La Musique d’Erich Zann (1921, in National Amateur 1922 & Weird Tales
1925)
J’ai examiné des plans de la ville avec
le plus grand soin, et pourtant, je n’ai jamais pu retrouver la rue d’Auseil.
Je n’ai pas seulement parcouru des cartes récentes, car je sais que les noms de
rues changent avec le temps. Je me suis au contraire plongé dans l’histoire de
ces lieux, et j’ai exploré chaque recoin dont le nom aurait pu rappeler celui
de la rue d’Auseil. Malgré tous mes efforts, je garde un souvenir amer de
n’avoir pas su retrouver la maison, la rue, ni même le quartier où, sans le
sou, j’ai habité pendant mes derniers derniers mois d’études de métaphysique à
l’université. C’est dans la rue d’Auseil que j’ai entendu la musique d’Erich
Zann. Le narrateur, jeune étudiant en
métaphysique, a pourtant passé quelque temps dans cette petite rue imaginaire
de Paris, dans une mansarde dont le dernier étage était occupé par Erich Zann.
Un musicien muet, employé le jour dans un théâtre-cabaret, et joueur de viole
dans son appartement la nuit. Là, dans le
petit couloir, devant la porte barrée et le trou de serrure masqué, j’ai
entendu souvent ces sons qui me remplissaient d’une terreur indéfinissable – la
terreur d’une vague merveille et d’un mystère rêveur. Ce n’était pas que ces
sons soient affreux, non, ils ne l’étaient certes pas ; mais ce qu’ils
entretenaient de vibrations n’appartenait à rien qu’on puisse relier sur la
terre, et à certains intervalles ils atteignaient une qualité symphonique qu’on
pouvait difficilement concevoir être produite par un seul
interprète.
L’étudiant
est fasciné par l’étrange beauté de sa musique, et, avec difficultés, finit par
entrer en contact avec l’artiste. La fenêtre de sa pièce de travail est
toujours soigneusement fermée et interdiction est faite à son visiteur de
tenter de l’ouvrir. Il lui explique que ses mélodies visent à empêcher Ceux du
Dehors de pénétrer dans notre monde. Une nuit, et après une symphonie particulièrement
terrifiante, l’étudiant monte chez son voisin. La pièce est vide et la fenêtre
ouverte. Celle-ci donne sur les étoiles.
Une
belle nouvelle, très poétique, que Lovecraft considérait du reste comme son
meilleur texte. La critique, notamment celle de S.T. Joshi, sera plus réservée,
reprochant à ce texte son manque de cohérence. Bergier, pour sa part
enthousiasme, aurait demandé à Lovecraft comment il avait visité Paris.
Celui-ci lui aurait répondu « en rêve ». (In Planète no 1). Cette correspondance est sujette à caution !
Le
texte a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Marc Thomas, dans
le cadre de son cursus universitaire (La
Transition d’Ulrich Zann, film noir et blanc de 15 minutes, 1996).
Voir aussi : La musique d'Erich Zann
"La Transition d'Ulrich Zann" a été réalisé dans le cadre de l'IDHEC (Fémis aujourd'hui) en 1988. Signé, l'auteur lui-même ! www.marccharley.com
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