Lovecraft, indicible hommage
Hier, nous célébrions le 76éme anniversaire de la disparition d’Howard Phillips Lovecraft, l’un des écrivains majeurs du Xxéme siècle, et certainement le plus influent. Vous ne le connaissez pas ? C’est presque normal, mais nous sommes là pour ça…
La mort de Lovecraft
Peut on juger un homme à la manière dont
il meurt ? Pour Lovecraft, certainement, tant sa disparition a
ressemblé à sa vie : en gentleman. Lorsque son médecin le visite, mi
février 1937, il découvre l’écrivain famélique, dans sa baignoire, seul
moyen pour lui de soulager les douleurs aux ventres qui le rongent. L’on
n’a jamais vraiment su pourquoi Lovecraft avait tant tardé à requérir
aux secours de la médecine, certains pensent que c’est par manque de
moyens, d’autres parce qu’il n’estimait pas nécessaire de déranger un
médecin pour des troubles intestinaux.
Transporté à l’hôpital, Lovecraft y
mourra un mois plus tard, du cancer de l’intestin qu’on lui avait
diagnostiqué. Interrogés par des amis, le personnel de l’hôpital,
particulièrement les infirmières, se souviendront d’un homme qui n’a
jamais cessé d’être courtois, d’une exquise politesse, alors même qu’il
endurait des souffrances abominables.
Ainsi mourut Lovecraft, écrivain
miséreux pour magazines bons marchés, qui ne daignaient pas souvent le
payer, et ainsi eût il dù disparaître s’il n’avait été entouré
d’admirateurs qui surent reconnaitre son génie.
Une œuvre au destin singulier
Dernier survivant de sa lignée, une
famille issue des premiers colons, ruinée. Il verra son père hospitalisé
dans un asile d’aliénés, rendu dément par la syphilis. Dès lors, sa
mère, ses deux tantes et son grand père se chargeront de son éducation.
De constitution faible, Lovecraft
compense sa fragilité physique par une intelligence exceptionnelle,
adossée à une mémoire qui ne l’est pas moins. A trois ans, il lit
couramment et apprend par cœur des poèmes, a huit ans, il dévore les
livres de science et d’astrologie. La mort de son grand père, et la
mauvaise gestion du fond de celui-ci, laisse la famille presque sans le
sou. Encouragé par quelques directeurs de magazines avec qui il
correspondait, il publie sa première nouvelle, « Dagon ».
Le reclus de Providence, qui vit
quasiment en ermite, reçoit alors un abondant courrier, auquel il
répond. Il ne cessera toute sa vie d’être le correspondant assidu de
jeunes admirateurs qu’il encouragera à écrire. Parmi eux, Robert Howard,
créateur de « Conan le Barbare », ou le jeune Robert Bloch, qui ne sait pas encore qu’un fait divers l’inspirera pour écrire un roman, « Psychose », qui sera adapté au cinéma et considéré comme le meilleur film d’Alfred Hitchock.
Mais Lovecraft continue aussi d’écrire,
des nouvelles principalement, quelques poèmes, des essais, qui seront
uniquement publiés dans les Pulps, des magazines bons marchés pour
amateurs d’horreur, parmi lesquels le magazine Weird Tales,
devenu mythique. Jamais il ne verra ses histoires compilées en livre.
Les rédacteurs en chef de certains magazines omettent souvent de la
payer, et lui ne les relance pas, trop bien élevé qu’il est : un
gentleman ne s’abaisse jamais à demander de l’argent.
Le mythe de Cthulhu
De cette œuvre, il reste quelques
milliers de pages, des nouvelles et un seul roman, dont certaines
constituent le Mythe de Cthulhu, du nom d’une créature, membre du
panthéon de divinités extra-terrestres essayant sans relâche d’asservir
l’humanité. Le nom du mythe vient de la nouvelle « L’Appel de Cthulhu », la plus connue des admirateurs, et sans doute la plus représentative du style Lovecraftien.
Style qui n’est pas sans défauts :
lourd, emphatique, prévisible, Lovecraft est plus en quête d’efficacité
que de style, et surtout se refuse à toute surprise. Pour ses
détracteurs, ses nouvelles se résument à une litanie d’horreurs « Indicibles »
laissées à l’imagination, à des sectes et des complots. Il faut
reconnaître que, dès la première phrase, l’on sait si le personnage
principal a fini mort ou fou. Pas de fin heureuse, chez Lovecraft : on
ne fait que repousser l’inéluctable, le retour des Grands Anciens.
Mais comment, pour l’amateur de lecture, ne pas rêver des livres maudits dans des bibliothèques interdites, le De Vermiis Misteriis ou le fabuleux Nécronomicon,
écrit par un arabe dément qui finit dévoré vivant par des chiens
invisibles sur la place de Bagdad ? Un livre qui rend fou toute personne
qui le lit.
Pour rendre hommage à Lovecraft, rien de
tel qu’une énumération des personnes qui le revendiquent pour leur
maître spirituel : Stephen King, Neil Gaiman, Robert Bloch, Alan Moore,
John Carpenter, Stuart Gordon, Guillermo del Toro, Junji Itō, H. R.
Giger… Mais aussi ceux qui le citent sans s’en rendre compte ou sans
s’en réclamer ouvertement, même si ils lui ont consacré une biographie.
Ainsi, chaque idée de Michel Houellebecq vient de Lovecraft. D’autres
noms, comme Borges ou Joyce Carol Oates, y font des références appuyées.
Le lecteur attentif qui découvre
aujourd’hui Lovecraft sera saisi d’un sentiment mêlé : d’un côté, la
sensation de n’avoir jamais rien lu de pareil auparavant, et d’un autre,
la familiarité avec un univers abondamment cité dans l’art, sous toutes
ses formes, depuis 76 ans.
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