Même si la comparaison est oiseuse, Crowley
ne peut m’empêcher de me faire penser à Lovecraft. Ce n’est en effet que
post-mortem que ces deux personnages obtiendront reconnaissance et célébrité.
On ne retient habituellement de Crowley que
ses frasques sexuello-magiques. On sait plus rarement qu’il était également un
peintre de talent dont toutes les tentatives « d’exposition » ont
pratiquement échoué de son vivant. Londres en 1998 puis Paris en 2008
répareront cette lacune[1]. On ajoutera que l’exposition
parisienne a été reprise le temps d’un week-end au Center 548 à New-York (Night Mare Paintings, 2015)
Crowley découvrira les milieux artistiques à
Paris, en 1898, avec son amant de l’époque, le jeune peintre anglais Gerald
Kelly. Il fréquentera Auguste Rodin en 1907 puis fera ses premières armes au
pinceau à New York en 1918. Mais c’est en Sicile que son art prendra toute sa
dimension.
La manifestation au Palais de Tokyo était centrée sur les peintures
inconnues de Crowley. Celles-ci ont été découvertes, il y a quelques années,
par un particulier en Sicile et regroupées sous le nom de « collection de
Palerme », afin de préserver l’anonymat souhaité par l’inventeur.
L’ensemble est bien évidemment très marqué par la période Cefalù (1920-1923) et
sa fameuse abbaye de Thélème dont il avait décoré intégralement sa chambre – la
Chambre des Cauchemars – ainsi que partiellement d’autres pièces.
On peut classer l’œuvre de Crowley en trois
catégories : paysages, portraits et « magie ». C’est à cette
dernière catégorie qu’appartiennent trois planches qui préfigurent son jeu de
tarot, The Book of Toth, qu’il
réalisera de 1938 à 1943 avec l’artiste anglaise Frieda Harris.
Son style, très coloré, est fortement inspiré
de Gauguin. Il le définissait comme étant un Impressionnisme subconscient, travaillant plus par visions que par
création réfléchie.
Crowley aurait produit
environ 300 œuvres dont seule une petite partie nous est connue. Entre visions oniriques et hallucinations psychotropes,
utopie d'un paradis primitif, l'ensemble de l'œuvre de Crowley a influencé la
contre-culture autant que la musique pop.
Pour en revenir au Book of Toth, il en existe une
belle édition (en français) chez Urania (Tarot, miroir de l’âme, 1999).
Le manuel, très complet, est signé Gerd Ziegler. Crowley réalisera son tarot
dans la foulée de la publication de son ami Arthur Edward Waite (Rider Waite
Tarot), membre comme lui de la Golden Dawn. Il est intéressant de noter que
malgré ses talents picturaux, Crowley ne confectionnera que des esquisses,
confiant à l’artiste Frieda Harris le soin de la réalisation. Celle-ci
acceptera à condition que le commanditaire fût absent pendant l’exécution des
toiles et qu’il renonce à toute pratique de magie noire pendant son travail.
Crowley acceptera, pensant que ce dernier ne durerait que quelques mois. Frieda
Harris y consacrera en fait cinq années de sa vie (1938 à 1943).
Ce tarot fût publié pour la
première fois en 1969, après le décès de Crowley ainsi que de Lady Harris. Les
peintures originales de Crowley se trouvent actuellement à l'institut Warburg,
université de Londres. Crowley croyait que les atouts du tarot, ou Atus de
Tahuti, comprenait un système complet d'hiéroglyphes, qui représentaient la
totalité des énergies de l'univers. Il a recherché à reconstruire les atouts
grâce à une combinaison de l'astrologie et de l'Arbre de Vie avec dix sephiroth
et les vingt-deux voies de liaison. Les noms de quatre des arcanes majeurs, ou
"Atu", ont été changés ; l'arcane VIII l'ajustement a replacé la
justice, l'arcane XI la convoitise a remplacé la force, l'arcane XIV l'art a
remplacé la tempérance et XX l'aïon, ou l'éternité a remplacé le jugement.
Dans ce jeu de Tarot, on évolue
dans un monde presque surréaliste. Les couleurs y sont surprenantes, tout comme
le symbolisme, qui recouvre de multiples traditions et différentes disciplines
(comme la science et la philosophie).
Le Tarot de Toth est un classique
dans les jeux de Tarots modernes, il a été l’un des Tarots les plus populaires
durant de nombreuses années, il a connu de multiples éditions, il est paru sous
divers formats et il connut depuis sa première parution de nombreux éloges sur
sa beauté et sa facilité d’interprétation des lames. Il existe 3 formats de
cartes pour ce jeu : la version standard est la plus connue avec des cartes
d'une dimension de 7 x 11cm. La version de Luxe possède de grandes cartes de
9,5 x 14cm.
[1] Les Peintures inconnues
d’Aleister Crowley
(catalogue de l’exposition 2008 au Palais de Tokyo ; projet dirigé
par Marco Pasi ; Archè Milano, 2008).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire