L’Appel de Cthulhu (1926, Weird Tales 1928) est certainement la nouvelle
la plus connue de Lovecraft, dans la mesure où elle constitue le texte
fondateur du "Mythe". Elle s’ouvre du reste, dès les premières lignes, par un
paragraphe très « réalisme fantastique » : Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en
ce monde, c'est l'incapacité de l'esprit humain à mettre en corrélation tout ce
qu'il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs
océans de l'infini, et nous n'avons pas été destinés à de longs voyages. Les
sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas
fait trop de mal jusqu'à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces
connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la
réalité et la place effroyable que nous y occupons ; alors cette révélation
nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous
réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel âge de ténèbres.
Il s’agit de l’histoire d’un
jeune homme de Boston, Francis Thurston, qui hérite des biens de son grand
oncle, Georges G. Angell, professeur de langues sémitiques à l’université Brown
de Providence. Ce dernier vient de mourir dans des conditions mystérieuses. Dans
une cassette pleine de papiers regroupés dans un dossier intitulé « Le
Culte de Cthulhu », il découvre une statuette de facture récente représentant
un monstre repoussant. D’après les notes, elle serait l’œuvre d’un artiste
décadent, Henry Wilcox que le professeur va rencontrer. Ce dernier est victime
de cauchemars récurrents (entre le 28 février et le 2 avril 1925) dans lesquels
il voit d’étranges structures cyclopéennes, le monstre, et entend une
lancinante invocation : Ph'nglui
mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn ! Iä Iä, Cthulhu fhtagn ! Puis,
lors d’un congrès d’archéologie à la Nouvelle Orléans, le professeur rencontre
un inspecteur de police, Legrasse, qui vient témoigner de la tenue d’un étrange
culte dans la région et exhibe une statuette identique à celle de Wilcox. L’enquête
menée par le policier et ses hommes aboutit à des conclusions étonnantes :
Ils adoraient, disaient-ils, les Grands
Anciens, qui avaient vécu des éons avant l'Homme. Ils étaient venus du ciel,
quand le monde était encore jeune. Ces Grands Anciens s'étaient retirés dans
les entrailles de la terre ou au plus profond des océans ; mais leurs cadavres avaient révélé leurs secrets à travers les rêves
des premiers hommes qui avaient fondé une secte qui perdurait encore. D'après l’un des cultistes, le cœur de la secte se trouvait dans
les déserts inexplorés d'Arabie, au sein d'Irem la Cité des Piliers,
Celle-qui-Songe, l'Intouchée. Cette religion n'avait aucun lien avec le culte
des sorcières européen et, hormis ses fidèles, nul ne le connaissait. Aucun
livre n'en faisait clairement mention, même si, d'après les Eternels Mandarins,
les connaisseurs pouvaient trouver des double-sens troublants dans le Necronomicon.
Après la disparition de son
oncle, le jeune Francis Thurston va poursuivre l’enquête et tombe sur le récit
mystérieux du naufrage d’un marin norvégien qui aurait vu une étrange île dans
le Pacifique. Il s’agit de la Cité de R’Lyeh dans laquelle trône Cthulhu. Il
perd la raison et décédera peut après son retour en Norvège.
° Cthulhu. On dit souvent que
Lovecraft suggère plus qu’il ne décrit. Et pourtant ici, les descriptions du
Grand Ancien sont nombreuses et détaillées : Surplombant cette écriture inconnue, se trouvait une forme censée de
toute évidence représenter quelque chose, mais dont la réalisation
impressionniste empêchait tout idée précise quant à sa nature. On eut dit une
sorte de créature, ou de symbole monstrueux, dont l'aspect n'avait pu jaillir
que d'un esprit malade. Si j'avouais que mon imagination fertile y vit tout à
la fois une pieuvre, un dragon et la caricature d'un être humain, je ne
trahirais pas l'aspect général de la chose. Une tête visqueuse à laquelle se
greffaient des tentacules surmontait un corps écailleux pourvu d'ailes
rudimentaires ; mais c'était la silhouette dans son ensemble qui rendait la créature
aussi terrifiante. Derrière elle, on pouvait deviner les éléments d'une
architecture cyclopéenne.
° R’Lyeh. Il en est de même de la
cité de R’Lyeh, décrite avec minutie, avec ses angles impossibles, ses portes
qui défient toute géométrie et son repoussant monolithe.
° Livres. Un bon récit
lovecraftien s’appuie évidemment sur des livres. Le Necronomicon est en bonne place, mais aussi des ouvrages réels
comme L’Histoire de l’Atlantide et La Lémurie perdue de Scott-Elliot, Le Rameau d’or de Frazer, ou encore Le Culte des Sorciers en Europe Occidentale de
Margaret, Murray.
° Parmi les artistes particulièrement sensibles
qui auraient eu de visions similaires à celle de Wilcok, Lovecraft cite Ardois-Bonnot,
peintre français qui aurait réalisé Paysage
de Rêve. La Clef d’Argent, sur son site, rebondit sur cette « mystification » :
« Félicien Ardois-Bonnot (1885-1926) demeure sans doute «[...] pour
le grand public, l'un des derniers peintres français d'inspiration
authentiquement symboliste» s'il faut en croire John Coolter, le célèbre
critique britannique, ami de l'artiste. En effet, Ardois-Bonnot est avant tout
considéré et apprécié pour des toiles datant de sa première période comme Eau
Morte (1910) ou Le jardin allégorique (1912) où se retrouvent, selon la belle
expression de Francis Vielé-Griffin qui définissait ainsi le Symbolisme, «[...]
la passion du mouvement au geste infini, de la Vie même, joyeuse ou triste,
belle de toute la multiplicité de ses métamorphoses, [...] riche du
lyrisme éternel.»
On ignore bien souvent qu'à partir de 1925 et jusqu'en juin de l'année suivante, date à laquelle il mourut des suites d'un accident de la route survenu dans des circonstances encore mal définies, il avait entamé bien malgré lui une sorte de seconde carrière, en essayant de matérialiser par des œuvres oppressantes et sombres les rêves récurrents qui l'assaillaient depuis qu'une nuit d'avril 1925, lui avaient été révélées, comme il le nota dans son journal, «les terribles perspectives d'une ville sous-marine où dormait de toute éternité une créature gigantesque appelée à s'éveiller un jour». Rares, pourtant, sont les témoignages de cette époque, puisqu'il brûla presque toutes ses nouvelles œuvres, à l'exception notable de Paysage de rêve, qui avait fait scandale au Salon de Printemps de Paris, et de quelques esquisses. »
On ignore bien souvent qu'à partir de 1925 et jusqu'en juin de l'année suivante, date à laquelle il mourut des suites d'un accident de la route survenu dans des circonstances encore mal définies, il avait entamé bien malgré lui une sorte de seconde carrière, en essayant de matérialiser par des œuvres oppressantes et sombres les rêves récurrents qui l'assaillaient depuis qu'une nuit d'avril 1925, lui avaient été révélées, comme il le nota dans son journal, «les terribles perspectives d'une ville sous-marine où dormait de toute éternité une créature gigantesque appelée à s'éveiller un jour». Rares, pourtant, sont les témoignages de cette époque, puisqu'il brûla presque toutes ses nouvelles œuvres, à l'exception notable de Paysage de rêve, qui avait fait scandale au Salon de Printemps de Paris, et de quelques esquisses. »
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