samedi 31 octobre 2020

SOS CULTURE


 

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA MACHINE ERNETTI, Roland Portiche


 

Roland Portiche nous livre une agréable surprise avec La Machine Ernetti (Albin Michel). Les héros de ce théo-thriller ont existé et ne peuvent laisser indifférents les amoureux des littératures de l’Imaginaire. Je cite les premières lignes de leurs fiches respectives sur wikipédia :

On prend nos deux personnages, on secoue et l’on se retrouve au Vatican à la fin du règne de Pie XII. Le père Léonardo, conseiller du Saint Père, fait écouter à son assistant don Ernetti, physicien et brillant musicologue, un enregistrement curieux qu’il aurait capté par hasard sur son webster (enregistreur à fil) : un chant a capella que le jeune prêtre identifie immédiatement comme un chant grégorien datant de la Renaissance Carolingienne. Impossible de répéter cette expérience de transcommunication. Léonardo, manifestement « initié », emmène alors son assistant chez le Pape qui leur remet une grande enveloppe : ce sont les documents envoyés au Vatican par le savant Majonara avant de disparaître pour se faire oublier. Il avait mis au point un « chronoviseur », permettant d’aller voir dans le passé et redoutait que cette invention ne tombe dans de mauvaises mains et n'ébranle l’Église Catholique.

La suite se devine facilement : le Pape et ses successeurs voudront aller explorer l’Histoire Sainte, pour renforcer une foi de plus en plus vacillante. La machine sera montée dans le plus grand secret dans les locaux des incontournables Archives du Vatican. Je ne spolierai pas les découvertes qui seront faites en Palestine au temps de Jésus, mais l’auteur fait montre d’une imagination audacieuse. L’ensemble est agréablement pimenté par les ingrédients nécessaires à tout bon thriller : les services secrets soviétiques sont sur les dents car il se passe « quelque chose » d’anormal au Vatican, une jeune archéologue israélienne est adjointe à Don Ernetti et cherche de son côté à prouver que Jésus était essénien, les plus grands physiciens quantiques de la planète sont mis dans la boucle mais d’un d’entre eux viole le « secret » dans les bras d’un jeune éphèbe travaillant pour une puissance étrangère…

Une aventure extraordinaire sous le soleil italien et au rythme des plus belles musiques ressurgies du passé !


vendredi 30 octobre 2020

L'AFP PARLE DES 60 ANS DU MATIN DES MAGICIENS

 
 
Culture

RETOUR SUR - Il y a 60 ans, le "Matin des magiciens" ou l'aube d'une contre-culture

Civilisations anciennes, ovnis, sorcellerie et sociétés secrètes : paru il y a 60 ans en France, "Le Matin des magiciens", livre phénomène de Jacques Bergier et Louis Pauwels, allait initier des millions de lecteurs au "réalisme fantastique" et inspirer, tel un bréviaire de l'étrange, des générations de curieux.

La France vient à peine de se convertir au Nouveau Franc et est plongée dans la guerre d'Algérie, quand le livre paraît chez Gallimard, en octobre 1960.

Sur 500 pages, Bergier et Pauwels convoquent pêle-mêle les réflexions du théologien catholique Pierre Theilard de Chardin, qui tente de réconcilier science et religion, et toutes les théories les plus incroyables sur les civilisations disparues, de l'Atlantique à l'île de Pâques; les extra-terrestres; le goût des nazis pour l'occultisme; les sociétés secrètes ou l'idée que la Terre serait creuse...

"La France commence à sortir de la nausée, du pessimisme sartrien, c'est l'époque de Boris Vian... Et le Matin des Magiciens ça a été une bombe : c'était une manière d'ouvrir les fenêtres" de la société, raconte à l'AFP Philippe Marlin, dirigeant des Editions de l'oeil du sphinx, spécialisées notamment dans l'ésotérisme, la SF ou l'"ufologie".

- "Une autre réalité" -

En pleine ère de l'atome, une période où la science semble en mesure de répondre à toutes les questions, "Pauwels et Bergier donnent un coup de pied dans tout cela, avec leur idée de réalisme fantastique : ce sont des réalistes critiques --et pas uniquement des rêveurs-- qui invitent à investiguer une autre réalité qu'on n'a pas encore touchée du doigt", décrypte l'auteur et éditeur, qui a découvert le livre en Terminale, en 1963-64, grâce à son prof de philo.

"C'est un phénomène éditorial inédit et singulier" et qui a rencontré "un écho massif", confirme Jean-François Sanz, qui pilote pour le fonds de dotation Agnès B. "Un autre monde///dans notre monde", des expos faisant dialoguer artistes et sciences, dans le sillage du "Matin des magiciens".

Le livre, sous-titré "Introduction au réalisme fantastique", est le fruit de "cinq années de recherches aux frontières de la science et de la tradition", selon les mots de Jacques Bergier, écrivain aux multiples vies (chimiste, ancien résistant et déporté, ayant tâté de l'espionnage...) et Louis Pauwels, journaliste qui allait fonder 18 ans plus tard le Figaro Magazine.

Ce faisant, "ils ont ouvert la porte à des tas de recherches souvent farfelues, et ça a permis aux gens de s'exprimer sur l'archéologie mystérieuse, l'ufologie, l'alchimie...", développe Philippe Marlin.

Le livre déclenche de vives critiques, notamment chez les rationalistes, qui font paraître en 1965 une réplique sévère, "Le crépuscule des magiciens", et même parmi les surréalistes.

"Bergier et Pauwels n'ont pas fait un travail universitaire et ça leur a été souvent reproché", commente Jean-François Sanz. Des défauts sont relevés sur le fond comme sur la forme : "la table des matières annonce un chapitre qui n'est pas dans le bouquin, il n'y a pas de notes de bas de page et les citations sont souvent très approximatives...". Mais "leur but n'était pas de faire un ouvrage académique".

- De Tintin à Lovecraft -

Les deux auteurs avaient cependant cherché à se prémunir contre les attaques en décrivant leur livre comme "un récit, parfois légendé, parfois exact" et contenant "quantité de sottises".

Et le succès populaire est tel (les ventes totales sont estimées à deux millions d'exemplaires) qu'ils lancent en 1961 une revue, Planète, qui devient aussi phénomène éditorial, certains numéros s'écoulant à plus de 100.000 exemplaires. Elle paraîtra pendant près d'une décennie et fut traduite dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine. Bergier est même croqué par Hergé en 1968 dans l'album de Tintin "Vol 714 pour Sydney"

D'autres éditeurs ont creusé à leur tour le filon avec des collections comme "Les mystères de l'univers" (Robert Laffont) ou "L'aventure secrète" (J'ai Lu).

Le Matin et Planète ont également influencé la contre-culture des années 60 et suivantes en favorisant le développement de la SF et du fantastique.

"Bergier et Pauwels ont fait découvrir des wagons d'auteurs qui à l'époque étaient totalement inconnus" en France, comme le maître du fantastique HP Lovecraft, souligne Philippe Marlin.

- Enfants de Planète -

On peut aussi voir leur empreinte indirecte dans le New Age, les films et séries comme les "Indiana Jones" ou "X-Files", les livres et documentaires sur les armes secrètes des nazis ("Wonderwaffen"), mais aussi l'engouement actuel pour la sorcellerie, le chamanisme ou la méditation...

Et si le réalisme fantastique a perdu beaucoup de son éclat, des passionnés continuent de le cultiver, notamment au sein de la revue Orbs (qui se présente comme "l'autre Planète"), via les expos du fonds Agnès B., ou dans des ouvrages comme "Les magiciens du nouveau siècle", publié en 2018 par Gérard Watelet (fondateur des éditions Pygmalion).

"C'est toujours d'actualité, encore plus dans la période bizarroïde dans laquelle on vit", estime Philippe Marlin, qui témoigne en tant qu'éditeur du goût du public pour les thèmes popularisés par Bergier et Pauwels.

Après un optimisme dans les années 60, "on est entré dans une crise économique, écologique et aujourd'hui sanitaire, et le message des enfants de Planète, c'est de regarder les signes positifs qui peuvent changer notre monde", notamment les recherches autour de la physique quantique, l'intelligence artificielle ou le transhumanisme, fait-il valoir.

De son côté Jean-François Sanz s'attelle à faire redécouvrir l'"approche poétique de la connaissance" développée par Bergier et Pauwels.

 

mercredi 28 octobre 2020

LA CONSCIENCE GLOBALE à l'IMI

Conférence de Peter Bancel le 6 novembre 2020

Le Global Consciousness Project : Effet d’une conscience globale ou effet expérimentateur ? 

Présentation par le conférencier : 

Le Global Consciousness Project : Effet d’une conscience globale ou effet expérimentateur ? Le « Projet de la conscience globale » est une expérience de longue durée consistant à mesurer en continu l’effet d’une hypothétique conscience globale sur un réseau de générateurs de nombres aléatoires répartis à travers le monde. Elle a montré de façon très significative des anomalies dans les données issues de ce réseau de générateurs de nombres aléatoires,  correspondant à certains moments d’émotions collectives et massives dans le monde – par exemple, la célébration du nouvel an ou la réaction au Tsunami d’Asie du Sud-est de 2004.

Mais ce résultat surprenant traduit-il vraiment l’effet d’une conscience globale?

Lors de cette conférence, nous nous efforcerons de mettre en évidence l’origine des anomalies enregistrées dans les données du GCP, et nous suivrons les multiples rebondissements qui se sont succédés, durant une dizaine d’années, dans l’analyse de ces données.

A l’issue de cette étude, nous serons en mesure non seulement de parvenir à une conclusion aussi définitive que surprenante, mais également à même de réaliser à quel point l’approche scientifique se révèle un guide fiable lorsque l’on est confronté à la complexité des multiples énigmes qui caractérisent la recherche dans le domaine du psi.

Le conférencier :

Peter Bancel (Institut Métapsychique International, Paris ; et Institute
of Noetic Sciences, Californie)

Peter Bancel a obtenu un doctorat en physique à l’Université de Pennsylvanie (États-Unis), avec une thèse se focalisant sur l’utilisation des rayons X et des techniques de diffusion des neutrons pour étudier des symétries inhabituelles dans des systèmes quasi-cristallins. Après un post-doctorat financé par IBM, Bancel est venu travailler en France dans le Centre d’Etudes de Chimie Métallurgique de Paris. Il a également occupé un poste à l’Institut des Matériaux de Nantes où il a développé des techniques d’ensemencement laser pour la croissance de protéine de cristal, utilisant des “pinces optiques”.

Il s’est intéressé à la parapsychologie après une visite à Princeton où il rencontra Roger Nelson, directeur du Global Consciousness Project (GCP). Après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, Bancel s’est impliqué dans l’analyse des données de ce projet. Il y a travaillé à plein-temps, et est devenu analyste en chef pour le GCP. Il a mis en évidence de nombreuses corrélations structurelles permettant de tester de nouvelles hypothèses pour expliquer les effets obtenus. La Parapsychology Foundation lui a décerné la bourse Eileen Coly 2007 pour encourager et récompenser ses efforts.

 

 
Cette conférence aura lieu par visio-conférence.
Voir les informations pratiques sur l’AGENDA de l’IMI

 

LOVECRAFT ET L'EAU FERRUGINEUSE, Samuel Loveman

 


Dans « Lovecraft as a Conversationalist » (Fresco, Spring 1958), Loveman raconte l’anecdote suivante que Joshi date du 31 décembre 1933, lors d’une fête de Noël à New-York :

Des boissons étaient servies et, pour Lovecraft, qui ne pouvait supporter l'alcool fort, du soda au gingembre. Pat m'a fait signe d'entrer dans la cuisine. « Avez-vous remarqué à quel point Howard est devenu tout à coup bavard ? » Je n'avais pas fait attention, mais, quand nous sommes entrés dans la salle où les invités étaient rassemblés, il y avait Lovecraft qui était devenu le centre même de la fête, parlant, gesticulant, rayonnant de sourires et de rires, faisant rouler sa gymnastique verbale avec des plaisanteries et même chantonnant le 'Mikado' de Gilbert and Sullivan en un show éblouissant auquel je ne l'avais jamais vu ou entendu s'adonner auparavant. Pat a chuchoté joyeusement à mon oreille : « J'ai changé discrètement sa boisson ! »

Texte repris dans Reminiscences of H.P. Lovecraft, Joshi & Shultz, Necronomicon Press 2018.

dimanche 25 octobre 2020

CABU A L'HOTEL DE VILLE


 

DALI AUX BAUX DE PROVENCE


 

PUTAIN, C'EST LONG !


 

LA NEO GAZETTE FORTEENNE DANS CRITICA MASONICA

« La nouvelle gazette fortéenne » : numéro spécial anniversaire, les 60 ans du matin des magiciens

Publié par Rédac' sur 23 Octobre 2020, 21:34pm

Catégories : #Revues

Jean-Pierre Bacot

Comment mieux définir Charles Hoy Fort (1874-1932), grand spécialiste de l’insolite, que par une citation des premières lignes de l’article que Claude Arz lui consacre en avant-propos de cet imposant ouvrage : « Maudit, Charles Hoy Ford, fut un écrivain trois fois maudit. Maudit littéraire, car rejeté, évincé par la majorité des écrivains américains des années 1920, qualifié même de monstre ; maudit sur le plan de ses recherches, car traitant de  sujets tabous, marginaux, étranges ; exclu des recherches de la communauté scientifique ; maudit socialement, car il vécut reclus avec sa femme Anna, de manière modeste, dans de minuscules appartements  new-yorkais. »

Ce qui suit tente de regarder avec lucidité ce que l’on peut dire de ce monde imaginaire mis en mots et en image aux frontières du réel, soixante années après le début de ce que certains ont défini comme le moment Planète, c’est à dire, en un mot comme en cent, un incontestable volontarisme pour rétablir de l’imaginaire dans un paysage mental devenu globalement scientiste, dans une logique de réenchantement. L’analyse du parcours est intéressante, puisqu’il s’agit de savoir, le monde de la science ayant évolué, ce que sont aujourd’hui les nouvelles marges de la réalité scientifiquement vérifiable pour y appliquer à nouveaux frais la démarche fortéenne sur la base d’un doute quasi systématique.

Philippe Marlin, grand ordonnateur de cette nébuleuse, par son triple talent d’écrivant, organisateur et éditeur, propose un premier article de la première partie, le dossier « Réalisme fantastique » sur les long demi-siècles qui nous amène du Printemps des magiciens aux Magiciens d’un nouveau siècle. Il nous propose entre autres un très utile parcours bibliographique quasi exhaustif.

Rémy Boyer s’attaque ensuite à un thème qui ravira les maçons spiritualistes, sans préjudice d’autres amateurs du genre : « Le matin de magiciens et le sujet de l’initiation ». Sujet en effet inépuisable… Suit une contribution de Lauric Guillaud sur le polar ésotérique, qualifié de « nouveau Matin des magiciens ». Il s’est en effet développé ces dernières années, entre autres variantes, des polars maçonniques, des polars marseillais, etc., qui ont enrichi de nombreux domaines et probablement élargi leur public.

Vient ensuite, par l’auteur de ces lignes, une tentative d’analyse de la place que tiennent les littératures de l’imaginaire dans l’actuel paysage des croyances et convictions, deux termes qu’il ne faut pas confondre, dans le cadre d’un désenchantement qui s’effectue par paliers, les tentatives de réenchantement se reconfigurant à chaque étape. Il insiste sur ce que furent les stratégies éditoriales et la force d’imposition de l’imaginaire anglo-saxon.

Pour clore cette première partie, Luis Pellegrini retrace l’histoire d’un périodique brésilien, Planeta, déclinaison lusophone du modèle français, article repris, car écrit en 2012 qui concerne les 40 années d’une revue qui vient de mettre fin à son édition papier.

La deuxième partie est consacrée aux nouveaux territoires fortéens, avec d’abord une entrevue avec Romuald Leterrier par Emmanuel Thibault : « Similitudes entre les expériences d’enlèvements extra-terrestres et les visions chamanistes sous ayahuasca », plante hallucinogène. Cet ethnobotaniste émet quelques hypothèses où la fameuse « mémoire de l’eau » reprend force et vigueur.

Emmanuel Thibault, s’interroge ensuite sur le statut des agents non humains. Endogénie, exogénie. Cette réflexion élargit la question de l’altérité, déjà fort compliquée entre humains. Qu’en serait-il au cas où un ou une extraterrestre se présenterait ? Cet aspect est traité dans l’article suivant où Claude Arz se demande quel pourrait être lors le statut juridique des personnages en question.

La troisième et dernière partie fait retour aux fondamentaux du fortéanisme, en commençant par les near death experiences (les NDE), sensations de mort imminente, considérées par Jean-Michel Kiat comme le reflet d’un questionnement que certains inscrivent dans une dimension métaphysique.

On lira à la suite une entrevue avec Edwin May, ancien directeur du projet Stargate, programme d’espionnage parapsychologique américain. Elle a été menée en 2017 par Geneviève Béduneau et Emmanuel Thibault. Un article de Béduneau « Le processus de conscience et l’Imaginaire masqué » complète cette partie, suivi d’un très intéressant papier du sociologue Jean-Bruno Renard qui traite des Crop circles, aujourd’hui supposées traces d’atterrissage de soucoupes volantes. Il considère ce thème comme accompagnant depuis les années 1860 l’essor du spiritisme, avec des cercles divers et variés supposés magiques, même si c’est à partir de 1980 que les extra-terrestres furent à ce propos convoqués.

Une autre spécialiste, anthropologue, Véronique Campion-Vincent, est ensuite interrogée par Petr Janecek qui définit son parcours et sa méthodologie. Emmanuel Thibault termine cet ouvrage copieux par une étude sur la permanence de l’imaginaire des rites de fertilité en Europe, « entre chamanisme et sorcellerie».

On comprendra que Philippe Marlin, qui se définit comme « un enfant de Planète » et dont le parcours a été retracé sous ce titre en novembre 2019 dans un ouvrage de L’Oeil du Sphinx, où il est longuement interrogé par Claude Arz, n’a pas posé son sac, ni ses outils d’arpenteur.

Avec la réalité aujourd’hui masquée, l’affaire devrait rebondir. Et il ne s’agit pas là d’une plaisanterie, puisque le prochain numéro, qui s’annonce passionnant, traitera des approches écologistes et de leur aspect parfois « collapsophique ». Serons-nous déjà, quand il sortira, dans l’ère post-covidienne ? Espérons-le.

 

jeudi 22 octobre 2020

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LOVECRAFT, LE CONTEUR DES TENEBRES, Frank Belknap Long

 


 

H. P. Lovecraft, le conteur des ténèbres (Encrage, 1987) est la traduction de Howard Phillips Lovecraft, Dreamer on the Nightside, paru chez Arkham House en 1975. Malgré quelques piques de S.T. Joshi reprochant à l’auteur d’avoir parfois mauvaise mémoire (cf 1975), cet ouvrage est remarquable. Ce n’est en effet pas une biographie classique, mais une collection de souvenirs classés par thèmes ou par époques. Et qui mieux que Long pouvait réaliser ce travail : du début des années 20 jusqu’à sa mort, j’ai échangé avec lui une volumineuse correspondance et je l’ai rencontré ou lui ai parlé longuement au moins cinq cent fois : à New York, à Providence et dans les villes côtières qui offrent tant d’intérêt historique et archéologique. Et de fait, c’est un personnage plein de vie qu’il nous restitue, nous faisant partager son étonnant magnétisme, nourri par une érudition folle, des principes bien arrêtés mais aussi une grande modestie. Les récits des réunions du « Kalem Club » sont hautes en couleur, quelles soient accompagnées de délicieux petits plats (chez Sonia) ou de nourritures plus spartiates (chez Long). L’auteur s’interroge longuement sur le puritanisme de Lovecraft et pense que le fiasco de son mariage est la conséquence des difficultés financières du couple et n’a rien à voir avec d’obscures raisons sexuelles. Il voit par ailleurs dans l’étiquette de racisme collée à l’auteur un phénomène qui ressort surtout de « l’ait du temps », la supériorité de la culture aryenne étant acceptée comme un état de fait par une majorité écrasante de ses contemporains, et d’ajouter : jamais je ne l’ai entendu proférer une remarque désobligeante à l’encontre d’une minorité ethnique que ce soit. En fait, et de citer le professeur de psychologie Harry K. Brobst, en tant qu’admirateur du XVIII ème siècle et des traditions de la Nouvelle-Angleterre, il s’offensait de la destruction des sites architecturaux du passé par des immigrants pour lesquels ceci ne représentait pas grand-chose.

Long consacre par ailleurs un long développement à un sujet souvent porté à ébullition, celui du « matérialisme ésotérique » de Lovecraft. Que les choses soient claires : Lovecraft était un matérialiste scientifique extrême. Il ne ressentait aucune attirance pour tout ce qui contredisait les lois en vigueur de la biochimie ou de l’astronomie moderne sur la nature de l’Univers ou sur la vie sur cette planète. S’autoriser à croire à des opinions contraires, même pour un instant, tandis qu’il explorait quelque imaginaire Caverne des Archétypes, lui aurait semblé tout à fait impossible. Et de préciser que pour lui le Mythe de Cthulhu était un concept artistique, et rien d’autre. Mais, en tant que concept artistique, il était d’une importance suprême pour Lovecraft, car celui-ci croyait tout à fait possible qu’il existe quelque chose de merveilleux qui dépasse l’entendement dans la vie rêvée de l’humanité…. On voit poindre ici l’ambiguïté : Dans le Mythe, il existe peut-être d’autres réalités par-delà ce que nous connaissons, un quelconque royaume d’une temporalité éternelle au sein de laquelle de vastes et mystérieuses formes bougent et qui précèdent de trillions d’années la formation de l’univers des étoiles.

 

Ajoutons pour conclure que cette édition est introduite par une préface de Robert Bloch fort intéressante et complété par un riche dossier documentaires (photos, lettres..)


dimanche 18 octobre 2020

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : JE SUIS PROVIDENCE, S.T. Joshi

 

 


 

Saluons le travail colossal effectué par Christophe Thill et son équipe de traducteurs pour nous donner enfin la version française de Je Suis Lovecraft de S.T. Joshi (Actu SF 2019), reprenant le primo-texte de 1996 (cf 1996), avec de très utiles annotations fournissant la référence française (lorsqu’elle existe) des ouvrages ou documents cités par le biographe. J’avais lu ce document lors de sa parution aux USA et je l’ai repris avec beaucoup de plaisir en français. Cela se lit pratiquement comme un roman, et la vie de l’auteur est décortiquée avec tellement de minutie et de précisions que l’on suit pratiquement Lovecraft au jour le jour dans sa courte vie. Que Joshi soit un fan ne fait aucun doute, mais on est toujours surpris par le caractère acéré de sa plume, critiquant l’homme de Providence sur ses points faibles bien sûr (le racisme comme il se doit !), mais aussi sur beaucoup de ses textes dont il met en exergue les faiblesses (selon lui). Cela dit, j’ai beaucoup apprécié la dernière partie de l’étude, dans laquelle Joshi retrace ce qu’il s’est passé après la mort de Lovecraft, à savoir cette extraordinaire montée en puissance des éditions, des rééditions, des études, des pastiches, des produits dérivés (Art, films, musique, jeu de rôle), transformant le « Reclus » en une véritable icône de la culture contemporaine.

 

Quelques petits commentaires personnels sur le « héros » de ce pavé de près de 1400 pages :

° On est évidemment frappé par la précocité de l’auteur qui commence à manier la plume en vers et en prose dès l’âge de sept ans. Et de se lancer, à l’âge où on joue aux billes avec les copains, dans la publication de fanzines sur la science, l’astronomie ou… les chemins de fer.

° Le mythe du « Reclus » est un demi-mythe. Il est vrai qu’il a vécu jusqu’en 1914 dans un univers confiné, orchestré par sa mère et ses tantes, privé pour l’essentiel d’école et donc de relations sociales eu égard à sa mauvaise santé. Mais il sortira progressivement de ce cocon grâce à la découverte de la « Press Amateur » qui lui permettra de nouer de nombreux contacts (en adhérant à l’UAPA), et de prendre son envol en créant son propre « fanzine », The Conservative. C’est en 1921, année de la mort de sa mère, qu’il effectuera sa véritable mutation, comme s’il se libérait d’une chape de plomb…. Le nouveau Lovecraft partira à New York, se mariera (pour peu de temps) puis arpentera les États-Unis (et le Québec) à la rencontre de ses nombreux correspondants.

° On a beaucoup écrit sur Lovecraft et la nourriture, au point d’en sortir une caricature : des boîtes de conserve (notamment de chili con carne), des glaces et du café archi-sucré. Cela n’est pas faux, notamment lors de ses dernières années de « pauvreté » à Providence. Il est vrai aussi qu’il ne buvait pas d’alcool, ne fumait pas et avait en sainte horreur les produits de la mer. Au point de quitter la table lorsqu’un des ses amis avait commandé du poisson, pour aller manger un sandwich au bistrot d’en face. Mais il aimait les restaurants, et notamment un petit italien de Manhattan où il allait se régaler avec Sonia. Laquelle Sonia le gâtait avec ses petits plats qui lui valurent une crise pondérale ! On notera aussi sa faiblesse pour les banquets de Thanks Giving auxquels il était annuellement invité par ses amis. Et on découvrira, avec E.H. Price, sa rencontre avec le curry, d’autant plus apprécié qu’il était « super-hot ».

° Lovecraft et les femmes est un autre sujet incontournable ! Il a découvert avec horreur « les choses de la vie » dans un ouvrage d’anatomie, mais avouera avoir été perturbé par sa libido naissante à l’âge de la puberté. Joshi suppose un petit coup de cœur entre Lovecraft et une auteure amateure, Winifried Virginia Jackson, mais sans grandes preuves il est vrai. Le véritable mystère ce cet homme qui n’aimait pas le sexe sera son mariage surprise avec Sonia Greene. Une « affection intellectuelle » comme on le devine dans les mémoires de Sonia ? Il est à cet égard regrettable qu’elle n’ait point gardé sa correspondance avec l’auteur. En tout état de cause, et après le rapide fiasco de cette union, il ne sera plus question de femmes autres que ses tantes dans la vie de l’écrivain.

° Beaucoup pensent que Lovecraft était un auteur de fiction et en aucun cas un philosophe. Ce n’est pas le point de vue de Joshi qui consacre un chapitre assez dense à cet aspect de l’œuvre auquel il dédiera, du reste, l’un ces cinq tomes de ses Collected Essays (volume V, Hippocampus Press, 2006, 382 pages). On connaît tous les fondamentaux : matérialisme mécanique, athéisme, indifférentisme, mais aussi cosmicisme. L’homme n’est qu’une poussière négligeable dans un univers qui l’ignore. Mais ce qui trouble beaucoup de ses lecteurs, c’est l’arrière-plan occulte de nombre de ses fictions, reposant sur d’obscurs manuscrits ésotériques (authentiques ou inventés comme le Necronomicon) et d’inquiétantes créatures venues d’Ailleurs, quasi- divinités pour les uns, extraterrestres pour les autres. Le biographe balaye d’un trait de plume toute connotation ésotérique dans l’œuvre, citant par exemple l’un des correspondants de Lovecraft, William Lumley : « Comme de nombreux occultistes modernes, il était convaincu de la réalité du Mythe de Lovecraft. Le fait que Lovecraft et ses collègues affirmaient que tout cela n’était qu’invention ne le troublait pas le moins du monde… ». Je pense que l’ambiguïté qui plane sur ce sujet est la conséquence de la place qu’accorde l’auteur au rôle des rêves dans sa création littéraire. Il s’en est expliqué :

 (Lettres à C.A.S du 17 octobre 1930 et à FBL du 27 février 1931, in Selected Letters). Ces deux documents, exhumés par John L. Steadman (cf 2015, H.P. Lovecraft and the Black Magical Tradition), sont d’une grande importance dans le cadre du débat inépuisable sur le « matérialisme ésotérique » de Lovecraft (Fritz Leiber, quant à lui, parle de « matérialisme surnaturel ! »). Lovecraft y explique que les humains n’ont qu’une connaissance limitée de la réalité et que ses visions cosmiques proviennent d’Ailleurs, plus précisément d’un « réservoir subconscient de visions ». Il est du reste très clair sur le sujet dans de nombreuses nouvelles. Ainsi dans Par-delà le mur du sommeil (1919) : Je me suis souvent demandé si la majeure partie des hommes ne prend jamais le temps de réfléchir à la signification formidable de certains rêves, et du monde obscur auquel ils appartiennent. Sans doute nos visions nocturnes ne sont-elles, pour la plupart, qu’un faible et imaginaire reflet de ce qui nous est arrivé à l’état de veille (n’en déplaise à Freud avec son symbolisme puéril) ; néanmoins, il en est d’autres dont le caractère irréel ne permet aucune interprétation banale, dont l’effet impressionnant et un peu inquiétant suggère la possibilité de brefs aperçus d’une sphère d’existence mentale tout aussi importante que la vie physique, et pourtant séparée d’elle par une barrière presque infranchissable.

Il existerait dans l’Univers des entités (entities or life-forms) capables de donner un véritable supplément à nos sens limités. Les Grands Anciens n’existent certes pas en l’état, et on s’est beaucoup mépris sur leur caractère divin. Mais ces formes sont plutôt de nature extrahumaine et ont inspiré la préhistoire de l’humanité. Encore une fois, il n’y a rien de « surnaturel » ici. Cela dit, il n’est pas surprenant que certains hommes cherchent à suivre le même chemin que lui pour découvrir les merveilles des autres architectures, paysages, géométries etc… Les expériences les plus gratifiantes sont celles visant à « recapturer » des fragments de souvenirs flottant dans le subconscient. Mais s’agit-il vraiment de souvenirs ? Le rêve s’appuie sur la réalité et l’expérience du rêveur, qui subissent maintes transformations, marque de fabrique de l’onirisme. Mais quid des visions de cités fantastiques, de murailles cyclopéennes, de sculptures improbables, de gravures étonnantes et d’écritures inconnues ? Voilà matière à un large débat qui pourrait rejoindre les intuitions développées par Lovecraft dans A travers les Portes de la Clef d’Argent (1932-33) sur l’Archétype Universel.


LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE SECRET DU TELEMAQUE, François Lange

 

 


 

François Lange nous fait une belle surprise avec Le Secret du Télémaque (Palémon, 2019), un polar aux couleurs de Bretagne, mettant en scène son policier préféré, le quimpérois François Le Roy. Nous sommes sous le Second Empire, et l’inspecteur est envoyé à Paris afin de prêter main-forte à ses amis du « Cabinet de l’Ombre », officine discrète chargée de protéger l’Empereur. L’ambiance du Paris chamboulé par les travaux d’Haussmann est particulièrement bien rendue et on salive avec les policiers dans les petits bistrots de la périphérie qui seront bientôt détruits ; car l’auteur, et ce n’est pas pour nous déplaire, est un gourmet qui n’a pas son pareil pour nous vanter les charmes du haricot de mouton ou de l’omelette aux rognons ! Et il est vrai que notre inspecteur a besoin de prendre des forces pour participer à une mission plus que délicate, déjouer un complot qui vise à assassiner l’Empereur, complot fomenté par « La Compagnie du Lys Bleu » qui, on le devine, veut rétablir la Royauté en France. Une enquête qui le mènera au cœur de la conspiration, chez la belle comtesse italienne Sérafina Spada qui possède dans son salon une magnifique sculpture des « Bergers d’Arcadie », mais présentant de notables différences par rapport au tableau exposé au Louvre. Je ne spolierai pas le dénouement de la machination diabolique mise au point par les royalistes contre l’Empereur, mais retiendrai surtout l’étonnante conclusion sous forme de décryptage par d’érudits religieux réunis à Saint-Sulpice de l’œuvre mystérieuse dont Le Roy avait pris un croquis. Et si l’intrigante italienne s’était servie comme prétexte de la conspiration royaliste pour viser un autre but, lié au Grand Mystère de l’Histoire Sacrée ?

Un excellent bouquin, d’une lecture très agréable, et qui se terminera sur quelques bolées de cidre de de délicieuses crêpes bretonnes !

 

 


lundi 12 octobre 2020

ASSEMBLEE GENERALE DE L'ODS

 

 

 

Pour des raisons hélas évidentes, notre AG prévue le 24 octobre est reportée. Les adhérents recevront prochainement une Lettre de l'ODS leur proposant une nouvelle date.

On s'en souviendra de 2020

 

Philippe

(Photo AG 2001 !!!)

mardi 6 octobre 2020

CTHULHU, LES CRÉATURES DU MYTHE, Sandy Petersen



 

 Cthulhu, les créatures du Mythe, Sandy Petersen

Un magnifique ouvrage relié (Bragelonne, Sans Détour, 2019) qui reprend les guides publiés pour le Jeu de l'Appel de Cthulhu. Chaque "bestiole" est introduite par un petit texte de Lovecraft, mais sans indiquer la source. On regrettera en effet que ne soit pas donnée la référence littéraire de la création, ainsi que celles des textes des "continuateurs" ayant recyclé le monstre. "L'Encyclopedia Cthuluhiana" de Daniel Harms reste à cet égard incontournable.