dimanche 30 juillet 2023

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UN ECLAIR DANS LA NUIT, Serge Hutin


 


Une lecture superficielle ferait immédiatement penser à l’un de ces innombrables romans médiocres d’espionnage des années 60. Mais Un éclair dans la nuit de Serge Hutin (Energeia 2023) est bien autre chose que cela. D’abord, parce qu’il s’agit du seul (vrai) roman écrit par Serge et retrouvé… 25 ans après sa disparition. Ensuite parce que l’enveloppe « roman d’espionnage » n’est qu’un prétexte pour exorciser le grand drame de la vie de l’auteur, « un drame de l’occulte » comme le dirait le préfacier Roger Facon. Hutin avait déjà, à plusieurs reprises, évoqué cette affaire dans plusieurs livres. Dans L'Amour magique, il évoquait la femme avec laquelle il avait partagé, selon ses dires, deux mois d'un bonheur total avant que la mort ne mette fin à cette idylle. Il revient sur cette jeune femme dans son livre sur Les Sociétés secrètes en Chine, paru chez Laffont en 1976. Elle était niçoise, s'appelait Marie-Rose Baleron de Brauwer, et était "l'une des rares femmes à occuper en France des responsabilités importantes dans le contre-espionnage". " Chef de division au ministère français de l'Intérieur », elle mourut le 27 octobre 1972 dans une assez mystérieuse catastrophe aérienne".

Cette affaire a donné lieu à de nombreuses interrogations. Pourquoi le Viscount d’Air Inter qui allait se poser à Clermont-Ferrand, aéroport de destination, a-t-il fait demi-tour pour s’écraser sur une petite montagne ? Marie-Rose Baleron, commissaire à la DST de Nice, transportait-elle des documents sensibles ? Était-elle effectivement conviée à une réunion de l’AMORC qui devait se tenir le lendemain ? Faisait-elle effectivement partie de cette société initiatique ?[1]

Serge Hutin reprend ces éléments, les jette dans un grand chapeau, secoue le tout et en ressort un petit roman très touchant, en modifiant à peine les identités des participants. La belle commissaire n’est ici pas morte, mais a pris le maquis pendant plus d’un an après l’accident pour ne pas être retrouvée. On imagine sans peine la tête de l’amoureux esseulé face à la découverte de cette « résurrection » Elle transportait des documents convoités par de nombreuses agences de renseignement faisant état d’une technique pour fabriquer de l’or, facilement et à bon marché. Était plus particulièrement sur la piste un certain Ordre Noir, résurgence d’un mouvement de triste mémoire. L’exploitation de ce procédé leur aurait permis de « faire sauter » la finance mondiale et ainsi prendre leur revanche sur la défaite de 1945. Les manœuvres des « méchants » seront bien sûr déjouées et les deux amants pourront enfin entamer une lune de miel bien méritée, au rythme de palaces de rêve, detrains de luxe, de bars feutrés et de tables gastronomiques.

Un beau roman d’amour.



[1] Lu sur le site « Les intervenants actuels de Rennes-le-Château » : Dans son dernier roman -qui est plutôt une nouvelle- : « La seconde vie du commissaire Marie-Ange Sauneron » (édité en 1998 par Alpha International dont il était Président d’honneur), Serge Hutin nous donne un précieux indice : « Elle venait d’établir un rapport détaillé sur les redoutables infiltrations néo-nazies, en France principalement mais en d’autres pays aussi, dont en tout premier lieu l’Italie, sous le couvert d’une organisation fraternelle apparemment anodine se présentant comme l’authentique Ordre du Temple resurgi miraculeusement de ses cendres et appelé à régénérer l’Occident. » S’agirait-il de l’Ordre Rénové du Temple créé en 1968 par Raymond Bernard ?

samedi 22 juillet 2023

LES PEINTRES DE BOURIGEOLE


 

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE DEMON DU CREPUSCULE, François Lange


 

Pas facile de changer de registre. François Lange nous avait habitué à des polars historiques, certes souvent empreints de soufre, mais il restait dans un univers rationnel dans lequel on finissait par trouver ses repères. Avec Le Démon du Crépuscule (Palémon 2023), il abandonne sa démarche habituelle pour nous plonger dans l’univers d’un occultisme foisonnant qui n’est pas sans évoquer la patte d’Aleister Crowley. Nous sommes toujours en Bretagne, dans la région de Locronan, et notre enquêteur a abandonné l’uniforme de la police du Second Empire pour le costume, plus sage, d’un jeune journaliste travaillant pour un magazine contemporain de psychologie. Et Thomas Salaün, c’est son nom, a pour première mission un morceau de choix : faire la lumière sur un étrange météorite s’évanouissant dans la forêt alors que plusieurs enfants se retrouvent avec des… morsures d’âne. Et pour corser le tout, cet étrange phénomène se serait déjà produit au même endroit dans le passé, la dernière fois en 1955. On ne saura pas très bien quel est le but de ce bourricot satanique, mais il est évident qu’il est piloté par un magicien noir qui n’a pas suffisamment potassé les rituels de protection contre les Grands Anciens. Et pourtant nous voguons au sein de manuscrits aux titres prometteurs (Le Livre des Arcanes Maudits), nous avons droit à de mini-planches de symbolisme celtisant, à de rassurants commentaires sur les avenantes bestioles qui peuplent l’astral et à une belle collection d’artefacts magiques (médaille, miroir, épée) toujours utiles. Malgré ce climat de terreur cosmique, Thomas, comme son vieux prédécesseur de Fanch’, apprécie le pot au feu breton et les bolognaises bien baveuses, tout en courtisan les quilles gouleyantes extraites de caves méphitiques.

Voilà un petit gars qui pourrait faire une belle carrière s’il prenait un peu d’épaisseur et si, oubliant un moment ses traités de psychologie, il trouvait le temps de s’investir de temps à autre dans des ouvrages indispensables comme Le Livre de la Loi de Maître Thérion.

 


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samedi 8 juillet 2023