Le Molosse
(The Hound, 1922, Weird Tales 1924) est une nouvelle importante dans la
création du « Mythe ». C’est en effet dans ce texte, fort court au
demeurant, que le Necronomicon va
faire son apparition officielle. En 1922, alors qu’il séjournait à New York
chez Sonia Greene, sa future épouse, l’auteur visita le vieux cimetière
hollandais de Flatbush (Brooklyn), visite qui le marqua profondément et dont il
s’inspira pour sa nouvelle.
Il s’agit du récit d’un illustre anonyme qui,
avec son ami Saint John, collectionne dans les sous-sols de sa vieille demeure
des choses répugnantes : cadavres, momies, sculptures diaboliques etc.
Lovecraft les décrit comme deux dilettantes, esthètes du macabre. Ils se
rendent en Hollande, dans un cimetière lugubre qui aurait abrité une goule. Profanant
la tombe, ils y trouvent un squelette bien conservé et une mystérieuse amulette
qu’ils s’empressent de subtiliser
Mais nous y reconnûmes, nous, tout de
suite, la chose dont il est question dans le Necronomicon, l’ouvrage interdit de
l’Arabe fou, Abdul Alhazred, le symbole spirituel et spectral du culte
nécrophage de l’inaccessible Leng, au cœur de l’Asie Centrale.
« [1]Lovecraft
nous apprend ici qu’Abdul Alhazred fut un démonologue, dont les sombres écrits
lui furent chuchotés par des manifestations spirituelles. Le Nécronomicon
se présente alors comme l’antithèse des livres saints, non pas dicté par la
parole divine mais par des êtres maléfiques ou des forces surnaturelles. Le
plateau de Leng, région fictive d’Asie centrale, renforce la crédulité du
lecteur, qui ne sait si Lovecraft se réfère à une véritable région géographique
mystérieuse ou à une pure invention. Cette région mystérieuse, berceau de
cultes ancestraux et occultes, apparaît pour la première fois dans Celephaïs (1920). Lovecraft y fera à
nouveau référence dans de nombreux autres textes. Ainsi dans La Quête onirique de Kadath l’inconnue,
il s’agit d’une région accessible par les rêves de Randolf Carter, tandis que
dans Les Montagnes Hallucinées, les
scientifiques de l’expédition Miskatonic supposent l’avoir découverte en plein
cœur de l’Antarctique. Toujours est-il que les cultes de Leng ainsi que leurs
significations sont largement documentés dans l’ouvrage de l’Arabe fou, et que
nos deux dilettantes anglais n’ont de cesse de se référer au vieux
grimoire :
Nous interrogions souvent le Necronomicon
d’Alhazred pour y découvrir ses propriétés particulières, en même temps que les
rapports entre les âmes des fantômes et les objets qu’elle symbolisait ;
et ce que nous découvrions n’était pas sans nous inquiéter.
De retour en Angleterre, nos deux comparses vont
progressivement s’enfoncer dans l’horreur : bruits affreux, grognements
effrayants, aboiements terrifiants autour de leur manoir. Saint John en fera
les frais, et son ami retrouvera son cadavre déchiqueté. Pris de panique, il
retournera en Hollande pour restituer l’amulette maudite à « son
propriétaire », démarche qu’il ne pourra mener à bien, se faisant voler la
précieuse relique. Ce qui ne l’empêchera pas de retourner au cimetière et de rouvrir
la tombe pour y découvrir non plus un squelette, mais une créature
sanguinolente qui s’agite. Il se suicidera suite à cette vision.
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