05 décembre 2011
Devil's Blood : bon sang, un concert de tous les diables !
Que les choses soient claires : un show de Devil's Blood n'est pas un concert comme les autres. Que vous aimiez ou pas, vous vous en souviendrez toute votre vie ! Tout simplement parce que le groupe néerlandais, féru d'occultisme, en fait une vraie célébration mystique et même, n'ayons pas peur des mots, une messe satanique. Alors, bien sûr, on ne sacrifie pas de vierges sur scène, ni même de bouc, pas même un petit poulet, pas de pentacle enflammé... Même pas d'ambiance lugubre ou morbide, au contraire, la scène baigne dans des tonalités de rouge, la couleur du sang, bien entendu. Du sang, ou un substitut, dont les musiciens se recouvrent le visage avant de fouler les planches, provoquant un effet gore assez saisissant, la chanteuse, Farida Lemouchi, boudinée dans sa robe à lacets évoquant pour sa part une Carrie (au bal du diable, on y revient) ayant un peu forcé sur les lipides...
Avec tout ce décorum, quiconque n'ayant eu accès qu'au visuel du groupe néerlandais, et pas à sa musique, s'attend à des concurrents de Morbid Angel, Deicide ou Six Feet Under. La réalité ne saurait être plus éloignée. La formation, qui comporte pas moins de trois guitaristes, distille un rock particulièrement fin et élaboré, dans lequel se croisent Black Sabbath des débuts, Blue Oyster Cult, mais aussi Thin Lizzy, voire Wishbone Ash, ou encore le fou chantant du Texas, Roky Erickson, ex-13th Floor Elevators (si vous ne connaissez pas, je vous conseille l'album "Roky & The Aliens"), pour ce mélange de mélodies heavy psychédéliques assaisonnées de paroles particulièrement lysergiques.
Le dernier album, qui vient de sortir, le très bon "The Thousandfold Epicentre" (Vàn Records, pas facile à trouver, mais vendu la modique somme de 10 euros lors des concerts), un chouïa en-deça de son prédécesseur, l'excellent "The Time Of No Time Evermore", en fournit une excellente illustration. Il comporte nombre de morceaux de bravoure (d'ailleurs joués live), à peu près tous bâtis sur le même modèle, mais on ne s'en lasse pas : riff puisant ses racines dans les 60s ou les 70s (celui de "The thousandfold epicentre" est clairement un démarquage du "Locomotive breath" de Jethro Tull), voix haut perchée sur laquelle viennent se greffer des choeurs, longues cavalcades instrumentales. Mentions spéciales à "On the wings of Gloria" et son riff entêtant, au titre portant le nom de l'album, 9 minutes d'enfer (c'est bien le moins pour un tel groupe) mélangeant influence seventies et musique de western spaghetti, au single "Fire burning" bardé d'un son d'orgue piqué chez Jon Lord ou Rick Wakeman, ou encore au long "The madness of serpents", qui s'arrête hélas à mi-chemin pour devenir plus doux. J'aime bien aussi "Die the death" qui, malgré son titre énigmatique, s'orne de "la la la la la la la" qu'on pourrait croire chantés par une jolie blonde avec des fleurs dans les cheveux, mais non, on est bien dans un disque féru d'occultisme.
Mais revenons au concert de vendredi dernier, au Nouveau Casino. Petite déception, la salle n'est pas très remplie, malgré la présence des régionaux de l'étape en première partie, les doomsters parisiens de Hangman's Chair. Ceux-ci nous assènent, une demi-heure durant, un déluge sonore à faire passer Candlemass pour le Martin Circus, avec mention spéciale pour une basse qui se fraie un chemin jusqu'à vos organes internes... Au bout de 30 minutes, le groupe arrête brusquement, suite à un problème de batterie semble-t-il. Dommage, à revoir dans de meilleures conditions.
20 h 40, Selim Lemouchi, sa soeur (qui buvaient un coup au bar voisin juste avant le concert, mais je les ai repérés trop tard...), et le reste de leur gang d'illuminés, arrivent, accueillis avec enthousiasme par quelques férus d'occultisme casés à droite de la scène. Un backdrop arborant un triangle isocèle inversé orné de signes cabalistiques, la pochette de l'album, est tendu derrière la scène, les spots balancent une lumière rouge que ne renierait pas Dario Argento, et c'est parti pour un show unique, comme je l'ai dit plus haut.
En effet, durant une heure et demie, pas un mot, ni bonsoir, ni merci, ni Belzébuth, même pas Satanas (et Diabolo !), rien, pas un mot, pas un sourire. Faut dire qu'on est pas là pour rigoler : la chanteuse chante, les autres musiciens jouent, et quand la chanteuse ne chante pas, elle reste debout, raide comme la justice de Téhéran, les bras tendus et le regard fixé vers la ligne bleue des Vosges, ou, deuxième option, agenouillée devant un petit autel décoré de têtes de boucs et de deux candélabres, où soit elle prie, soit elle pense à la liste des commissions ! On est bien d'accord, la gestuelle est unique, mais la musique n'est pas mal non plus.
Au programme de cette soirée bucolique, la moitié du dernier CD, avec "On the wings of Gloria" en guise d'introduction puis, au fil du concert, "Fire burning", "The thousandfold epicentre", "Die the death", "She" et "The madness of serpents". Les déjà classiques "The graveyard shuffle", "Voodoo lust", et surtout le bien carré "Christ or cocaine" (ça, c'est du titre de chanson !) n'interviennent qu'en fin de set, mais on ne voit pas le temps passer. Car, quand les musiciens jouent, même la tête et les cheveux poisseux d'hémoglobine, ça tricote sévère, surtout avec trois guitares, d'où de long duels, un peu comme si les gars de Thin Lizzy avaient fait un détour par l'abattoir avant de venir assurer leur show !
22 h 10, l'orchestre batave se retire, sans dire au revoir (à vrai dire, on n'y croyait pas trop non plus), sans un regard en arrière, ignorant superbement le concept de rappel. Je ne sais pas combien de temps nos amis parviendront à vivre de ces disques étranges et de ces prestations décalées, mais une chose est sûre, je ne crois pas qu'il y ait sur le marché musical un groupe aussi différent, et ça, ça vaut le déplacement, par exemple au prochain Hellfest...
PHOTOS : DOM et ERIC
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