George Kiess est un cas, et
quel cas ! Arrivé en 1948 à Espéraza en provenance de son Leipzig natal -
avec seulement un pantalon et ne parlant pas le français, comme il aime à le
rappeler-, il est devenu aujourd’hui un spécialiste réputé de l’Ordre du Temple.
Autodidacte, il a suivi en auditeur libre des cours d’archivistique religieuse
et de paléographie pour accéder aux sources premières de sa recherche. Figure
célèbre du Razès, il a consacré ses premières recherches aux Templiers de la
Haute Vallée de l’Aude sur lesquels il a consacré de nombreuses publications. Le
tout dans le cadre d’une association, le Centre d’Etudes & de Recherches
Templières (CERT) qui diffusait un excellent bulletin, et appuyé par une
exposition dans le village de Campagne-sur-Aude (photos), aujourd’hui fermée suite à de
classiques querelles de clocher municipales.
J’écrivais déjà en 2003 (in Murmures d’Irem) :
Ce travail est à classer dans la rubrique des chefs d’œuvres
que seule peut inspirer une passion dévorante. Le procès des Templiers
contre Bernard Sermon, Seigneur du Bézu, juillet, août, septembre 1243 (Centre
d’Etudes & de Recherches Templières, collection Patrimoine d’Occitanie, 2002)
est signé George Kiess. Il s’agit du décryptage d’un rouleau formé de trois
parchemins retraçant les différentes étapes d’un procès opposant les templiers
de la maison de Campagne-sur-Aude aux seigneurs du Bézu (Aniort). Le
litige : ces derniers s’étaient emparés par la force des biens des
chevaliers. La démarche : une action en justice tout ce qu’il y a de plus
classique, avec fourniture de documents…. Comme l’acte de propriété des
Templiers. On devine qui gagnera le procès !
Avec Templiers, Recherches d’Authenticité (autoédition, 2014), l’auteur
nous livre sur plus de 500 pages la synthèse de nombreuses années de
recherches. Et que l’on ne s’y trompe pas. Malgré l’étourdissante documentation
produite, cet ouvrage n’a rien de rébarbatif et se lit comme un véritable
roman. Car la plume de George Kiess n’est pas celle d’un historien académique,
mais celle d’un auteur engagé, cherchant à en découdre avec les mythes et les
interprétations romantiques qui ont souvent pollué le sujet. En fait, plus
qu’un ouvrage sur les Templiers, c’est à véritable panorama du Moyen-Orient au
lendemain de l’an Mil auquel nous sommes convié, avec Jérusalem en son centre,
ses croisades pour défendre le Tombeau du Christ, ses pèlerinages mouvementés
vers la Terre Sainte et ses conflits incessants et particulièrement barbares.
Le tout illustré par une galerie fort riche de rois, patriarches et Grands
Maîtres, sans oublier les sultans locaux. La clef de la démonstration est
violement « antipapiste » : que de crimes seront commis au nom
d’un catholicisme intolérant, imposé par la force et les intrigues au mépris du
véritable christianisme, religion d’amour. Et c’est ici que le chercheur nous
instille une petite musique, insidieuse et lancinante : la véritable
culture s’est développée en Orient entre juifs, musulmans et chrétiens
orientaux, avec un savoureux parfum andalou ; elle s’est traduite par de
magnifiques créations littéraires, artistiques et religieuses, comme par
exemple la cabale. Et ce « vrai savoir » a été combattu par L’Eglise
Catholique, arque boutée sur ses dogmes juridiques. Il ne fallait pas, à
l’époque, laisser le peuple accéder aux livres sacrés, afin d’éviter les
questions embarrassantes. Et l’auteur de nous laisser entendre que tel devait
être là le véritable « secret des Templiers », celui d’avoir eu accès
à une culture hétérodoxe, donc fondamentalement dangereuse. Et c’est cette
connaissance des véritables fondements de la religion, qui, au-delà des
désastres militaires et des menaces financières, signera la mort de l’Ordre du
Temple.
Quelques petites perles, en aparté,
agrémenteront le récit. C’est ainsi que, citant les historiens R. Grousset et
S. Runciman, il nous donne la source de la légende du Graal : Foucher de Chartres, Albert d’Aix, Guillaume
de Tyr rapportent que les Génois prirent, dans leur part du butin, une coupe
verte que l’on croyait taillée dans un bloc d’’émeraude. Une citation de l’Estoire d’Eracles antérieure aux
récits de Chrétien de Troyes et de Wolfram von Eschenbach.
Mais je terminerai cette
petite note par l’aveu d’une immense frustration ; malgré son volume
respectable, le travail de George Kiess se termine en 1187, après la prise de
Jérusalem par Saladin ; mais quid de la croisade ultérieure, de la
sanglante défaite de Saint-Jean d’Acre en 1291 et du repli des Templiers en
Occident jusqu’à leur fin tragique en 1312 ? On attend bien évidemment la
suite ! Et d’espérer que les responsabilités écrasantes de l’auteur au « Pétanque
Club de la Gare » ne le détourneront pas de l’essentiel…
SOMMAIRE :
Le contexte et les deux aspects de l’Ordre du Temple :
- Les anthropophages de la première croisade.
- 1099. Les croisés prennent Jérusalem. Un
épouvantable massacre, à la fois inutile et à jamais impardonnable.
- Deux à trois décennies plus tard, un groupe d’hommes
prononce le voeu de ne plus retourner en Occident. Ils deviendront Guerriers ou
Moines. On les appellera les pauvres frères de la Milice du Temple de Salomon.
Les Guerriers : Le champenois, Hugo Pagani,
charismatique et décideur. Il sera ambassadeur en Europe de l’Ouest pour la
cause palestinienne, pour le roi de Jérusalem qui a un besoin impératif de
soldats pour maintenir ses conquêtes.
- Les Moines : des « chercheurs », savants,
polyglottes, érudits ; des scientifiques tournés vers les origines des
connaissances et la découverte des religions… La leur entre autres.
- Les Katholikos de Rome ; religion ou parti politique
? Pertinente question.
- L’origine de leurs croyances depuis les Romains qui
persécutaient les Christiques, les apôtres d’un Dieu dont le « Christ », Jésus,
était leur prophète. Ces persécuteurs romains toujours présents, leur vrai
visage.
- Le secret des hommes du Temple qui découvrent ces
vérités, et qui doivent se taire au risque de leur vie.
- Les Maîtres successifs de l’Ordre du Temple.
Étaient-ils dix ou onze pour arriver jusqu’à Gérard de Ridefort, le
Grand-Maître qui a trahi ?
- Et le troisième Maître des Templiers qui un jour
donna sa démission et ne fut plus à la tête de l’Ordre, ce « Grand-Maître » qui
revint en Europe pour entrer dans un monastère.
- Cet autre Maître de l’Ordre qui donna également sa
démission, mais resta au service du roi de Jérusalem.
- Le Grand Maître Bertrand de Blancaforti, capturé ;
puis, libéré sur négociation, en payant rançon.
- Fini l’ésotérisme farfelu des 9 chevaliers… pendant
neuf ans… 1118, création de l’Ordre…
- La vérité sur le Maître félon Gérard de Ridefort…
- Les secrets des « frères initiés ».
- Les raisons véritables de ces croisades.
- Les aspects réalistes et historiques de l’existence
des Templiers sur un peu moins de deux siècles.
… Savions-nous tout cela ?
Bonjour Philippe
RépondreSupprimerJe tombe des nues ! C'est à peine si je découvre ce que tu as écrit sur moi. On me prendrait presque pour un vrai "écriveur" ...
Grand merci Monsieur Marlin !
ça fait du bien, de tels commentaires, et c'est très encourageant. ça me donne envie de continuer à travailler sur le sujet, et de produire le deuxième tome, le tome manquant ... (mais je ne l'éditerai pas moi-même. ça suffit comme ça.
(allez, j'essaye de t'envoyer ce message)