univers, le Feu d’Assurbanipal peut être classé :

Classement Wilmarth : Artifact Ϟ-Red

Propriétés :

  • conduit énergétique extra-humain,
  • amplification psychique,
  • capacité d’appel,
  • relique potentiellement fragmentable.

Origine possible (trois hypothèses) :

  1. Fragment d’entité chthonienne capturé et fossilisé.
  2. Œil ou cœur pétrifié d’un être non terrestre.
  3. Nœud énergétique couplé à une géométrie invisible (thèse Arkham).

Dangers associés :

  • instabilité mentale,
  • attirance d’entités archaïques,
  • réactivation par simple présence humaine.

9. Bibliographie succincte

  • Robert E. Howard, “The Fire of Asshurbanipal”, Weird Tales, déc. 1936.
  • Patrice Louinet, The Robert E. Howard Companion.
  • Joshi & Schultz, An Annotated Guide to Weird Fiction.
  • W. Brichford, Near Eastern Vestiges in Weird Fiction (Arkham, 1962).
  • H. W. Orne, Chthonic Resonances in Assyrian Ritual Objects (Miskatonic Press, 1984).


 

📘 Conclusion

Le Feu d’Assurbanipal constitue l’une des meilleures portes d’entrée vers un Howard “mytho-géologique”, jouxtant Lovecraft sans jamais l’imiter.
La pierre rouge, pulsante, vivante, demeure un symbole puissant de l’hybridation entre :

  • aventure archéologique,
  • horreur préhumaine,
  • et lecture occultiste.

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