La Champagne, berceau des templiers
Publié le dimanche 12 août 2012 à 11H00 - Vu
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Trésor. Les Champenois dont le premier templier, Hugues de Payns, ont non seulement été de toutes les croisades mais ils sont à l'origine de l'ordre du Temple. Exterminés il y a tout juste sept siècles, les moines chevaliers exercent encore aujourd'hui une fascination bien vivace. Pour preuve, le succès de l'exposition remarquable qui commémore à Troyes la dissolution de l'ordre en 1312 et lève quelques voiles sur la naissance en Champagne et le fabuleux destin des templiers. Non il n'y a pas de trésor des templiers et si trésor il y a, il réside dans la somme des reliques, manuscrits, objets et vestiges qui sont parvenus jusqu'à nous. L'exposition exceptionnelle de Troyes en a réuni une cinquantaine, quelques merveilles dont les 708 deniers d'argent de la commanderie auboise de Payns ou le rouleau de 22 mètres qui consigne les dépositions de 138 templiers dans les actes du procès. Une pièce unique quasiment jamais sortie des archives nationales. L'exposition invite à découvrir ou redécouvrir l'ordre mythique du Temple né (le sait-on ?) en Champagne et incite à partir sur la trace des moines soldats dans les commanderies dont les vestiges ont traversé les siècles. Elles sont les témoins inestimables de ce que furent véritablement ces hommes de guerre et de foi embarqués au cœur du Moyen Âge dans l'aventure de l'Orient pour la défense de la Terre Sainte et du tombeau du Christ à Jérusalem. A l'origine d'un réseau sans précédent de commanderies disséminées dans toute l'Europe médiévale, les templiers auraient accumulé des richesses considérables, terres, bois, étangs, moulins… une fortune essentielle au soutien des croisades mais qui a fini par déclencher la convoitise du roi de France lui-même. Philippe le Bel fut acharné à détruire ce contre-pouvoir devenu beaucoup trop influent. Que serait devenu un trésor amassé au quotidien du labeur des servants portant la tunique de bure noire et non pas blanche à croix rouge comme celle des chevaliers combattants ? Tiré du labeur des champs et des bois, il fut sans doute aussi vite englouti par les besoins impérieux des guerres menées pour le salut de la chrétienté. Il reste pourtant nombre de chasseurs de trésor convaincus que la fortune est encore à la pointe de leur pioche à Rennes-le-Château dans l'Aude, à Gisors dans l'Eure ou encore dans la forêt d'Orient à l'est de Troyes. Si la légende du trésor des Templiers demeure, elle est d'emblée évacuée dès les premières vitrines de l'exposition présentée par le conseil général et les archives départementales de l'Aube jusqu'à la fin du mois d'octobre.
Mythes et réalité
« Dès qu'on évoque les Templiers, c'est le mythe qui prévaut, sourit Nicolas Dohrmann, conservateur du patrimoine, directeur des archives départementales de l'Aube, commissaire général de l'exposition. Il y a le supposé trésor évidemment et puis la malédiction. » Les chroniqueurs ont rapporté en effet les ultimes paroles que le dernier grand maître Jacques de Molay aurait hurlé sur le bûcher, menaçant le roi et le pape du tribunal de Dieu. La légende des rois maudits et le feuilleton télévisé ont fait le reste. « Nous sommes donc partis de la symbolique et de l'imaginaire pour démonter la fiction avant d'entrer dans la réalité historique. » Aucun trésor ne sera sans doute jamais exhumé en dehors des 708 deniers d'argent des XIIe et XIIIe siècles trouvés en 1998 sur le site de la commanderie de Payns par Bernard Delacourt. Autre témoin émouvant de l'histoire des templiers, cet éperon de chevalier provenant de la commanderie d'Avalleur. Mais ni or ni bijoux précieux qui auraient été enfouis sous le donjon du château de Gisors et encore moins dans la forêt d'Orient simplement située à l'est de Troyes et qui n'a jamais appartenu aux templiers. Mais au titre du trésor qui nous reste, il faut aller voir les objets rassemblés comme ces pichets provenant de la commanderie d'Avalleur à Bar-sur-Seine ou cette épée de fer dénichée dans un tombeau où elle a été magnifiquement conservée sous le manteau blanc à croix rouge d'un valeureux chevalier. Quant à la malédiction, si elle concernait aussi Guillaume de Nogaret qui avait mené le gigantesque coup de filet et les interrogatoires des templiers avouant sous la torture hérésie et même sodomie, il était déjà mort quand elle aurait été prononcée par Jacques de Molay.
Le destin d'un Champenois
L'ordre du Temple est bien né dans notre région au XIIe siècle grâce au soutien d'Hugues de Champagne, souverain du comté le plus puissant d'Occident. Il avait emmené en pèlerinage sur le tombeau du Christ l'un de ses vassaux, Hugues de Payns, petit noble à qui il donna la terre de Payns à deux pas de Troyes, par un beau mariage. La défense du tombeau du Christ et la protection des pèlerins, fut la destinée du seigneur de Payns. Il fut le fondateur et le premier grand maître du Temple, le premier recruteur de chevaliers, engrangeur de dons en terres et en revenus et le premier organisateur de ce fameux réseau des commanderies dans l'Europe entière. C'est son parent, Bernard de Clairvaux personnalité majeure du concile de Troyes qui en promulguant la règle de l'ordre du Temple avec l'aval du pape, donna à ces moines soldats le permis de tuer. L'exposition met en évidence le rôle prépondérant des Champenois dans l'histoire des templiers. « Dans toutes les croisades, on compte 30 à 40 % de Champenois parmi les templiers et les croisés », rappelle Nicolas Dohrmann.
Si les hospitaliers, membres de l'ordre religieux contemporain et rival, ont occupé après la dissolution du Temple les commanderies templières, ils n'ont trouvé ni trésor, ni traces d'un secret original arraché au temple de Salomon. Mais la légende était née et on se plaît plus que jamais à l'entretenir.
Dossier : Françoise Kunzé
fkunze@journal-lunion.fr
Photos : Christian Lantenois
Les légendes ont la vie dure
Publié le dimanche 12 août 2012 à 11H00 - Vu
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La légende des templiers continue d'alimenter l'imaginaire des auteurs de livres, de films ou de bandes dessinées et même de manga ou de jeux vidéo. On peut citer le succès du Da Vinci Code de Dan Brown, ou les ouvrages de Raymond Khoury. La vie de ces valeureux chevaliers dont on oublie souvent qu'ils furent aussi des moines soumis
à une règle stricte les contraignant à la chasteté à vie, à la pauvreté et à l'obéissance, ne pouvait être gérée librement. Ils étaient sous la surveillance constante de
la communauté que ce soit sur les champs de bataille ou dans les commanderies où ils finissaient souvent leur vie d'ascète entre prières et gestion des biens destinés à nourrir la boulimique et sanglante bataille de l'Orient.
Les sectes ou sociétés supposées secrètes qui ont voulu leur succéder ont entretenu les mythes qui ont toujours entouré une organisation aussi parfaite et sans faille. Nul chevalier n'a pu déroger à la règle de l'ordre du Temple qui a compté jusqu'à 680 articles adaptant au fil des décennies les préceptes du cistercien champenois Bernard de Clairvaux.
La dissolution de l'ordre il y a tout juste 700 ans a été précédée d'une vaste campagne de dénigrement au sein de la population facilement attentive aux accusations d'hérésie, de concupiscence, de captation de fabuleuses richesses. Les rumeurs d'avarice et de cupidité ont vite fait oublier la vocation de pauvreté et d'humilité des templiers et contribué à la légende du trésor. Si trésor
il y eut, où aurait-il été dissimulé ? La question est restée sans réponse. Trois sites ont été privilégiés par les passionnés armés de poêles à frire. Le premier fut le château de Gisors. Forteresse féodale anglaise dominant la Seine, il fut confié à la garde du Temple mais très peu de temps avant qu'Henri II ne le récupère. Jacques de Molay le dernier grand maître y fut enfermé. Comment un trésor aurait-il pu y être caché ? Un employé municipal est même allé jusqu'à révéler qu'il avait déniché une crypte pleine de mystérieux coffres sous le donjon sans pouvoir les ouvrir. Il fut tellement persuasif dans son délire qu'André Malraux lui-même avait ordonné des fouilles qui furent évidemment stériles.
Le second site adoré par les chasseurs de trésors et autres fans d'ésotérisme est l'église de l'abbé Saunière le curé
de Rennes-le-Château au XIXe siècle. Riche du jour au lendemain, il aurait retrouvé des parchemins et une pierre tombale de templier. Mais sa fortune soudaine proviendrait d'un trafic d'influences dénoncé par sa hiérarchie. Ce qui n'a empêché les passionnés de fouiller des années durant les deux sites jusqu'à ce que les autorités y mettent le holà.
La légende se nourrit aussi de la fameuse malédiction. On ne sait si Jacques de Molay l'a vraiment prononcée. Nul ne pourra jamais le vérifier mais il est vrai que les décès prématurés de ses tortionnaires à commencer par Philippe le Bel
et le pape
Clément V
ainsi que la descendance du roi ont contribué à l'avérer. Des siècles plus tard, des sectes et sociétés secrètes jusqu'à la franc-maçonnerie se sont réclamés du Temple, se disant héritiers des chevaliers détenteurs des secrets de la chrétienté dissimulés depuis la nuit des temps par l'Eglise et le Vatican. C'est le socle du Da Vinci code et avec sa liste des grands maîtres gardiens du fameux secret, dont Léonard de Vinci et Victor Hugo. Certains ont même imaginé que le trésor des templiers serait le corps du Christ qu'ils auraient découvert et mis à l'abri. On vit par la suite surgir d'autres chevaliers se réclamant des templiers jusqu'aux déviances sectaires tragiques. Ce ne sont que mystifications.
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