jeudi 22 octobre 2020

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LOVECRAFT, LE CONTEUR DES TENEBRES, Frank Belknap Long

 


 

H. P. Lovecraft, le conteur des ténèbres (Encrage, 1987) est la traduction de Howard Phillips Lovecraft, Dreamer on the Nightside, paru chez Arkham House en 1975. Malgré quelques piques de S.T. Joshi reprochant à l’auteur d’avoir parfois mauvaise mémoire (cf 1975), cet ouvrage est remarquable. Ce n’est en effet pas une biographie classique, mais une collection de souvenirs classés par thèmes ou par époques. Et qui mieux que Long pouvait réaliser ce travail : du début des années 20 jusqu’à sa mort, j’ai échangé avec lui une volumineuse correspondance et je l’ai rencontré ou lui ai parlé longuement au moins cinq cent fois : à New York, à Providence et dans les villes côtières qui offrent tant d’intérêt historique et archéologique. Et de fait, c’est un personnage plein de vie qu’il nous restitue, nous faisant partager son étonnant magnétisme, nourri par une érudition folle, des principes bien arrêtés mais aussi une grande modestie. Les récits des réunions du « Kalem Club » sont hautes en couleur, quelles soient accompagnées de délicieux petits plats (chez Sonia) ou de nourritures plus spartiates (chez Long). L’auteur s’interroge longuement sur le puritanisme de Lovecraft et pense que le fiasco de son mariage est la conséquence des difficultés financières du couple et n’a rien à voir avec d’obscures raisons sexuelles. Il voit par ailleurs dans l’étiquette de racisme collée à l’auteur un phénomène qui ressort surtout de « l’ait du temps », la supériorité de la culture aryenne étant acceptée comme un état de fait par une majorité écrasante de ses contemporains, et d’ajouter : jamais je ne l’ai entendu proférer une remarque désobligeante à l’encontre d’une minorité ethnique que ce soit. En fait, et de citer le professeur de psychologie Harry K. Brobst, en tant qu’admirateur du XVIII ème siècle et des traditions de la Nouvelle-Angleterre, il s’offensait de la destruction des sites architecturaux du passé par des immigrants pour lesquels ceci ne représentait pas grand-chose.

Long consacre par ailleurs un long développement à un sujet souvent porté à ébullition, celui du « matérialisme ésotérique » de Lovecraft. Que les choses soient claires : Lovecraft était un matérialiste scientifique extrême. Il ne ressentait aucune attirance pour tout ce qui contredisait les lois en vigueur de la biochimie ou de l’astronomie moderne sur la nature de l’Univers ou sur la vie sur cette planète. S’autoriser à croire à des opinions contraires, même pour un instant, tandis qu’il explorait quelque imaginaire Caverne des Archétypes, lui aurait semblé tout à fait impossible. Et de préciser que pour lui le Mythe de Cthulhu était un concept artistique, et rien d’autre. Mais, en tant que concept artistique, il était d’une importance suprême pour Lovecraft, car celui-ci croyait tout à fait possible qu’il existe quelque chose de merveilleux qui dépasse l’entendement dans la vie rêvée de l’humanité…. On voit poindre ici l’ambiguïté : Dans le Mythe, il existe peut-être d’autres réalités par-delà ce que nous connaissons, un quelconque royaume d’une temporalité éternelle au sein de laquelle de vastes et mystérieuses formes bougent et qui précèdent de trillions d’années la formation de l’univers des étoiles.

 

Ajoutons pour conclure que cette édition est introduite par une préface de Robert Bloch fort intéressante et complété par un riche dossier documentaires (photos, lettres..)


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