dimanche 25 octobre 2020

LA NEO GAZETTE FORTEENNE DANS CRITICA MASONICA

« La nouvelle gazette fortéenne » : numéro spécial anniversaire, les 60 ans du matin des magiciens

Publié par Rédac' sur 23 Octobre 2020, 21:34pm

Catégories : #Revues

Jean-Pierre Bacot

Comment mieux définir Charles Hoy Fort (1874-1932), grand spécialiste de l’insolite, que par une citation des premières lignes de l’article que Claude Arz lui consacre en avant-propos de cet imposant ouvrage : « Maudit, Charles Hoy Ford, fut un écrivain trois fois maudit. Maudit littéraire, car rejeté, évincé par la majorité des écrivains américains des années 1920, qualifié même de monstre ; maudit sur le plan de ses recherches, car traitant de  sujets tabous, marginaux, étranges ; exclu des recherches de la communauté scientifique ; maudit socialement, car il vécut reclus avec sa femme Anna, de manière modeste, dans de minuscules appartements  new-yorkais. »

Ce qui suit tente de regarder avec lucidité ce que l’on peut dire de ce monde imaginaire mis en mots et en image aux frontières du réel, soixante années après le début de ce que certains ont défini comme le moment Planète, c’est à dire, en un mot comme en cent, un incontestable volontarisme pour rétablir de l’imaginaire dans un paysage mental devenu globalement scientiste, dans une logique de réenchantement. L’analyse du parcours est intéressante, puisqu’il s’agit de savoir, le monde de la science ayant évolué, ce que sont aujourd’hui les nouvelles marges de la réalité scientifiquement vérifiable pour y appliquer à nouveaux frais la démarche fortéenne sur la base d’un doute quasi systématique.

Philippe Marlin, grand ordonnateur de cette nébuleuse, par son triple talent d’écrivant, organisateur et éditeur, propose un premier article de la première partie, le dossier « Réalisme fantastique » sur les long demi-siècles qui nous amène du Printemps des magiciens aux Magiciens d’un nouveau siècle. Il nous propose entre autres un très utile parcours bibliographique quasi exhaustif.

Rémy Boyer s’attaque ensuite à un thème qui ravira les maçons spiritualistes, sans préjudice d’autres amateurs du genre : « Le matin de magiciens et le sujet de l’initiation ». Sujet en effet inépuisable… Suit une contribution de Lauric Guillaud sur le polar ésotérique, qualifié de « nouveau Matin des magiciens ». Il s’est en effet développé ces dernières années, entre autres variantes, des polars maçonniques, des polars marseillais, etc., qui ont enrichi de nombreux domaines et probablement élargi leur public.

Vient ensuite, par l’auteur de ces lignes, une tentative d’analyse de la place que tiennent les littératures de l’imaginaire dans l’actuel paysage des croyances et convictions, deux termes qu’il ne faut pas confondre, dans le cadre d’un désenchantement qui s’effectue par paliers, les tentatives de réenchantement se reconfigurant à chaque étape. Il insiste sur ce que furent les stratégies éditoriales et la force d’imposition de l’imaginaire anglo-saxon.

Pour clore cette première partie, Luis Pellegrini retrace l’histoire d’un périodique brésilien, Planeta, déclinaison lusophone du modèle français, article repris, car écrit en 2012 qui concerne les 40 années d’une revue qui vient de mettre fin à son édition papier.

La deuxième partie est consacrée aux nouveaux territoires fortéens, avec d’abord une entrevue avec Romuald Leterrier par Emmanuel Thibault : « Similitudes entre les expériences d’enlèvements extra-terrestres et les visions chamanistes sous ayahuasca », plante hallucinogène. Cet ethnobotaniste émet quelques hypothèses où la fameuse « mémoire de l’eau » reprend force et vigueur.

Emmanuel Thibault, s’interroge ensuite sur le statut des agents non humains. Endogénie, exogénie. Cette réflexion élargit la question de l’altérité, déjà fort compliquée entre humains. Qu’en serait-il au cas où un ou une extraterrestre se présenterait ? Cet aspect est traité dans l’article suivant où Claude Arz se demande quel pourrait être lors le statut juridique des personnages en question.

La troisième et dernière partie fait retour aux fondamentaux du fortéanisme, en commençant par les near death experiences (les NDE), sensations de mort imminente, considérées par Jean-Michel Kiat comme le reflet d’un questionnement que certains inscrivent dans une dimension métaphysique.

On lira à la suite une entrevue avec Edwin May, ancien directeur du projet Stargate, programme d’espionnage parapsychologique américain. Elle a été menée en 2017 par Geneviève Béduneau et Emmanuel Thibault. Un article de Béduneau « Le processus de conscience et l’Imaginaire masqué » complète cette partie, suivi d’un très intéressant papier du sociologue Jean-Bruno Renard qui traite des Crop circles, aujourd’hui supposées traces d’atterrissage de soucoupes volantes. Il considère ce thème comme accompagnant depuis les années 1860 l’essor du spiritisme, avec des cercles divers et variés supposés magiques, même si c’est à partir de 1980 que les extra-terrestres furent à ce propos convoqués.

Une autre spécialiste, anthropologue, Véronique Campion-Vincent, est ensuite interrogée par Petr Janecek qui définit son parcours et sa méthodologie. Emmanuel Thibault termine cet ouvrage copieux par une étude sur la permanence de l’imaginaire des rites de fertilité en Europe, « entre chamanisme et sorcellerie».

On comprendra que Philippe Marlin, qui se définit comme « un enfant de Planète » et dont le parcours a été retracé sous ce titre en novembre 2019 dans un ouvrage de L’Oeil du Sphinx, où il est longuement interrogé par Claude Arz, n’a pas posé son sac, ni ses outils d’arpenteur.

Avec la réalité aujourd’hui masquée, l’affaire devrait rebondir. Et il ne s’agit pas là d’une plaisanterie, puisque le prochain numéro, qui s’annonce passionnant, traitera des approches écologistes et de leur aspect parfois « collapsophique ». Serons-nous déjà, quand il sortira, dans l’ère post-covidienne ? Espérons-le.

 

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