Présence de la Tradition primordiale par Paul-Georges Sansonetti. L’œil du
Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
C’est
toujours une joie de retrouver l’écriture et l’érudition de Paul-Georges
Sansonetti dans des explorations aussi passionnantes qu’audacieuses.
Paul-Georges Sansonetti s’inscrit cette fois dans le paradigme d’une Tradition
primordiale proposé par René Guénon, sans se laisser enfermer par la rigidité
apparente de la pensée guénonienne qu’il résume dans son
introduction :
« Pour
Guénon, mais aussi pour plusieurs essayistes s’inscrivant dans la même mouvance
(tels que Pierre Gordon, Gaston Georgel ou Julius Evola), l’Humanité connut une
« descente involutive » qu’explicite la doctrine dite des
« quatre Âges » (rythmant le cycle) présente dans plusieurs grandes
civilisations (l’Inde védique, l’Iran mazdéen, la Grèce d’Hésiode, entre autres
exemples). On apprend qu’au cours de la succession des Âges les êtres perdirent
progressivement les prodigieuses capacités qu’ils possédaient. D’où, autre
composante de la Tradition primordiale, l’éloignement puis l’occultation (mais
non pas la disparition) du Centre suprême. Alors, en compensation, par des
mythes, des légendes, voire des procédés divers (tels que l’alchimie, la
transmission initiatique, le Tarot ou encore diverses formes d’ascèse)
qu’accompagne tout un symbolisme à caractère (presque) universel, fut élaborée
une mise en mémoire – souvent cryptée – de cette formidable origine avec pour
défi de la réintégrer. »
La grande
originalité des recherches de Paul-Georges Sansonetti est de rechercher les
mythes et mythèmes exprimant cette Tradition primordiale, aussi bien dans l’art
que dans la littérature ou encore le cinéma. A travers les civilisations
persiste l’idée d’une île, d’un centre premier à la fois inaccessible et
présent. Nombre d’écrivains, peintres, cinéastes furent saisis par cette trace
indélébile dans la conscience ou en eurent le pressentiment puissant.
Le propos
de Paul-Georges Sansonetti débute avec Tolkien et sa Terre du Milieu. Le cadre
exemplaire dessiné par Tolkien lui permet d’aborder la question d’une
« anti-tradition » et d’une « contre-initiation », notions
guénoniennes très discutables parce que cristallisations dualistes mais qu’il
faut prendre en compte dans la structuration de la pensée de Guénon.
Paul-Georges Sansonetti prolonge le sujet par une étude du cryptage en Terre du
milieu, basé sur les runes anglo-saxonnes.
« …
les récits de Tolkien, dit-il encore, témoignent d’une immense nostalgie pour
une splendeur disparue dont le souvenir demeure en latence au plus profond de
notre mémoire, à la fois génétique et spirituelle d’Européens. »
Mais
d’autres auteurs sont invités dans ces pages par Paul-Georges Sansonetti,
notamment Edgar A. Poe et H.P. Lovecraft. Il s’attarde notamment sur l’intérêt
de ce dernier pour des géométries non euclidiennes et plus particulièrement les
angles :
« On
aura compris, écrit-il, que l’angle pourrait être une clef ouvrant une porte
mentale sur d’autres champs de conscience et, par conséquent, sur d’autres
perceptions du monde. »
Que cela
soit le Golem, Frankenstein, ou encore l’Eve future de Villiers de
l’Isle-Adam, parmi d’autres, nombre d’auteurs, dont Van Vogt avec la célèbre
trilogie des à ont
mis en garde contre les pièges prométhéens ou faustiens de la science fascinée
par l’immortalité, une immortalité artificielle prélude à la destruction. Tous
ces écrits, considérés comme fantastiques, prennent une densité singulière en
ce début de millénaire qui voit toutes ces propositions prendre forme concrète
par l’évolution technique.
L’ensemble
des textes rassemblés dans ce volume constitue une matière riche à penser. Les
croisements des mythèmes, des dynamiques et des référentiels offrent autant
d’opportunités d’autres regards sur des questions cruciales. Il ne s’agit
aucunement d’être en accord ou en désaccord, il s’agit seulement, peut-être
urgemment, d’explorer et de déterminer ce que nous voulons réellement.
La quête
polaire de Paul-Georges Sansonetti, placée sous le sceau de Philippe Lavastine,
dont nous ne pouvons que regretter qu’il reste dans l’ombre, est riche d’une
constellation d’objets à penser qui révèlent inlassablement le véritable sujet,
l’être en soi.
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