Le Démon noir est un recueil de nouvelles lovecraftiennes de Robert
Bloch (Clancier-Guénaud, 1983).
Le
secret de la Tombe (Weird Tales, Mai 1935). Un texte assez naïf, manifestement
inspiré de La Tombe (Lovecraft, 1917).
Un quidam reclus dans un vieux manoir vit avec un manuscrit que lui a remis son
père, contenant le secret de la famille, la lignée du patriarche Jeremy
Strange. Il y est question de révélations sur l’immortalité. Il passe son temps
à étudier le texte, éclairé par d’autres ouvrages comme le Necronomicon, le Livre
d’Eibon, la Cabala de Saboth et
les Mystères du Ver. Puis un jour, il
reçoit une sorte d’appel qui le conduit à pénétrer dans le caveau familial. Il
ne résistera pas à l’envie de soulever le couvercle de la tombe monumentale de
Jeremy Strange, découvrant l’ancêtre à moitié décomposé, mais toujours en vie.
Ce dernier cherche à saisir son descendant. Mais il réussira à se dégager et à
s’enfuir, mettant le feu au tombeau.
L’expérience
de James Allington (Weird Tales juin 1935) est un récit très
amateur, retraçant les recherches d’un sorcier contemporain, lecteur assidu du Necronomicon, des Mystères du Ver, du Culte
des Goules et des Rites Noirs de
Luveh-Keraph, le prêtre fou de Bast. Il est persuadé que par auto-hypnose, il
peut se dédoubler et matérialiser la partie sombre de sa personnalité. Ce qu’il
réalisera, libérant un monstre qui cherche à l’étriper ! On le retrouvera
mort dans son bureau fermé à clef avec sur lui les empreintes d’un singe
gigantesque.
Le
Dieu sans visage (Weird Tales 1936) met en scène un
antiquaire véreux qui organise une expédition au fin fond du désert pour
récupérer une mystérieuse statuette dont parlent les indigènes avec beaucoup de
crainte. L’objet sera retrouvé, dégagé de sa gangue et rapidement identifié
comme étant une représentation du Dieu du Mal, Nyarlathotep. Suit une belle
description du cheminement de la divinité, venue du désert pour reprendre le
contrôle de l’humanité. Son nom est mentionné dans le Necronomicon, Le Livre d’Eibon et Les Mystères du Ver. L’équipe de l’antiquaire est terrorisée et
parle d’une sombre malédiction. Elle quittera le camp de nuit, laissant le
malfrat seul. Après une longue errance dans le désert brûlant, suivi par
l’ombre du Pharaon Noir, il reviendra à son point de départ et sera
« absorbé » par la créature, sa tête seule émergeant du sable alors
que les vautours commencent à se manifester.
Le
Démon Noir (Weird Tales, novembre 1936) est un récit émouvant mettant en scène
l’auteur et Lovecraft sous le nom d’Edgar Gordon. Bloch est subjugué par les
textes de Gordon, entre en relations épistolaires avec lui pour lui soumettre
sa modeste prose. Il lui rend visite, et Gordon lui parle de ses sources, ses
rêves, qui sont de plus en plus vivants. Ainsi sa fameuse nouvelle, La Gargouille, est-elle inspirée de
sombres cités aux confins du fabuleux Vide du Dehors, cités visitées en rêve.
Et il précise avoir rencontré Azathoth, Narlathotep, Yog-Sothoth et la planète
Yuggoth bien avant d’avoir lu le Necronomicon,
les Mystères du Ver ou le Livre d’Eibon. Mais Bloch constate que
Gordon vire de plus en plus dans le morbide, ses derniers livres donnant le
sentiment que le narrateur n’est pas un être humain. C’est la raison pour
laquelle L’Être Décharné de la Nuit et
l’Âme du Chaos seront refusés par les
éditeurs. Il finit par avouer avoir écrit ces textes parce qu’on lui avait
demandé de les écrire. Et de délirer sur le thème qu’il a été choisi comme
messager par l’Être Sombre qui peuple ses rêves. Une créature abominable
« qui ressemble assez au démon Asmodée ». « Ses intentions ne
sont pas mauvaises et m’a promis que je m’incarnerais avec lui ».
Gordon
demande à Bloch de cesser ses visites, car il dort de plus en plus longtemps.
Inquiet, il se rendra quand même au domicile de l’écrivain et un éclair
illuminera son bureau lui permettant de constater… que l’incarnation a bien eu
lieu !
Le
narrateur de La créature de l’horreur (Weird
Tales, avril 1937) est professeur qui prend quelques vacances à Bridgetown.
Il y rencontre par hasard l’un de ses anciens étudiants, Simon Maglore, qui
vient de s’installer, suite au décès de ses parents, dans la demeure familiale
sise à proximité de la bourgade. Un élève extrêmement brillant qui possédait
une excroissance sous l’omoplate gauche. Il s’était signalé par une imagination
particulièrement morbide ; l’un de ses poèmes, Pendaison de la Sorcière, avait obtenu un prix réputé. Il était
très versé en occultisme et fin connaisseur de la Cabala de Saboth et des Mystères
du Ver notamment.
Le
professeur a du mal à le reconnaître sous son aspect hirsute et avec son
excroissance qui a singulièrement enflé. Il lui rendra visite à plusieurs
reprises et Simon finira par avouer qu’il est possédé physiquement par un
homoncule qui ne cesse de se développer et qui lui a ordonné d’écrire un livre
évoquant « l’Être Noir ». Et de le retrouver mort lors d’une ultime
visite, déchiqueté par son hôte de chair.
Une
nouvelle manifestement inspirée par Cassius
(1930, une révision de Lovecraft pour Henry Saint-Clair Whitehead, Strange Tales of Mystery and Horror,
1931).
Dans
Le
Secret de Sebek (Weird Tales,
novembre 1937), un jeune écrivain se promène dans les rues de la Nouvelle
Orléans une nuit de carnaval et rencontre un quidam déguisé en prêtre égyptien.
Il l’aborde, contact d’autant plus facile que la personne, du nom de Henricus
Vanning, connaît son œuvre et est comme lui passionné l’occultisme. Il le
convie à une « partie » qu’il va donner dans son manoir, une soirée
du « Club du Cercueil ». Les invités sont déguisés de façon très
folklorique, dont un prêtre inquiétant qui porte d’œil de Horus, mais vite
délaissés car Vanning veut montrer à son nouvel ami quelque chose de spécial.
Dans une petite pièce sont réunies quelques personnes érudites, dont
l’occultiste Etienne de Marigny et le Dr Delvin qui a joué un rôle important dans
l’affaire Randolph Carter. Et de montrer à l’écrivain, dans un local attenant,
le cercueil d’un prêtre de Sebek ramené d’Égypte par un ethnologue du
« club ». Vanning veut le point de vue de son invité sur la
malédiction que ferait courir cette divinité. Il a en effet beaucoup étudié sur
le sujet dans le Livre d’Eibon, le Culte des Goules et le De Vermis Mysteriis. Ludwig Prinn, dans
son chapitre sur « les Rites Sarrazins », analyse en effet de façon
très détaillée le Dieu Sebeth, créature assoiffée de sang. La réunion sera
interrompue par l’irruption du prêtre porteur de l’œil de Horus qui se
précipite sur Vanning et le déchire de ses griffes… de crocodile !
Robert
Bloch continue d’exploiter le filon égyptologique dans Le Sanctuaire du Pharaon Noir (Weird Tales décembre 1937) qui met en
scène le Capitaine Carteret à la recherche de la crypte de Nephrem-Kâ, pharaon
sulfureux entretenant le culte de Nyarlathotep. Il a consacré toute sa vie à
l’étude de cette légende, aidé par la lecture du Necronomicon et du chapitre sur « les Rites Sarrazins »
du De Vermis Mysteriis. Suit une
description très complète de la vie de ce dignitaire qui était réputé pour
connaître l’avenir, mais qui disparaîtra, pourchassé à cause du caractère
sanglant de son culte au « Singe Aveugle de la Vérité ». Il se
réfugiera dans une galerie souterraine où se trouve sa tombe.
Carteret
est approché par un bédouin qui lui dit connaître la galerie et lui montre
« le Sceau de Nephrem-Kâ ». Carteret le suit et pénètre dans un long
tunnel sur les murs duquel sont dessinées toutes les scènes de l’histoire de
l’Égypte. Ils arrivent à la période contemporaine dont la suite est masquée par
un rideau rouge. Le bédouin lui avoue être un prêtre du Pharaon Noir et fait
glisser le rideau. La gravure représente Carteret poignardé, dernière vision
qu’il aura avant de s’écrouler sous le coup de l’arme blanche que dissimulait
son accompagnateur sous son burnous.
Les
Serviteurs de Satan (1935, Robert Bloch ; Satan’s Servant in Something
about Cats and other Pieces, 1949). Un
texte abondamment commenté par notre
auteur. L’édition comprend un papier de Robert Bloch qui raconte que Lovecraft,
épuisé, a refusé de faire une véritable révision, mais lui a fourni de
nombreuses notes pour améliorer son texte. Et la lecture de ces dernières donne
une bonne idée de l’immense culture de l’écrivain de Providence :
remarques sur la chronologie historique, l’architecture, la géographie, la flore,
le tout pour donner plus de vraisemblance au texte. L’histoire en elle-même est
simple. C’est celle d’un pasteur fondamentaliste, Gideon Godfrey, qui part à
Roodsford, petit port perdu de Nouvelle Angleterre, où semble subsister un
culte satanique. A noter que cette localité oubliée est citée pour la première
fois dans les Chronicles of Captain Elias
Godworthy, his Trips and Explorations upon the Continent of North America (Haverstock,
Londres, 1672). Le voyage est classique, avec l’inévitable égarement dans la
forêt, puis c’est la découverte du village délabré où tout le monde se terre.
Une population curieuse, âgée ; pas d’enfants et… pas de cimetière. Il
pénètre dans la première demeure où il reçoit un accueil méfiant et assiste à
des apparitions effrayantes. Il se fait alors passer pour un messager de Satan,
ce qui a lui permet de briser la glace et d’être associé à la préparation du
prochain sabbat. Une cérémonie abominable à laquelle il mettra fin en exhibant
sa Bible, ce qui aura pour effet de
décimer les participants du village qui étaient devenus des mort-vivants.
A
noter qu’outre la Bible, le pasteur
utilise des rituels tirés du Necronomicon
et se réfère au Daemonic Presences d’Hebert
qui comprend des allusions subtiles à La
Fable de l’Arbre et du Fruit.
Dernière
pièce de l’ouvrage, Le Dieu des Abysses (Fantastic, juin 1958) nous entraîne sur
l’île de Santa Rita, dans l’archipel des Caraïbes, en compagnie de l’écrivain
Howard Lane. Ce dernier rencontre deux aventuriers, Don et Dena, qui ont trouvé
un vieux manuscrit faisant état de l’existence de l’épave d’un galion, dans les
parages. Il aurait coulé mystérieusement après que son équipage ait dérobé un
autel en or et un coffret précieux appartenant à la tribu indigène d’un autre îlot.
L’expédition est vite montée, l’épave localisée et les plongeons vont se
succéder. Un des membres de l’équipe sera décapité alors qu’il essayait d’ouvrir
le coffre, puis ce sera au tour de Don lors d’une plongée avec l’écrivain. Celui-ci
tombera en adoration devant la créature tentaculaire qui a investi les lieux et
lui offre Dena afin de satisfaire son appétit insatiable. Il finira ses jours à
psalmodier dans la prison de Santa Rita.
Le
recueil se termine par un Voyage dans le temps avec H.P. Lovecraft
où l’auteur évoque sa découverte du Maître dans Weird Tales, sa correspondance passionnée, et la dette immense
qu’il lui doit pour lui avoir mis le pied à l’étrier.
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