Historia Occultae n°11. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
La revue-livre Historia Occultae,
sous la direction avisée de Philippe Marlin et Emmanuel Thibault
démontre sa maturité avec cette onzième livraison de quatre cents pages
de très bon niveau, rassemblant des regards à la fois différents et
convergents.
Sommaire : Éditorial, par Emmanuel Thibault – Gwenc’hlan Le Scouëzec, Grand Druide de Bretagne par Claude Arz – Images du Dragon au temps de Chrétien de Troyes par Daniel Bordeaux – L’Homme de désir selon Louis-Claude de Saint-Martin par Christian de Caluwe – Le dandysme de Caïn par David Nadeau – Janus, le dieu du passage et de l’initiation par Joël Thomas – À quelles sources puiser pour vivifier le rite ? interview de Rémi Boyer – Quelques brèves réflexions sur la nature de la conscience par Emmanuel Thibault – Thriller ésotérique et mythologie par Geneviève Béduneau – Le Pendule de Foucault d’Umberto Eco, un anti polar ésotérique ? par Georges Bertin – Nouvelles hypothèses sur le cas Naundorff et l’affaire Louis XVII par Charles Novak – Soufisme, alchimie interne et Agartha, un lien traditionnel, interview de Ph. De Vos – Quand le modèle anthropologique du rite est bousculé par les faits, interview de Michael Houseman – Les musiques du chaos – 2 par Olivier Steing– Notes de lecture.
Plusieurs de ces contributions sont une opportunité de repenser la pratique initiatique et de la recentrer sur l’essentiel.
« Dans
le monde de l’ésotérisme, indique Emmanuel Thibault dans son éditorial,
il a toujours été essentiel de relier les pratiques et les théories qui
les soutiennent à une tradition, voire à un idéal d’absolu traditionnel
– la Tradition. Ce concept a souvent été interprété tant dans le sens
d’une tradition spirituelle primordiale qui aurait inspiré les
expressions que nous pouvons connaître jusqu’à aujourd’hui, mais aussi
dans le sens d’un accès intérieur et quasi mystique à la source de toute
expérience et toute connaissance spirituelle. Lorsqu’on s’intéresse aux
spiritualités et ritualités émergentes, cette inscription dans
l’histoire ne va pas totalement de soi, et elle prend un sens différent.
Il est important, par conséquent, de situer clairement l’apparition et
le développement de ces nouveaux concepts et de ces nouveaux mouvements
dans l’évolution de la pensée humaine. C’est une chose indispensable
pour pouvoir bien comprendre les motivations de ces émergences et le
rôle que celles-ci jouent socialement et surtout spirituellement. »
Dans
un autre domaine, le lecteur sera intéressé par la recherche fouillée
de Charles Novak sur le cas Naudorff, à la croisée de la politique, de
la spiritualité transgressive, de l’action des sociétés secrètes et des
services secrets.
Georges Bertin revient avec subtilité sur les intentions ou démonstrations d’Umberto Eco dans son Pendule de Foucault. Robert
Amadou considérait Eco, à l’époque de la parution de ce livre, comme
l’un des plus dangereux adversaires des mouvements initiatiques ou
ésotériques. Georges Bertin montre que c’est peut-être plus complexe :
« Pour
Eco, le roman adopte un point de vue herméneutique et il accepte que
l’interprétation que nous en faisons nous entraîne à nous demander ce
que l’auteur a réellement voulu dire ou « ce que l’Être dit par le langage »
sans pour autant admettre que la parole de l’Être – en nous et hors de
nous – ni qu’elle n’est définissable qu’à partir des pensées des
destinataires. Car un texte a la possibilité de susciter des
interprétations infinies ou indéfinies. Ainsi le Moyen Âge a toujours
recherché la pluralité de sens tout en s’en tenant à une notion rigide
du texte, théocratiquement orientée. La Renaissance – et ce n’est pas un
hasard si les références des personnages ont quelque chose à voir avec
cette période – inspirée de l’hermétisme néo-platonicien – , a tenté de
définir le texte idéal comme, écrit-il, « celui qui autorisait toutes
les interprétations possibles, jusqu’aux plus contradictoires ». C’est
exactement ce qu’Eco fait dans Le Pendule avec une incomparable
virtuosité qui laisse derrière lui bien des polars se réclamant du genre
ésotérique, au niveau de complexité plus ou moins construit, voire
mécanique dans certains cas. »
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