Le Bibliothécaire
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samedi 23 septembre 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'ANGE DE MUNICH, Fabiano Massimi, (LDP 2021)
L’Ange de Munich, Fabiano Massimi, Le Livre de Poche 2021.Une belle surprise que ce bouquin qui traite d’un sujet sulfureux, rarement abordé : celui de la mort en 1931 à Munich d’Angela Raubal, nièce du Führer plus connue sous le diminutif de Geli. L’auteur, bibliothécaire et archiviste, s’est livré à une enquête très détaillée dans les rares documents traitant de cette affaire et n’ayant pas été détruits. Et le fait d’avoir adopté la forme du roman policier rend très vivante son investigation et lui permet d’explorer les pistes les plus folles. Alors suicide d’une jeune femme pleine de vie et qui n’arrivait pas à échapper à un oncle envahissant et de certainement sadique ? Ou meurtre soigneusement préparé pour éliminer une créature qui faisait « tache » auprès de Hitler ? On ne peut qu’éprouver beaucoup de sympathie pour cette jeune femme toujours gaie et pleine de projets. Elle s’installa chez son oncle à Munich pour suivre des études de médecine, études qu’elle abandonna rapidement pour s’orienter vers le chant. Malgré son quasi confinement, elle se fiança secrètement au chauffeur d’Hitler, projet que le tonton fit tout pour faire échouer. Même chose pour sa liaison avec un artiste de Linz qu’elle devait rejoindre à Vienne le jour de sa mort. Pourquoi, alors qu’elle était droitière, s’est-elle tirée un coup de revolver (celui d’Hitler) de sa main gauche ? Et pourquoi a-t-elle été retrouvée en train d’écrire une lettre à une amie qu’elle n'a pas achevée.
Hitler sortira gravement déprimé de ce drame. Mais il aura tôt fait de se consoler dans les bras d’Eva Braun qui était l’une des collaboratrices de son photographe officiel !
jeudi 21 septembre 2023
ADIEU MALGORZATA
Chers Amis
Malgorzata Debowska, mon épouse, notre amie, notre cinéaste, notre Soleil de Rennes les Bains est retournée à la Source Lumière, là où nous venons tous, dimanche soir le 17 septembre 2023.
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Konstanty Udala

COLETTE KLEIN COMMUNIQUE
1/5 – Le samedi 23 septembre à 15 h : je participerai, en tant qu’auteur des éditions « La Feuille de Thé » (C’est la terre qui marche sous mes pas) invitées par Fulvio Caccia (président de LinguaFranca) au récital « Orphée aux Lilas », récital suivi par « La Symphonie des voix du monde » de Davide Napoli, à l’auditorium du Centre culturel Jean Cocteau – 35 place Charles de Gaulle – 93 Les Lilas.
(Métro Mairie des Lilas). Entrée libre.
2/5 – Le 28 septembre à 19 h 30 : Concerto pour marées et silence, revue de 2023 (n° 16) sera présentée à la librairie La Lucarne des écrivains – 115 rue de l’Ourcq 75019 Paris par Colette Klein, éditrice de la revue et avec la participation des poètes :
Agnès ADDA, Béatrice ALBERTAT, Claire BOITEL, Julien BOUNKAÏ, Carole CARCILLO MESROBIAN, Danièle CORRE, Éric DESORDRE, JAPH’EIIOS, Chloé OSTER, Bruno THOMAS, Richard ROOS-WEIL.
(Métro : Crimée – Ligne 7 / Bus 54, 60 – Tram et RER E station Rosa Parks)
3/5 – Du 29 septembre au 8 octobre : 66e Salon des Arts de Taverny, organisé par l’Union artistique de Taverny. À la mairie de Taverny – Salle des fêtes – 2 Place Charles de Gaulle 95150. Vernissage le 29 septembre à 17 h 30.
4/5 – Le mardi 3 octobre à 20 h, dans le cadre des
« Mardis littéraires de Jean Lou »,
Café de la Mairie (salle du 1er étage) – Place Saint-Sulpice – Paris 6ème
(Métro Saint-Sulpice – Ligne 4 / Bus : 39, 63, 84, 86, 95, 96)
Prière de prendre une consommation
1 - JE est un monstre de Colette Klein aux éditions de L'Œil du sphinx (2022). Ce qui fait la force de ces nouvelles ce n'est pas tant la noirceur de leurs thèmes où la mort est omniprésente que, par contraste, l'aspiration à une lumière si blanche qu'elle fait basculer d'un monde à un autre. Les nombreuses échappées dans l'imaginaire favorisent les débordements insolites où le temps, qui cesse d'être linéaire, emporte le lecteur vers la découverte de sentiments inconnus
2 – Je vous dépose quelque part ? de Cécile-Marie Hadrien auxéditions Quadrature (2023).
Gabriel et Apolline sont-ils des anges de la route ? Les voix des deux narrateurs alternent et se croisent tandis qu'ils pratiquent le covoiturage. Aux passagers de quelques heures embarqués avec leurs problèmes, leurs humeurs, des confidences parfois envahissantes, ils offrent davantage que leur conduite expérimentée et l'habitacle confortable de leurs voitures respectives. L'impromptu s'invite à bord et les protagonistes goûtent alors aux extra de l'ordinaire.
Et enfin 5/5 : Salon de la Revue (33e salon) :
du 13 au 15 octobre 2023
à la Halle des Blancs Manteaux 48 rue Vieille du Temple Paris 4e
J’y serai présente avec « Concerto pour marées et silence, revue ».
Le vendredi 13 de 20 h à 22 h
Le samedi 14 de 10 h à 20 h
Le dimanche 15 de 10 h à 19 h 30
Entrée libre.
Métro : Hôtel de Ville (Lignes 1 et 11) – Bus : 29, 69, 76, 96 mais aussi,
plus vers Châtelet : 38, 47, 58, 70, 74, 75.
dimanche 10 septembre 2023
mardi 29 août 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA PROPHETIE NOSTRADAMUS, Steve Berry
C’est bien la première fois qu’un roman de Steve Berry me tombe des mains et que je dois m’y prendre à plusieurs reprises pour lui tordre le cou. La Prophétie Nostradamus (le Cherche-Midi 2023) déroute dès le départ, l’auteur nous injectant une foultitude de personnages parmi lesquels il est difficile de se retrouver. Il y a les anciens de la CIA qui sont devenus méchants, les faussement gentils d’autres services méchants et un Cotton Malone vieillissant qui n’en finit plus de reprendre du service au lieu de s’occuper de sa librairie à Copenhague. Quant au cœur de l’histoire, il fallait le faire. Notre bon roi Louis II de Bavière avait sympathisé avant de mourir avec le roi de Hawaï qui lui avait donné, par testament, ses terres. Un nouvel Empire pour la Bavière, d’autant que le sous-sol regorge de minerais rares. Hélas, le testament a été perdu et les Etats-Unis se sont empressés de digérer cette région. Mettre la main sur ce document chamboulerait la géopolitique (sans rire), réveillant les appétits des Bavarois aux tendances séparatistes bien connues et suscitant les convoitises de la Chine qui a entendu parler de quelque chose. Tout comme Nostradamus qui avait mis sur la piste pour retrouver la cache dans un quatrain confus.
lundi 28 août 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : CROWLEY, VIVRE AVEC SATAN
2023, le journal « Le Monde » publie sur la dernière semaine d’août une série de 6 articles d’une page sur « Vivre avec Satan » signés Aureliano Tonet et illustré par Isabel Espagnol :
° L’Ultra regard de « l’homme le plus malsain du monde »
° Aleister Crowley, influencer post-mortem de la pop culture
° Avec les disciples de « la Bête 666)
° Un joueur au goût immodéré pour la mise en scène
° Aleister Crowley, le dépassement de soi comme mantra
° Un personnage instrumentalisé à l’ère de la post-vérité.
Un dossier intéressant, bien écrit et plein d’humour. On regrettera pourtant que ce soit la partie « excès en tous genres » qui soit montée en épingle, donnant de 666 une image qui ne rend pas compte de la richesse du personnage. Car si Crowley était effectivement un provocateur champion toutes catégories, c’était aussi une belle plume, un authentique poète et un cherchant impénitent sur les chemins de la liberté. L’étude du Monde, en privilégiant l’aspect « facile » de ses excentricités (vraies ou fausses du reste), fait l’impasse sur son apport fondamental dans le domaine de l’ésotérisme. Crowley a remis l’occultisme sur les rails alors que le train des arcanes s’était perdu sur les voies secondaires des maîtres vieillissants du XIXème siècle. Il a rendu à l’occultisme la vitalité première de sa démarche qui n’est rien d’autre que le besoin irrépressible de fusion avec la divinité.
samedi 5 août 2023
dimanche 30 juillet 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : UN ECLAIR DANS LA NUIT, Serge Hutin
Une lecture superficielle ferait immédiatement penser à l’un de ces innombrables romans médiocres d’espionnage des années 60. Mais Un éclair dans la nuit de Serge Hutin (Energeia 2023) est bien autre chose que cela. D’abord, parce qu’il s’agit du seul (vrai) roman écrit par Serge et retrouvé… 25 ans après sa disparition. Ensuite parce que l’enveloppe « roman d’espionnage » n’est qu’un prétexte pour exorciser le grand drame de la vie de l’auteur, « un drame de l’occulte » comme le dirait le préfacier Roger Facon. Hutin avait déjà, à plusieurs reprises, évoqué cette affaire dans plusieurs livres. Dans L'Amour magique, il évoquait la femme avec laquelle il avait partagé, selon ses dires, deux mois d'un bonheur total avant que la mort ne mette fin à cette idylle. Il revient sur cette jeune femme dans son livre sur Les Sociétés secrètes en Chine, paru chez Laffont en 1976. Elle était niçoise, s'appelait Marie-Rose Baleron de Brauwer, et était "l'une des rares femmes à occuper en France des responsabilités importantes dans le contre-espionnage". " Chef de division au ministère français de l'Intérieur », elle mourut le 27 octobre 1972 dans une assez mystérieuse catastrophe aérienne".
Cette affaire a donné lieu à de nombreuses interrogations. Pourquoi le Viscount d’Air Inter qui allait se poser à Clermont-Ferrand, aéroport de destination, a-t-il fait demi-tour pour s’écraser sur une petite montagne ? Marie-Rose Baleron, commissaire à la DST de Nice, transportait-elle des documents sensibles ? Était-elle effectivement conviée à une réunion de l’AMORC qui devait se tenir le lendemain ? Faisait-elle effectivement partie de cette société initiatique ?[1]
Serge Hutin reprend ces éléments, les jette dans un grand chapeau, secoue le tout et en ressort un petit roman très touchant, en modifiant à peine les identités des participants. La belle commissaire n’est ici pas morte, mais a pris le maquis pendant plus d’un an après l’accident pour ne pas être retrouvée. On imagine sans peine la tête de l’amoureux esseulé face à la découverte de cette « résurrection » Elle transportait des documents convoités par de nombreuses agences de renseignement faisant état d’une technique pour fabriquer de l’or, facilement et à bon marché. Était plus particulièrement sur la piste un certain Ordre Noir, résurgence d’un mouvement de triste mémoire. L’exploitation de ce procédé leur aurait permis de « faire sauter » la finance mondiale et ainsi prendre leur revanche sur la défaite de 1945. Les manœuvres des « méchants » seront bien sûr déjouées et les deux amants pourront enfin entamer une lune de miel bien méritée, au rythme de palaces de rêve, detrains de luxe, de bars feutrés et de tables gastronomiques.
Un beau roman d’amour.
[1] Lu sur le site « Les intervenants actuels de Rennes-le-Château » : Dans son dernier roman -qui est plutôt une nouvelle- : « La seconde vie du commissaire Marie-Ange Sauneron » (édité en 1998 par Alpha International dont il était Président d’honneur), Serge Hutin nous donne un précieux indice : « Elle venait d’établir un rapport détaillé sur les redoutables infiltrations néo-nazies, en France principalement mais en d’autres pays aussi, dont en tout premier lieu l’Italie, sous le couvert d’une organisation fraternelle apparemment anodine se présentant comme l’authentique Ordre du Temple resurgi miraculeusement de ses cendres et appelé à régénérer l’Occident. » S’agirait-il de l’Ordre Rénové du Temple créé en 1968 par Raymond Bernard ?
samedi 22 juillet 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE DEMON DU CREPUSCULE, François Lange
Pas facile de changer de registre. François Lange nous avait habitué à des polars historiques, certes souvent empreints de soufre, mais il restait dans un univers rationnel dans lequel on finissait par trouver ses repères. Avec Le Démon du Crépuscule (Palémon 2023), il abandonne sa démarche habituelle pour nous plonger dans l’univers d’un occultisme foisonnant qui n’est pas sans évoquer la patte d’Aleister Crowley. Nous sommes toujours en Bretagne, dans la région de Locronan, et notre enquêteur a abandonné l’uniforme de la police du Second Empire pour le costume, plus sage, d’un jeune journaliste travaillant pour un magazine contemporain de psychologie. Et Thomas Salaün, c’est son nom, a pour première mission un morceau de choix : faire la lumière sur un étrange météorite s’évanouissant dans la forêt alors que plusieurs enfants se retrouvent avec des… morsures d’âne. Et pour corser le tout, cet étrange phénomène se serait déjà produit au même endroit dans le passé, la dernière fois en 1955. On ne saura pas très bien quel est le but de ce bourricot satanique, mais il est évident qu’il est piloté par un magicien noir qui n’a pas suffisamment potassé les rituels de protection contre les Grands Anciens. Et pourtant nous voguons au sein de manuscrits aux titres prometteurs (Le Livre des Arcanes Maudits), nous avons droit à de mini-planches de symbolisme celtisant, à de rassurants commentaires sur les avenantes bestioles qui peuplent l’astral et à une belle collection d’artefacts magiques (médaille, miroir, épée) toujours utiles. Malgré ce climat de terreur cosmique, Thomas, comme son vieux prédécesseur de Fanch’, apprécie le pot au feu breton et les bolognaises bien baveuses, tout en courtisan les quilles gouleyantes extraites de caves méphitiques.
Voilà un petit gars qui pourrait faire une belle carrière s’il prenait un peu d’épaisseur et si, oubliant un moment ses traités de psychologie, il trouvait le temps de s’investir de temps à autre dans des ouvrages indispensables comme Le Livre de la Loi de Maître Thérion.
samedi 8 juillet 2023
samedi 1 juillet 2023
mercredi 28 juin 2023
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : CROWLEY, LE SAINT DE SATAN, Arnold Waldstein
Crowley, le Saint de Satan, Arnold Waldstein, Culture, Arts, Loisirs, 1985. La seconde biographie en langue française est publiée par le C.A.L, dans cette jolie collection qui prit la suite des éditions Planète. Contrairement à Serge Hutin, l’auteur ne cherche pas à retracer toute la vie de la Bête (les années post Cefalù sont survolées) mais essaie de nous faire partager tout le mystère des techniques d’élargissement de la conscience mises au point par le magicien. On a droit à de belles pages sur son initiation à la Golden Dawn, son rituel d’invocation au manoir Boleskine, sa rencontre avec Aiwass en Égypte ou encore son combat avec Chorozon dans le désert algérien. Une large place est accordée à la magie sexuelle, considérée comme un outil particulièrement puissant.
Une remarque sur la cérémonie Boleskine où il devait rester seul, selon le rituel d’Abramelin, durant quatre mois. L’auteur nous apprend qu’il a reçu, pour préparer son expérience, la visite de son ami Bram Stoker. Une référence aux rumeurs faisant du père de Dracula un membre de la G.D. Ce point, à ma connaissance, n’a jamais été prouvé.
mardi 27 juin 2023
HPL HISTORICAL SOCIETY
Publication du premier volume de la correspondance de HpL. 4 tomes avec de nombreux documents en fac similés. Le tout dans un élégant coffret. Somptueux.
LA DECOUVERTE DU KITAB-AL-AZIF
Merci à la HPL Historica Society pour avoir réédité ce compte-rendu de mission de 1920. Et il y en a qui disent que le Necronomicon est un "fake" !
COLETTE KLEIN A L'HONNEUR
Une des dernières publications de l'ODS :
ARTICLE DE Dominique ZINENBERG
Paru dans Francopolis – été 2023
Sur la frange écumeuse qui relie les mondes
Je est un monstre est un titre qui convoque à la fois Rimbaud et Baudelaire. Rimbaud pour « Je est », Baudelaire, explicitement, avec le terme « monstre » en dernière page de l’ouvrage de Colette Klein qui reprend les vers du poème liminaire des Fleurs du Mal, « Au lecteur » qui finit par : « Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat. // Hypocrite lecteur, - mon semblable – mon frère ! » Ainsi passe-t-elle de « l’autre » au « monstre » par un glissement qui aggrave le sort du « Je » humain trop humain.
Les vingt et une nouvelles sont traversées par des questions existentielles et métaphysiques et surtout par l’obsession de la mort : celle qui nous attend, celle que l’on souhaite à quelqu’un, celle que l’on donne, celle que l’on se donne, celle qui surprend, celle qui laisse seul(e) et déjà quasi mort. La proximité obsessionnelle à la mort dans les nouvelles de l’écrivaine la conduit d’un point de vue narratif à passer aisément du réalisme au fantastique, et à faire passer ses personnages d’un côté à l’autre du miroir. À force de convoquer l’autre qui est décédé, le personnage finit par vivre d’une vie équivoque, fantomale.
Et ces êtres sont d’autant plus désemparés face à la confrontation avec la mort qu’ils n’ont aucunement foi en Dieu. Ce fait est rappelé souvent et sans doute contribue-t-il à renforcer le climat d’angoisse et de vide. Dans « Destin » par exemple il est dit du personnage : « Il avait depuis longtemps cessé de croire en quoi que ce soit, et l’art, même dans ses formes les plus pures, l’avait toujours ennuyé. » (p.160)
Peu de personnages par nouvelle, parfois même, un seul personnage est confronté à l’angoisse de vivre ou de devoir mourir. Et une fois que l’on a lu l’ensemble des nouvelles, on est pris de vertige devant cette mosaïque d’individus en proie aux ombres funèbres et funestes. Chacun est livré à une solitude que rien ni personne ne peut atténuer. La solitude et la mort vont de pair : elles sont toutes deux enfermement, emmurement, suffocation.
Les problématiques chères aux philosophes existentialistes comme Cioran, Sartre ou Camus retrouvent vitalité et défi dans les nouvelles de Colette Klein.
De même qu’il y a des jeux de lumière qui aveuglent ou éblouissent, il y a des tranches de vie parallèles qui déstabilisent aussi bien le personnage qui les subit que les lecteurs qui doivent s’ouvrir à l’irrationnel, aux basculements d’une réalité à une autre, au double, au retour des morts, aux réapparitions ou aux disparitions comme s’il fallait savoir par intermittence que tout n’est qu’illusion et jeux de dupes.
« En revenant à sa place, l’homme vit que le jour se levait. Une lueur blême et jaunâtre s’incrustait dans une steppe aride. Au loin, on devinait la mer se dépliant en silence sur le sable déjà chaud. Le ciel, sans un nuage, était lui-même plage, était chaleur et bruissement torride. » p. 75 « Le train ».
C’est sans doute aussi pourquoi la luminosité tantôt est violente et vibrante, tantôt tamisée, ombreuse, quasi opaque. Quant aux matières, elles sont cotonneuses comme si tout était silencieux et assourdi. Les volumes, enfin, se réduisent à des espaces confinés qui s’apparentent en fin de compte à des cercueils, à des tombeaux.
Comme dans la plupart des nouvelles la réalité s’effiloche et devient floue, il arrive presque inévitablement que les personnages, à l’instar de celui de « La Première étoile » constate : « déconcertée, je compris qu’il était désormais très loin de la frontière, avancé plus que je ne le pensais dans l’univers élastique qui sépare les vivants et les morts. » p.180
Plusieurs récits mettent en scène des personnages en proie au phénomène de la répétition des mêmes épisodes de leur vie. C’est une source d’angoisse aussi bien pour le personnage qui subit ce vertige temporel en spirales que pour le lecteur qui cherche en vain des repères fiables.
Tantôt le récit est à la première personne, tantôt à la troisième. La plupart du temps le personnage principal est un homme et assez souvent il a perdu sa femme ou son amante depuis peu ; parfois une enfant est aux prises avec la mort : Jeanne dans « l’Arbre aux oiseaux » exprime son désir que sa sœur à naître meure et cette pensée ne lui vient qu’après sa première expérience avec la mort, celle d’un oiseau qu’elle enterre après quoi elle tombe dans un profond sommeil : « elle s’endormit comme on perd connaissance, son corps couché sur la tombe de l’oiseau. » (p. 23) Et cette précoce connaissance de ce qu’est la mort la transforme. Elle devient autre/monstre et ose des paroles mortifères. La chute du récit se prépare déjà à ce moment-là. Dans « Une vie réussie », l’enfant cette fois-ci est victime d’un crime : « L’assassinat d’une petite fille qui de surcroît n’avait pas été violée ! » Cette précision sur le non-viol est loin d’être anodine. Ce qui hante l’univers de la conteuse n’est pas le fait divers barbare à caractère sexuel, c’est la question ontologique et éthique de la vie et de la mort. La thèse du meurtrier est de considérer que l’enfant qu’il tue « serait morte un jour, dans quatre-vingts ans, ou dans quatre-vingts jours » et le tueur ajoute « où est la différence ? » Or toute la « monstruosité » est de faire croire qu’il n’y a pas de différence entre laisser vivre et détruire la vie sous prétexte qu’un jour on mourra. On sait bien à quoi de telles pensées peuvent conduire ! Et à quels excès génocidaires elles ont conduit.
Bien des personnages de ces récits ressentent un malaise obscur et tenace à vivre chaque jour de leur vie. Ils sont en proie à la nausée comme un certain personnage de Sartre et ressentent un profond dégoût d’eux-mêmes. Ils ne supportent pas de se voir dans la décrépitude de la vieillesse et de se regarder dans un miroir comme le personnage de la nouvelle « Le Geste ». Pris d’une folie œdipienne, il rejoint le héros mythologique en devenant « le prisonnier d’un acte … d’un acte sur lequel il serait impossible de revenir. »
Plusieurs nouvelles fonctionnent comme le récit de cauchemars dans lesquels les personnages sont englués. Il en est ainsi pour « L’antichambre », comme pour « Le train » ou « La Tour » mais plus encore peut-être pour « Ici et ailleurs », nouvelle dans laquelle un personnage entre dans une église et en devient prisonnier comme s’il était dans un sarcophage. Il ressemble au personnage qu’invente Jean-Philippe Toussaint dans La Disparition du paysage car il expérimente l’éloignement que la mort provoque et produit, l’éloignement du mort pour le mort vis-à-vis des vivants et l’éloignement des vivants pour le mort.
Bien des titres du recueil sont symptomatiques de l’entre-deux dans lequel circulent les personnages, dérivant d’une rive à l’autre de la vie, mi consistants, mi inconsistants, dans le gris de la vie ou la transparence d’un ailleurs, entre ombre et lumière et comme flottant dans la dérive du malaise, du mal être, du rêve, du cauchemar, de la lucidité et de la folie.
Ils ont en commun la solitude, la possibilité ou le fait de basculer dans la mort, la possibilité ou le fait de sombrer dans la mélancolie du deuil et d’être pénétrés de pensées monstrueuses ou d’actes monstrueux. Aucun n’échappe à la vacuité vénielle ou capitale de leur existence, ni à l’égoïsme qui nous constitue, aucun ne s’en sort indemne ou réconforté. Ils occupent les cimetières, les trains vides, les antichambres, les tours, couloirs, lits d’hôpitaux ou d’hospices. Ils ne parlent guère à autrui (l’autre n’est qu’une silhouette ou un fantôme) et ne peuvent entretenir avec eux-mêmes qu’un monologue sans issue qui ne s’interrompt qu’avec la folie ou la mort.
Dans « Abonnés absents » le protagoniste se définit comme suit et cette définition pourrait servir à la plupart des personnages du recueil : « Il avait toujours été un peu fou, marchant en équilibre instable sur la frontière dangereuse qui sépare les mondes, lucide et fou. Il se définissait ainsi. Sur la frange écumeuse qui relie les mondes. »
Non seulement les récits sont écrits de façon très belle et très claire, avec des moments particulièrement poétiques, mais en plus Colette Klein mène son récit jusqu’à la chute souvent surprenante et visuellement saisissante et toujours dans ce climat brumeux, voire comateux.
En contre-point une seule nouvelle semble échapper aux « franges écumeuses » qui laissent chacun en marge ou dans le regret d’un ami mort sans qu’on lui ait donné comme viatique l’objet qui l’aurait peut-être empêché de mourir, un seul personnage, une femme qui est terre-à-terre à souhait et dont la compacité matérielle, la logorrhée infinie horripilent l’entourage et la hissent au niveau de la caricature ; elle diffère car elle semble immortelle au regard de tous les autres personnages du livre : elle parle pour ne rien dire, elle enfle et pérore comme la grenouille de la fable. Que représente-t-elle ? Échappe-t-elle pour autant à la monstruosité ? Est-elle au contraire sa représentante absolue ? Sa vanité, son indifférence aux autres, sa façon de broyer au jour le jour autrui, sans qu’elle semble avoir conscience de sa finitude, la rend sans doute, parmi tous les personnages, celle qui recèle le degré zéro de l’humanité. (« Caricature ? » p.59-69)
Quant aux autres, ils ressemblent aux personnages de l’œuvre de Magritte intitulée Golconde, abandonnés à leur solitude, à leur angoisse et flottant entre deux rives.