vendredi 31 août 2018

LE KÉPI BLANC, Pomas, Aude

Il ne faut pas oublier les vrais routiers qui nous ont régalé depuis des décades. Ici on est à Pomas, entre Limoux et Carcassonne et vous ne pouvez manquer le Képi Blanc. Tenu par un ancien légionnaire, il fait bar, restaurant, épicerie, pont presse, dépôt de pain, butagaz...

Et il faut goûter à sa cuisine au prix ahurissant de 12,50 € tout compris (dessert, vin et café). Comme au bon vieux temps.

Belle assiette
de charcuterie ou de crudités



Jambon braisé au miel et à l'orange

ou
Brochette de boeuf



Magnifique fromage blanc au coulis de fraises.



Il faut en parler de ces gens, ce sont de vrais Philosophes !

Ah oui, si vous avez un peu honte d'avoir payé 12,50 sans surprise, vous pouvez demander au patron une petite poire glacée. Il vous en coûtera 2,50 $, de quoi arrondir vous agapes à un total de 15 €

L'ANTI-TERRE DE J.P. LAIGLE DANS INCOHERISM

L’Anti-terre

Publié le 30 Août 2018, 16:41pm
L’Anti-terre de Jean-Pierre Laigle. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

Jean-Pierre Laigle, pseudonyme Rémi Maure, est un spécialiste reconnu de la science-fiction et un écrivain atypique.
Après un volume consacré aux Planètes Pilleuses, publié en 2013 chez le même éditeur, il traite ici de plusieurs thèmes mystérieux abordés par la SF.

Le concept d’Anti-Terre apparaît avec le pythagoricien Philolaos de Crotone. L’Anti-Terre vient compléter la décade de sphères : Ciel étoilé – Soleil, Mercure, Vénus, Terre, Lune, Mars, Jupiter, Saturne. On sait l’importance du 10 dans le pythagorisme avec la fameuse Tetracktys. Cette idée fut spécifiquement pythagoricienne. Au XIXème siècle, elle connut une deuxième vie aussi bien avec les occultistes qu’avec les auteurs de science-fiction.

Jean-Pierre Laigle rend compte de la dynamique du thème au sein de la SF depuis From World to World en 1896. Le thème permet d’introduire des réflexions fort diverses, des questionnements sociétaux ou des critiques sociales :

« Rétrospectivement, nous dit l’auteur, l’Anti-Terre apparaît aussi impossible que fascinante. Les philosophes, les occultistes et les astronomes ne l’ont-ils jamais prise au sérieux ? Reste la fiction. C’est d’abord un lieu commun où placer une utopie, comme jadis une île ou une contrée inconnue. Ainsi D.L Stump y transpose-t-il son Amérique idéalisée, S. Béliaev un socialisme accompli, de même que dans une certaine mesure P. Capon au début de sa trilogie, H.T. Flensborg une société qui a résolu ses problèmes les plus graves dans son premier roman et l’équipe hétéroclite de The power of Warlock le concept mystique d’une humanité bénéficiant in fine d’une rédemption du péché originel et peut-être plus réussie que sur son modèle terrien. »

Jean-Pierre Laigle ne traite pas seulement des Anti-Terres dans ce livre mais aussi d’autres curiosités de la SF : la vie dans la haute-atmosphère, les allumeurs d’étoiles, les autres mondes concaves selon Edmund Halley et quelques épigones, enfin Vulcain, le mythique monde inframercurien. Tout ceci est aussi passionnant qu’étrange.

Face à la peur de l’extinction du Soleil, divers auteurs ont imaginé des secouristes en tout genre capables d’allumer les étoiles ou de les sauver. Si les solutions proposées font l’éloge de la science, Jean-Pierre Laigle remarque parfois les signes d’une mystique solaire ou stellaire.

Le mythe vulcanien fut d’abord scientifique, fruit des propositions d’Urbain Le Verrier (1811 – 1877) pour expliquer alors les anomalies observées dans l’activité de Mercure. En 1802, un précurseur de la SF, Nicolas Anne Edme Restif de la Bretonne (1734 – 1806) publie les aventures extraordinaires du duc Multipliandre. Ce dernier explore plusieurs planètes inframercurielles non sans, là aussi, quelques éléments de mystique solaire. Plus tard, la SF anglo-saxonne développa les possibilités vulcaniennes avec des auteurs comme Roman Frederick Starzl, Leslie Frances Silberberg, John Russell Fearn ou Clifton Bryan Kruse. Jean-Pierre Laigle aurait souhaité des développements de meilleurs qualités que ceux produits, toutefois il reconnaît l’intérêt de ses écrits d’un point de vue analytique.

Cette contribution de grande qualité par un auteur érudit intéressera bien entendu les lecteurs de SF mais aussi plus largement ceux qui recherchent dans la littérature, populaire ou non, des marqueurs de l’évolution de la pensée et de notre rapport au monde.

lundi 27 août 2018

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA LIGUE DES ROUQUINS, Conan Doyle




La Ligue des Rouquins (1891, 2005 Omnibus). On sait que Conan Doyle avait beaucoup d’humour et il nous en fait ici une démonstration éclatante. Sherlock Holmes reçoit un usurier en plein désarroi. Roux de chevelure, il a répondu à une petite annonce cherchant à pourvoir un poste à « Le Ligue des Rouquins », poste bien payé et peu stressant. Il a obtenu ce poste grâce à sa chevelure flamboyante et n’est mobilisé que quelques heures par jour pour recopier à la plume L’Encyclopedia Britannica ! Las, un jour, il trouve son bureau fermé. La Ligue s’est volatilisée et il demande à notre détective de percer ce mystère. Holmes nous fera à nouveau une démonstration éblouissante de ses talents d’observations et partira sur la piste de l’assistant de l’usurier. Un criminel activement recherché qui a créé l’organisation bidon pour détourner son patron sur une autre occupation. Il avait ainsi tout loisir pour creuser dans la cave de l’immeuble des bureaux pour pénétrer dans la salle-forte de la banque attenante aux locaux !

dimanche 26 août 2018

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UN SCANDALE EN BOHÈME, Conan Doyle





Un Scandale en Bohème (1891, 2005 0mnibus). Un petit texte amusant. Watson rend visite à son ami qui attend un « client ». Et quel client puisqu’il s’agit du Roi de Bohème qui va se marier, mais qui voudrait récupérer une photo compromettante où il figure avec une ex, l’aventurière Irène Adler qui réside à Londres. L’enquête sera rapidement menée et se terminera par un match nul : Irène vient de se marier de son côté et n’a aucun intérêt à ce que la photo soit divulguée. Ce qui est intéressant dans cette aventure, c’est que notre détective tombera sous le charme de l’aventurière. Il ne s’agit pas d’une passion amoureuse, pulsion que combat farouchement Holmes car c’est un obstacle à sa lucidité, mais de quelque chose de plus profond : elle était la femme !

samedi 25 août 2018

LES RENCONTRES DE BERDER 2017 DANS INCOHERISM





Rencontres de Berder 2017 autour de Jean-Charles Pichon par l’Association Les Portes de Thélème. Éditions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Voici un très beau recueil des interventions aux dixièmes rencontres de Berder qui se renouvèlent avec talent pour explorer de nouveaux espaces de pensée et de création.
Cette fois, le thème central fut l’Apocalypse en ses diverses dimensions, philosophiques, théologiques, artistiques, cinématographiques et la relation que nous entretenons avec ce sujet à travers la question de notre propre mort et de la disparition éventuelle de l’espèce humaine. Lauric Guillaud note le fort usage du mot apocalypse en notre époque qui cumule les incertitudes.
Cependant, d’autres sujets, sans lien direct avec ce thème dominant ont pu être abordés.
Sommaire : Cinéma et apocalypse de Jean-Charles de Oliveira – Les nouveaux prophètes de Julien Pichon – Les 5 oosei de Haruchika Noguchi par Emmanuel Thibault – Pluton, le dieu qui fait danser les mythes par Geneviève Béduneau – John Dee à propos d’une exposition à Londres par Philippe Marlin – Cinéma et censure de Jean-Christophe Pichon – La conversion du pétale ou un mois de questions dessinées de Silvanie Maghe – Du gai savoir à l’absurde de Julie Cloarec-Michaud – Science-fiction et apocalypse : écologie et catastrophisme de Lauric Guillaud – Débat. L’Apocalypse de Claude Birman et Lauric Guillaud – La langue des oiseaux de Sylvie Pinet – « Frise Pichon «  faite à la main : on avance ! de Julien Debenat – Les secrets de l’efficacité de l’acupuncture enfin dévoilée par Jean-Marie Lepelletier – Etc.
Julien Pichon prolonge le travail métaphysique de Jean-Charles Pichon sur la trace des prophètes et surtout des nouveaux prophètes que l’on peut chercher du côté de la recherche en mathématiques et physiques quantiques avec, entre autres, la prédiction d’objets cosmologiques.
« Le temps a été le support et l’outil du prophète. Mais il a été aussi l’objet même de la quête ontologique. On peut également se poser la question du rôle des mathématiques. Est-ce un outil pour prédire des phénomènes du réel ? Ou est-ce les mathématiques sont des éléments structurant de la chose ? Est-ce que les mathématiques constituent les propriétés principales de la chose ? Est-ce que ce sont les seules propriétés principales ? Est-ce que les mathématiques sont la chose ? Est-ce que les mathématiques ont été génératrices de nouveaux concepts ? Et si oui, à quelle réalité doit-on faire face ? Qu’est-ce que la Réalité ? »
Derrière cette cascade de questionnements apparaît une autre question, celle de notre rapport au langage mathématique. Est-il le langage de la nature ou celui de l’homme qui pense la nature ? Dans quelle mesure devons-nous faire nôtre ce langage et pour quelles finalités ?

Rémi Boyer

LA SYMBOLIQUE DU GRAAL DE J.F. LECOMPTE CHEZ EODS





Il est des livres-clé dans l’histoire d’un peuple ou d’une civilisation. Le Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes en fait partie. Pour la première fois, un étrange objet apparaît sur la scène littéraire médiévale: le Graal. Et immédiatement, il fascine l’Europe entière, qui y découvre l’expression la plus intime et la plus juste de son âme secrète.
Comment Chrétien de Troyes a-t-il eu cette géniale intuition? Où a-t-il puisé ses références? Qui l’a guidé? Et surtout comment a-t-il organisé son oeuvre, les personnages, les étapes, les messages...?
Jean-François Lecompte a décortiqué avec une précision chirurgicale le scénario du Conte du Graal. Les personnages et les événements y sont installés selon une mécanique d’horloge.
Un texte conçu par un architecte, où la géométrie offre une clé de lecture à la fois insolite et passionnante. Les personnages révèlent alors leur réalité secrète: ils sont tout à la fois des figures de la société médiévale, des symboles du zodiaque, de la mythologie grecque et de la métamorphose d’un peuple chrétien.
L’auteur des Nombres templiers et du Diable dans tous ses états (parus aux éditions édite en 2003 et 2006) poursuit avec cette étude un décryptage méticuleux et très documenté de la pensée médiévale et symbolique.

LES ARCHIVES SECRÈTES DU PRIEURÉ DE SION DANS INCOHERISM





Archives secrètes du Prieuré de Sion présentées par Jean-Pierre Deloux. Éditions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

Ces documents inédits proviennent de Pierre Plantard qui les confia en 1983, pour publication, à Jean-Pierre Deloux (1944-2009). A l’époque, le projet ne put aboutir.

Pierre Plantard, personnage pour le moins ambigu, fonda le Prieuré de Sion, sous la forme d’une association, en 1956, et le mythe qui l’accompagne. Pour cela, il n’hésita pas à puiser dans l’histoire, à la tordre pour ses objectifs et à produire de faux documents. L’invention du mythe moderne du Prieuré de Sion est tout à fait passionnante et significative aussi des attendus de notre société aliénée. Pierre Plantard, malgré quelques revers et erreurs, orchestra magistralement la naissance et le développement de ce mythe qui intègre l’affaire de Rennes-le-Château ou plus exactement les « affaires », et la question mérovingienne.

Jean-Pierre Deloux, qui a bien fréquenté l’homme au côté de Gérard de Sède, n’est pas dupe :
«  Force nous est faite d’admettre qu’il est la principale source de l’affaire et qu’à lui seul (ceci étant pour ceux qui dénient toute existence au Prieuré), il a créé un mythe moderne fédérateur de nos interrogations qui n’a pas fini de faire couler de l’encre ou de faire tourner le celluloïd.
Affabulateur, mythomane, peut-être ? Et encore, cela reste à prouver. Manipulateur, inventeur et mythographe : assurément.
Quant à ses compétences en hermétisme, le lecteur va pouvoir juger sur pièces. »

Certes les définitions de l’hermétisme sont nombreuses, du néologisme du XIXème siècle, presque synonyme d’occultisme ou d’ésotérisme, à la définition plus stricte faisant référence aux écrits attribués à Hermès Trismégiste et qui concernent l’alchimie, l’astrologie, la magie, la philosophie, la théologie. Si nous prenons cette dernière définition, celle qu’il conviendrait d’employer, on ne peut que constater la pauvreté du propos. Si nous prenons le terme dans son acception en vogue encore aujourd’hui, les textes proposés ne sont pas inintéressants d’un point de vue historique et culturel par les liens qu’ils proposent.

« Ces textes, précise Jean-Pierre Deloux, quand ils furent rédigés, n’avaient pas pour but d’être diffusés. Ceux que nous publions sont, selon toute vraisemblance, une très modeste part d’un ensemble bien plus vaste, que Plantard qualifiait d’archives du prieuré de Sion. Ces travaux sont contemporains de la « période Plantard ». »

Jean-Pierre Deloux a organisé ces textes par thème, facilitant ainsi la lecture et stimulant l’intérêt du lecteur. Les textes, souvent courts, parfois de simples notes, abordent l’histoire, la symbolique ou les mythologies. Ils sont typiques de la période de Pierre Plantard, d’autres personnages ayant procédé de même à une époque où il était difficile d’accéder aux sources.

« Ces documents, nous dit encore Jean-Pierre Deloux, permettent de se faire une idée de la culture, des connaissances étendues de leur auteur, et surtout des modes de penser particulier à l’hermétisme. Pierre Plantard qualifiait ces textes de rêveries. Ils font effectivement référence à une pensée qu’on laisse divaguer volontairement durant le rêve éveillé, à un passage volontaire du coq-à-l’âne par le biais de jeu de mots et d’associations libres. Ce mode participe de la pensée analogique et de l’interaction ludique des symboles, qu’on ne pratique guère aujourd’hui. »

Si nous sommes loin de la rigueur de l’hermétisme en son sens le plus strict, y compris de la Langue des oiseaux qui est tout sauf une rêverie, ce serait une erreur de rejeter ces textes. L’intérêt est d’un autre ordre certes, mais il existe.

Exemple avec Le Prince Vert :
« Prince Vert est celui qui admire sa superbe origine pour se proposer une fin plus superbe encore. Afin que ses ancêtres descendent de lui, il renverse les arbres de la forêt généalogique pour les dresser racines en l’air. Le peuple qui reconnaît sa révolte en Thierry la fronde et Robin-des-Bois exige du Prince Vert la qualité aristocratique et le droit de paraître en champ clos, croix rouge sous le tissu vert de l’écu. Le peuple admire la prairie verte, buveuse de sang où se marient le « sel de la terre » et la « sueur de ton front », mais à une condition : que cet aristocrate n’ait pas de parents. »

Ce simple passage s’offre aux multiples dimensions de l’interprétation : politique, sociétale, métaphysique, et même alchimique, exceptionnellement. Les contributions sont qualitativement inégales mais la plupart d’entre elles ne manquent pas d’intérêt. Bien entendu, elles ne sauraient valider le montage opéré par Pierre Plantard, mais parfois, la poésie transforme le rêve en songe.

Cet ouvrage, de belle facture, est sans doute l’un des rares ouvrages intéressants sur le sujet.

Rémi Boyer

L'ANTHOLOGIE ONTOLOGIQUE de JC PICHON DANS INCOHERISM






L’anthologie ontologique de Jean-Charles Pichon. Éditions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Voici une triple histoire relatée par Jean-Charles Pichon, une histoire de l’humanité, une histoire de lui-même et une histoire de la pomme, celle d’Eve, celle de Pâris, celle de Guillaume Tell, celle de Newton, et d’autres, autant de symboles puissants.
« D’autres symboles, nous dit Jean-Charles Pichon, traversent les Ages, plus émouvants ou créateurs ; mais rares sont ceux dont la légende, en son évolution, exprime aussi clairement le chemin ambigu de l’homme vers la mort et la liberté ; car, dans le péché, le rapt, le choix, le don, le péril, la lucidité ou la création, c’est bien toujours une liberté qui est en cause, si menacée qu’elle soit. »
Car cette histoire tridimensionnelle est bien une queste de liberté, d’infini et de beauté, antidote aux monstruosités humaines :
« La négation du diable, dit-il, a ressuscité le diable. Plus certainement que le cercle noir de l’occultisme, la rune du druide ou l’effigie magique du prêtre vaudou, la naïveté, la vanité contemporaine ont su tirer les grands démons de leur sommeil en sollicitant la raison.
Où l’envoûteur n’affaiblissait qu’un homme, le psychanalyste en a réduit deux cents millions ; où le médecin-man a changé la population de vingt-cinq grands Etats en aimables sursitaires, handicapés dès le berceau où ne vivant plus qu’à force de drogues, de vitamines qui ne vitalisent pas et d’un quelconque antibiotique qui dénature de fait la vie. Où le sorcier, pendant une heure ou une journée, contraignait le futur initié à vivre un peu contraint dans une case étroite, un peu épouvanté par les cris de la nuit, nos planificateurs ont jeté deux milliards de citoyens conscients dans le tumulte vain des prisons capitales. Et quand, hier, les peuples – artisans, paysans – vivaient dans l’ignorante intelligence des signes, des saisons et des plantes (cette ignorance s’appelait l’instinct), nos démons les ont liés à l’érudition conne que l’instruction dispense aux races civilisées.
Sous sa triple figure destructrice, menteuse et enlaidissante, le démon est parmi nous. Il règne. Il tue, abêtit, démolit, avec l’aide des Pouvoirs, dont les représentants ont le visage même, cruel ou sardonique, veule, repu, de Satan, le menteur, de Léonard à la double face ou de Belzébuth, le dieu des mouches et des voleurs. Or, très étrangement, ce retour du démon, de moins en moins de gens en doutent ; mais la pensée se fait jour qu’il doit en être ainsi pour que les choses changent, et je n’y disconviens pas.
Ce que je veux dire dans ce livre n’est pas aisé à dire, mais je le crois nécessaire. C’est que ces diables sont aussi des dieux. Je voudrais qu’on apprenne à respecter les dieux – et les démons – pour désapprendre à détruire l’homme. Je voudrais donner de l’homme et des dieux une figure bien plus fraternelle, humaine chez ceux-ci et divine chez celui-là. Pour que celui qui me lira ne soit plus dupe des sorciers qui mènent et nous tuent. »
Il s’agit d’une vaste entreprise de démystification mais aussi de réhabilitation, voire de restauration, d’exploration cyclique des infinis et de l’identification des limites humaines.
Ce volume de six cents pages est une sorte d’encyclopédie d’un nouveau genre en deux volumes : La méthode et l’illusion puis L’erreur et la réalité. La dialectique joue un rôle important dans ce traité qui n’est pas seulement de métaphysique. Nous pourrions aussi évoquer une infraphysique, une physique des abîmes obscurs, d’où extraire les pépites de l’expérience à la recherche, non de révélations, mais d’équilibre. Cela passe par un auto-abolissement de la personne, afin de laisser libre la conscience.
« Et sans doute il est vrai : même s’il répond au Sphinx, s’il pénètre jusqu’au cœur en étoile du dédale, le chercheur est mangé. Mais, pour que ce néant suive toutes les quêtes, il faut qu’à chaque étape du labeur pénétrant, une faille s’ouvre en ce qui est, comme le bois se creuse à chaque tour de vis, la terre à chaque coup de pioche, le flot à chaque brasse, le feu sous le tisonnier. Et, de fait, il n’est pas de forme révélée au cours de la pénétration absurde qui ne soit étincelle, écume, terreau, copeau, il n’est pas de néant qui ne soit une ouverture.
Puisque l’entropie seule mène à l’abîme sans fond, j’en préfère croire les retours de la pensée païenne, réinventée, qui, tous les dix ans, tous les deux mille ans, toutes les ères glacières ou tous les kalpa, renvoie l’humanité à de nouvelles espérances, plus folles et plus conscientes que l’espérance passée. Même si, à mi-chemin des montagnes sublimes, l’humanité s’installe, pour cinq cents ans ou dix siècles, dans les vallées de péché où murissent les fruits. »
La démystification ouvre l’espace pour un réenchantement qui ne réduit pas la liberté.
«  Les orbites du temps, conclut Jean-Charles Pichon, où s’inscrivent les symboles et où les dieux éclosent, épousent en cet instant (le premier jour d’hiver) la pierre où je me dore, ronde et plate, empourprée sous le soleil de midi. »
Un livre profond et magnifique par un sublime éveilleur.

Rémi Boyer

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE SIGNE DES QUATRE, Conan Doyle






Le Signe des Quatre (1890, 2005 Omnibus). Ce second roman nous fait découvrir un aspect curieux de Sherlock Holmes, son addiction à la cocaïne. Une drogue qu’il utilise en période de « basses eaux », c’est à dire lorsqu’il n’a pas de mystère à élucider. Cela stimule son activité cérébrale et l’empêche de tourner en rond. On y rencontre également la jolie Mary Morstan dont Watson va tomber follement amoureux et qu’il épousera à la fin de l’aventure. La jeune femme reçoit chaque année une perle de grande valeur pour la « dédommager », de la part de son père militaire décédé. Nous plongeons alors dans une histoire de trésor « colonial », trouvé aux Indes par une équipe de bagnards, subtilisé par des militaires dont le père décédé. Le trésor se retrouvera entre les mains d’un collègue de ce dernier à Londres, mais traqué par l’un des survivants de l’équipe de bagnards. Le trésor finira au fond de la Tamise lors d’une traque équipe. Mary Morstan ne touchera pas la part qui lui revenait mais aura gagné l’amour de Watson !

MARCEL CAPTIER, RIP

                    
            Marcel Captier, l’âme discrète de Rennes-le-Château
  



Marcel est décédé ce jeudi 23 août d’un AVC foudroyant à l’âge de 69 ans.



J’ai rencontré Marcel au début de nos années castelrennaises avec son frère Antoine et sa belle-sœur, Claire Corbu. Avec mon fils Nicolas, nous sommes très vite devenus amis. Amis sur le plan de l’édition, car il souffrait de voir son bébé (1), la BD Le Secret de l’Abbé Saunière, végéter. Nous avons repris le dossier que les deux frères ont complété d’un cahier couleur, pour lui offrir une nouvelle aventure.

                                       (Marcel à gauche dessine avec Michel Marrot)

Mais en dehors de cet aspect purement éditorial, le personnage nous est très vite devenu attachant, par sa gentillesse lumineuse et son efficacité proverbiale.

C’était l’époque où il était l’époux de Célia Brooke, une authentique Princesse. Fille d’Anthony Brooke, dernier Rajah blanc de Sarawak, elle avait épousé Marcel Captier et œuvré beaucoup pour le village, notamment pour faire connaître le «mystère» au public de langue anglaise. Célia, qui s’est éteinte en 2011, a écrit une autobiographie passionnante non publiée à notre connaissance à ce jour.

Quelques souvenirs attendrissants tirés de ses mémoires :

° Célia vivait dans un squat (La Métairie Blanche) près de la Serpent où elle dirigeait une école «alternative». Elle allait faire ses courses (en stop) à la boulangerie de Couiza où elle rencontra Marcel en 1989 qui lui proposa de la raccompagner. Ce fut le début d’une belle histoire.



                                                                  (Célia à gauche)

° Célia retournera à Sarawak (Bornéo) en 2004 sur les traces de sa vie passée et fut accueillie comme une Princesse. Mais Marcel restera, trop attaché à son village.


                                                            (Avec son frère Antoine)

Il consacrera en effet à la Colline l’essentiel de sa vie, d’abord comme ouvrier municipal, puis comme conseiller municipal, second adjoint au Maire. Il était partout, toujours à régler un coup tordu en mouillant la chemise et en essayant de dissimuler un stress qui ne le quittait jamais. Nous avons beaucoup apprécié sa collaboration sur ces dernières années, récupérant in extremis, des chaises, des tables et des tentes pour que nos Journées du Livre et de l’Étrange gardent belle tenue. Et il lui a fallu ramer !
                                        (Avec Stéphanie Buttegeg à la Journée du Livre)

Marcel avait le virus castelrennais. Il adorait se joindre à nos manifestations et aux repas conviviaux qui suivaient, susurrant à ses voisins d’indicibles secrets. Car Marcel connaissait parfaitement «la vraie vie de l’abbé Saunière» et supportait difficilement la nouvelle vague des triangulateus, décrypteurs, boudetologues, pour ne pas parler des obsédés des tombeaux de Jésus ou de Marie-Madeleine. Il avait beaucoup de sympathie pour Fanny Bastien à qui il apporta une aide très concrète pour le montage de ses Festivals du Film Insolite.
 

Si l’on doit retenir un aspect de la personnalité de Marcel, ce sera celui de la discrétion. Il connaissait tant de choses, mais n’a jamais vraiment voulu prendre la parole en public, ni même taquiner la plume, pour raconter ses souvenirs. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de le convaincre ! Il préférait laisser Claire et Antoire affronter les caméras, restant dans un retrait prudent. Timidité?



Quoi qu’il en soit, mon cher Marcel, ta présence amicale et bienveillante restera toujours avec nous. Tu vas retrouver ta chère Célia et, j’en suis persuadé, les eaux transparentes de Bornéo dont elle t’a fait tant rêver et qui t’ont inspiré de jolis croquis. Un peu comme Bob Morane, aimais-tu dire avec un œil malicieux !

Sincères condoléances à Antoine, Claire, Morgan et toute la famille.

RIP

Philippe Marlin





Monsieur le Maire, les membres du conseil municipal de Rennes-le-Château ont la douleur de vous faire part du décès de Monsieur Marcel Captier, 2ème adjoint au Maire.
La famille de Marcel vous informe qu’elle recevra les personnes qui le souhaitent à la chambre funéraire de Quillan lundi 27 août de 16 h 30 à 19 h.
Ses obsèques seront organisées le mercredi 29 août :
– un hommage lui sera rendu devant la mairie de Rennes-le-Château à 14 h
– la crémation aura lieu au crématorium de Trèbes à 16 heures.
Toutes nos pensées vont à la famille et aux nombreux amis.


1 Réalisé avec Antoine et Michel Marrot.

vendredi 10 août 2018

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UNE ETUDE EN ROUGE, Conan Doyle





Une étude en rouge (1887, A Study in Scarlet ; 2005, Omnibus). Ce roman est une petite perle. Bien sûr parce que c’est la première aventure de Sherlock Holmes dans laquelle les personnages se mettent en place. Watson rentre à Londres, cassé par la guerre en Afghanistan, sans le sou en poche. Il recherche une colocation pour partager les frais d’hébergement et par un ami rencontre SH qui lui aussi ne roule pas sur l’or. Ainsi commence l’aventure de Baker Street. Dès le départ, le détective, imbu de sa personne, fait montre d’une  prétention horripilante, contraignant Watson à faire souvent le gros dos.
Mais l’intérêt est dans l’affaire qui nous est proposée. Un américain est assassiné dans une maison abandonnée de Londres. Son assistant quant à lui est retrouvé mort dans une pension de famille. Grâce à ses dons d’observation hors du commun, et au grand dam des deux policiers – Lestrade et Gerson – chargés l’affaire, SH va remonter une piste incroyable qui nous amènera au cœur de l’Utah, à l’époque des premiers Mormons. Et de découvrir une histoire d’amour doublée d’une jalousie féroce qui se soldera, plusieurs dizaines d’années plus tard, par les meures londoniens.
Bien joué Conan Doyle !

dimanche 5 août 2018

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE LIVRE DU VENIN





Belle surprise que Le Livre du Venin dû aux plumes finlandaises de Panu Petteri Höglund et Albert Kivinen (Onslaught Press 2016). Ce recueil nous prouve que la fiction lovecraftienne n’a pas toujours la consistance d’un plat de nouilles réchauffées et peut apporter une fraîcheur originale. La force de ces fictions est en effet de nous faire plonger dans les vieilles traditions irlandaises ou finnoises et d’y mettre en évidence, avec érudition, la trace des Grands Anciens. On y découvrira Le Livre du Venin, « An Chuitilíocht », qui serait à l’origine du Necronomicon, un livre qui a cependant la particularité de s’adapter au lecteur dont il épouse la langue ! On arpentera les rues de Ikaalinen, sorte d’Innsmouth finnoise, avec son île maudite de Ruutinkari où sévissait le vieux Rolkuwén suspecté de sorcellerie. L’enquête menée par le narrateur en compagnie d’un universitaire versé dans le folklore et l’occultisme les mettra sur la piste de sombres rituels d’invocation de Tsathoggua. Le recueil se termine par une petite perle « Paappana ou la musique d’Erkki Santanen », hommage comme on l’aura deviné au cher Erich Zann. On y voit un jeune musicien sombrer dans la folie et disparaître. Ses amis découvriront, dans le sous-sol de l’entrepôt où son groupe se produisait un rideau bleu, ouvrant sur l’infini.

Un extrait du Livre du Venin

Cuitiliù est l’ainé des Grands Anciens, et même s’il est mort, ce n’est pas d’une mort permanente qui l’empêcherait de se lever à nouveau, et Il reviendra lorsque les antiques étoiles seront à la bonne place.
Étudiez la surface de l’eau, Lecteur, et ne croyez pas que l’humanité puisse avoir connaissance des êtres et des monstres qui vivent en dessous, dans ce monde humide et froid. En vérité, depuis l’aube des temps sur la surface de la terre, des tribus ont lutté pour survivre, là, en bas, des tribus dont seuls les plus vieux des pécheurs ont vaguement entendu parler, en des termes dont ils ne se souviennent pas bien, et c’est mieux ainsi pour la paix de leur âme.
Quand on rentre dans une de ces cités, on voit les maisons les plus éloignées tout près de soi, et on reconnaît à peine les plus proches, aussi petites qu’elles puissent vous sembler, et quand on tend la main, on pense être à l’intérieur alors qu’on est à l’extérieur, et la lumière elle-même se plie et se tord…

samedi 4 août 2018

LA CEINTURE EMPOISONNÉE, Conan Doyle






Nous retrouvons, dans La Ceinture Empoisonnée (The Poison Belt, 1913 ; Robert Laffont, 1989), les quatre compères du Monde Perdu, convoqués dans la maison de campagne de Challenger avec pour mission d’apporter une bouteille d’oxygène. Un terrible poison, détecté par le savant, est en train d’envahir « l’éther » et est en passe de détruire toute forme de vie. Nos amis se calfeutrent dans une pièce et grâce à l’oxygène, arrivent à retarder l’échéance finale. Miracle, l’air redeviendra rapidement à son état normal, mais la population est décimée. Que vont faire de leurs vies les quatre survivants de la planète ? C’est alors que le second miracle se produira, Le Grand Réveil. Outre de nombreux dégâts matériels, l’humanité souffrira surtout d’un « missing time » de près d’une journée. Le récit se terminera par une leçon de morale qui n’est pas sans évoquer L’Ultime Convergence de Jocelin Morisson : il faut être gentil, respecter la vie, ne pas détruire la planète….
On l’aura compris, ce n’est pas la meilleure fiction de Conan Doyle. Le thème est aujourd’hui éculé, repris par de nombreux romans de SF bien plus fringants. Quant à la saveur d’eau de rose, elle est rapidement insupportable !

LE MONDE PERDU, Conan Doyle






Le Monde Perdu (The Lost World, 1912 ; Robert Laffont, 1989). Il est toujours bon de revenir aux sources et de dévorer les aventures du Pr. Challenger au premier degré. Le personnage est truculent, caractériel, imbu de sa science, mais possède un cœur gros comme un ballon de rugby ! Et il prouvera sa fantastique découverte, face à un savant obtus – Summerlee -, un journaliste en mal d’exploit pour conquérir le cœur de sa belle – Edward Malone –, et un Lord aventureux - John Roxton-. On accompagnera les quatre compères dans un périple amazonien pour retrouver le plateau repéré lors d’une précédente expédition par Challenger, plateau où continueraient à vivre des créatures préhistoriques. Le cinéma s’est emparé de cette œuvre devenue légendaire dont le déroulement est archi connu. Mais il est agréable de retrouver la plume de Conan Doyle, à la fois pleine d’humour et truffée de précisions scientifiques. Une aventure comme je les aime qui se développe à une époque où la terre renfermait encore quelques (rares) régions inexplorées.
Il y a encore assez d'eaux vierges sur Le continent africain pour abreuver à satiété Les rêves des aventuriers et "les espoirs les plus fous des naturalistes. Gageons que le jour où, au cours d'une séance de l'académie des Sciences, un nouveau professeur Challenger pourra faire jaillir d'une boite un des dragons de cauchemar qui s'y dissimulent toujours, sa communication fera date dans les annales de la zoologie." (Bernard Heuvelmans).

MA VIE AVENTUREUSE, CONAN DOYLE




Memories and Adventures (1924, Ma vie aventureuse, Terre de Brume, 2003).  Une autobiographie qui se termine en 1906, après sa seconde défaite aux élections législatives. Cet ouvrage a été tellement « exploité » par les biographes de l’auteur qu’on a l’impression de l’avoir déjà lu. Je retiendrai de cette lecture :
° la grande modestie de Conan Doyle qui se considère comme ayant été un élève moyen, un médecin qui ne parvint pas à se faire une clientèle et un écrivain qui dû longtemps sucer sa plume ! Il a fallu que sa mère le pousse pour accepter d’être anobli en 1902, événement sur lequel il glisse discrètement.
° sa passion pour l’aventure, que ce soit ses expéditions maritimes comme médecin, sa visite au front du Soudan ou sa participation à la guerre des Boers. On sent le personnage palpiter, faire preuve d’ingéniosité pour améliorer le maniement des armes et se dévouer sans limite pour soigner les malades. Il poursuivra du reste son implication militaire, après la clôture de ce récit, durant la première Grande Guerre.
° son tourment sur fond d’angoisse pour les choses spirituelles. Il rejettera la tradition catholique dans laquelle il a été élevé pour se déclarer agnostique. Mais un agnosticisme qui le conduira à rechercher en permanence ce qu’il y a au-delà et devenir un spirite convaincu.