Mein Kampf, histoire d’un livre de Antoine Vitkine (Flammarion, 2009) fait partie de ces ouvrages
indispensables pour comprendre la destinée d’un livre qui figure au troisième
rang des ventes mondiales cumulées, après La
Bible et Don Quichotte. Le fond,
c’est à dire l’aspect terrifiant des propos de Hitler, est bien sûr analysé, en
suivant un fil conducteur majeur : toutes les horreurs commises par le
Führer y étaient clairement annoncées. Mais au delà du fond, c’est l’aventure
éditoriale de l’ouvrage qui est à proprement fascinante. Diffusé à 12 millions
d’exemplaires en Allemagne, de façon souvent forcée certes (ouvrage remis en
cadeau aux jeunes mariés par exemple), il donnera lieu après guerre à un très
étrange phénomène d’amnésie : « évidemment, nous le possédons, mais
nous ne l’avons jamais lu ». On touche ici le problème de la
responsabilité collective du peuple allemand, alors que, l’enquête de l’auteur
est éloquente, c’était un livre des plus consultés dans les bibliothèques
publiques. On n’emprunte pas un livre pour ne pas le lire !
Son destin international est
aussi tout à fait étonnant. C’est Winston Churchill, redevenu simple député,
qui en avait fait l’analyse la plus précise et avait cherché, en vain, à
prévenir la communauté internationale. Les droits sont cédés par l’éditeur Verlag Franz Eher aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Italie (notamment) où il
deviendra rapidement un ouvrage culte. Selon certains analystes, c’est du reste
sous l’influence de Mein Kampf que
Mussolini radicalisera sa politique pour lui donner une couleur antisémite. En
France, en revanche, les droits pour la version complète ne seront pas cédés.
Ne seront publiées que des versions édulcorées, supprimant les passages haineux
contre la France. Une version « pirate » sera cependant proposée par
Fernand Sorlot, qui donnera lieu à un procès de la part d’Hitler. L’ouvrage
continuera pourtant à être diffusé jusqu’à aujourd’hui par les Nouvelles
Editions Latines, avec quelques pages de couleur verte sous forme
d’avertissement.
Les droits de
l’ouvrage sont aujourd’hui détenus par le Land de Bavière, héritier juridique
de Hitler. L’ouvrage est interdit en Allemagne, sauf pour ce qui est des
versions publiées avant 1945. Cela dit, il est diffusé dans le monde entier, devenant,
si l’on excepte le cas des milieux néo-nazis, un ouvrage culte dans les pays du
Moyen-Orient (Egypte notamment) qui retrouvent dans ses pages les sirènes du
nationalisme exacerbé et de l’antisémitisme. Le cas de la Turquie est à cet
égard particulièrement éloquent.
Les droits de
l’ouvrage tomberont dans le domaine public en 2015. D’ores et déjà, un éditeur
allemand et un autre français préparent une version intégrale avec un appareil
scientifique de commentaires et d’analyses.
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