La révolte des vignerons dans le midi viticole de Charly Samson. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
C’est
un pari osé que s’est lancé Charly Samson. Le choix du théâtre pour
restituer la vérité d’un événement majeur pourtant oublié ne va pas de
soi. Pourtant, il apparaît à la lecture du texte que ce fut un choix
judicieux. La première représentation de cette pièce en trois actes a eu
lieu à Limoux le 14 juillet 2007 pour le centenaire de l’événement.
En
effet, ce fut le 9 juin 1907 que Montpellier, ville de 80 000 habitants
fut envahie par une manifestation de 600 000 personnes mobilisées par
la crise viticole du Midi. Cette crise semble prendre ses origines dans
l’apparition du phylloxera en France en 1863 qui va bouleverser la
France viticole mais de manière différenciée selon les régions qui ne
sont pas toutes touchées en même temps. En 1889, les vins du Midi
profitent des effets du phylloxera en Bourgogne, Pays de Loire et
Champagne. On manque de vin et cela profite aux viticulteurs du Sud.
La
fraude s’installe avec la prolifération de vins de sucre et des vins
algériens sont importés. Rapidement, la production devient excédentaire
(1893). Les viticulteurs du Midi sont touchés de plein fouet et ont du
mal à s’adapter aux nouvelles règles d’un marché instable. Le Midi est
plutôt favorable aux idées socialistes et communistes. Dès 1904, des
mouvements de viticulteurs apparaissent pour devenir massifs en 1907
sous la direction de Marcelin Albert et Ernest Ferroul. Cette crise
oubliée eut pourtant des conséquences importantes analysées par Nicolas
Bon dans une postface très riche basée sur les documents de l’époque.
Dans
sa pièce, Charly Samson met en scène la vie quotidienne, les doutes,
les espoirs, les souffrances, les incompréhensions du peuple vigneron
face à un exécutif national qui n’entend pas. Cette pièce fait
curieusement écho à ce que nous traversons aujourd’hui.
Extrait de la scène I de l’acte II :
L1 : Venez ! Dépêchez-vous ! On attend des nouvelles de nos hommes qui sont partis à Narbonne !
L2 : Moi, je suis inquiète. Qu’est-ce qu’ils sont allés faire à Narbonne ?
L3 : Ils veulent être reçus par les députés de la commission parlementaire.
L1 : Bien sûr qu’il faut qu’on les reçoive. Ils représentent tous les vignerons, et pas seulement ceux d’Argeliers.
L2 : Oui, nous ici à Limoux, nous avons les mêmes malheurs. N’empêche que la fougue des gens d’Argeliers me fait peur !
L1 :
Chacun se défend à sa manière contre la misère. Nous ne sommes pas en
reste. Souvenez-vous de la réunion extraordinaire de notre conseil
municipal le 17 janvier dernier.
L3 : Oui, c’est à l’unanimité qu’il a décidé d’utiliser deux mille francs pour créer des chantiers dans les rues de la ville.
L1 :
Comme ça, des ouvriers agricoles ont eu quelques journées de travail
pour nourrir leur famille pendant la période la plus rigoureuse de
l’hiver… Mais ça ne suffit pas !
L2 : Bien sûr qu’il faut faire davantage, mais ce sont les moyens qui manquent.
L1 : Raison de plus pour s’unir et agir ensemble ! Notre rassembleur c’est Marcelin Albert. Nous devons le suivre !
L2 : Le suivre ! Le suivre jusqu’à la catastrophe ?
Gaspard
(qui vient d’entrer) : Qu’est-ce que tu parles de catastrophe ? La
catastrophe, nous y sommes ! Qu’est-ce qui pourrait nous arriver de
pire ?...
L1 : Le pire serait de ne rien faire !
Gaspard : T’as raison, Théréson !
La
pièce, très vivante, pleine de rebondissements, présente non seulement
un caractère historique mais pointe vers les universaux de la révolte et
des réponses de politiciens rarement à la hauteur des enjeux.
La
révolte des vignerons, massive, contraint le gouvernement et permit des
avances relatives. Ecoutons, le Destin, l’un des personnages de la
pièce :
Le Destin :
La
révolte des vignerons dans le Midi viticole a permis que soit
promulguée une loi dès le 29 juin 1907, interdisant le mouillage et le
sucrage des vins. Le 22 septembre s’est terminé la période illégale de
cette révolte. Mais ses animateurs n’auront pas droit à un procès qui
risquerait de révéler les responsabilités des autorités. En mars 1908,
le Parlement votera une loi d’amnistie…
Elle
laisse un arrière-goût d’inachevé… C’est un demi-apaisement, une
demi-mesure qui n’apporte pas de solution définitive et laisse
pressentir d’autres problèmes à venir...
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