Les « levées de fonds par
internet » ont du bon et permettent de réaliser des projets coûteux
difficilement finançables par les circuits classiques. Cela nous a permis
d’obtenir la magnifique « Intégrale Lovecraft » ou l’incroyable
coffret des archives de « Bram Stoker ». Mais à l’opposé, ce système
permet aussi à de jeunes talents sans moyens de nous faire partager leurs
travaux pour un prix modeste. Tel est le cas des « néo-pulps » qui
fleurissent dans l’univers du Kickstarter et qui nous offrent de belles découvertes.
Ainsi Nick O’Gorman qui, sous le timbre de Target Destroyed Comics, vient
de nous adresser 3 magnifiques fascicules. C’est très coloré, mais le trait est
réaliste et la primo-nouvelle est bien respectée. On se régalera avec The Music of Erich Zann,
Beyond the Wall of Sleep, The Doom that came to Sarnath, The Statement of
Randolph Carter et les sympathiques Cats of Ulthar. Et comme
les “grands”, Nick nous livre son travail avec les « goodies »
d’usage : cartes, marque-page, plan dépliable des « Cités sans
nom ». Bravo, il faut continuer et encourager ces « jeunes
pousses ».
On trouve ce réalisateur sur
facebook ; il prépare actuellement un « Herbert West ».
Antonio G. Iturbe nous offre avec La
Bibliothécaire d’Auschwitz (J’ai Lu 2021) une belle surprise. Il s’agit du
récit romancé de la vie de Dita, une petite fille tchèque juive de bonne
famille, qui gravira rapidement, avec ses parents, les marches conduisant de Prague
la Magnifique à l’Auschwitz l’Horreur Absolue. Elle se retrouvera au bloc 31,
un endroit improbable où les nazis avaient toléré que se développe un semblant
d’école pour les enfants juifs, sans leur fournir pour autant les moyens
nécessaires. Dita en était la bibliothécaire, planquant comme elle le pouvait
huit malheureux bouquins qui avaient échappé à la destruction. L’auteur consacre
ici de très belles pages au livre, vecteur de culture mais aussi de liberté par
l’ouverture sur l’Imaginaire qu’il suggère. On se prend à rêver avec Dita en
feuilletant un vieil atlas déchiré qui permet aux enfants de visiter le Congo, le
Vénézuela ou Singapour ! Le meneur de jeu, le dynamique Fredy Hirsh, avait
aussi mis au point un système original : les livres étant notoirement
insuffisants, il avait créé le « livre vivant ». Un « professeur »,
maîtrisant un récit d’aventures, venait le raconter oralement au plus grand
plaisir des élèves. On a ainsi de belles pages sur Le Comte de Monte-Cristo ou
Niels Holgersson et les oies sauvages.
Mais cette « belle histoire »
ne peut masquer la réalité terrifiante, qui est celle de la vie au jour le jour
dans le camp : puanteur, faim, maladies, mort, violences, trahisons. Rien
ne nous est épargné et on est souvent surpris par l’imagination des détenus
pour améliorer à la marge l’enfer du quotidien. On est ainsi admiratif devant l’ingéniosité
des petites équipes du bloc 31 pour organiser dignement la fête juive de
Pessaeh (qui marque le début de l’exode de Moïse dans le désert), avec trois
fois rien.
Un sinistre personnage est
terriblement présent, tout au long de ces pages, le Dr Mengele. Il semble en permanence
sélectionner ses prochains sujets d’expérience. Dita aura du mal à lui échapper,
d’autant plus qu’elle est persuadée qu’il la « cherche ».
Mais quelle est la part de réalité de
cette petite bulle éducative ? Elle n’est finalement qu’un leurre, mis en
place pour rassurer les inspecteurs internationaux au cas d’une visite surprise
de la Croix Rouge. Le bloc sera finalement démantelé et la moitié de sa
population gazée. Dita échappera à ce convoi et sera transférée dans un autre
enfer, celui de Bergen-Belsen. Elle perdra sa mère le jour de la libération du
camp par les anglais.
Âgée de 90 ans lors de la publication
du livre, Dita vit toujours, en pleine forme en Israël. Elle est d’abord
rentrée à Prague où elle s’est mariée avec un autre rescapé, puis s’est enfuie
vers la Terre Promise, ne pouvant pas supporter, après l’horreur nazie, la
brutalité soviétique. Elle a gardé un petit appartement dans la Cité Magique où
elle retourne régulièrement se ressourcer dans la synagogue espagnole ou sur la
tombe de Rabbi Loew.
Un magnifique poème à la gloire de la
liberté et de la volonté.
Les séjours de longue durée à l'hôpital donnent au moins le loisir de faire des révisions :
Dan Brown avait enflammé la planète ésotérique par son Da
Vinci Code. Avec Le Symbole Perdu, (JC Lattès, 2008), il s’attaque à
un autre morceau de choix, le secret des francs-maçons. Robert Langdon est
appelé à Washington pour donner un cours de symbolisme pour le compte d’un de
ses amis, invitation qui n’est autre qu’un piège pour le plonger dans une
sombre affaire de famille et pour le mettre à contribution dans la recherche du
message perdu des Frères. La légende veut en effet que l’humanité ait eu accès,
à l’origine des temps, à un lourd Mystère, une connaissance lumineuse faisant
de l’homme l’égal de Dieu. Mais l’homme se révolta contre son créateur et ce
précieux savoir se perdit. Toutes les écoles symboliques, comme la F+M, en
gardent un souvenir confus. On pense ici à « la Tradition
Primordiale » chère à René Guénon. Il est certain que retrouver ce vieux
secret rendrait à l’homme toute sa plénitude et des pouvoirs illimités. On
laisse entendre qu’il faut passer par le 33ème degré de l’Ordre pour
en retrouver la trace.
La quête de notre professeur érudit
se déroule essentiellement dans la capitale américaine, dans les locaux du
Capitole. Il est vrai que beaucoup de chercheurs romantiques voient dans la
géographie et l’architecture de Washington la profonde empreinte maçonnique des
pères fondateurs de la ville.
La recherche est passionnante,
parfaitement documentée et réservant au lecteur des jets d’hémoglobine parfois
difficilement soutenables. Je ne spolierai pas la chute, mais le fameux secret,
comme « la lettre volée », n’est-il pas sous nos yeux ?
Le Da Vinci Code avait
suscité des tonnes d’ouvrage d’études, analyses et critiques. Ce dernier opus
ne déclenchera pas de torrent littéraire similaire. Signalons cependant Le
Symbole Retrouvé de Giacometti et Ravenne qui décortique bien le travail de
l’auteur américain (2009).
Remarques sur
la Noétique
Mis à part la F+M, la Noétique est
le véritable héros de ce roman par le biais d’une chercheuse, sœur de l’ami de
Robert Langdon à Washington. Wikipedia est très elliptique sur cette
discipline : « La noétique est un adjectif utilisé
en phénoménologie pour désigner ce qui concerne l'acte de la pensée, la noèse.
La noétique est une branche de la philosophie métaphysique et de la philosophie
de l'esprit concernant l'intellect et la pensée. C'est l'étude ou la théorie de
la connaissance, de la pensée. » Nous sommes très proche du concept de
« noosphère » de Teilhard de Chardin qui serait « … la
représentation d'une couche de faible épaisseur entourant la Terre qui matérialiserait à la fois
toutes les consciences de l'humanité et toute la capacité de cette dernière à penser ». On
flirte aussi avec la théorie des archétypes de Jung.
Dans le roman, la noétique est l’analyse des relations qui existent entre
la conscience et la matière. Il existe du reste un très sérieux « Institut
des Sciences Noétiques » à Genève que j’ai eu le plaisir de visiter. Sous
le pilotage de la dynamique Sylvie Dethiolaz, cet institut, qui est un peu de
la même famille que notre « Institut Métapsychique », se consacre
essentiellement aux phénomènes de décorporation (y compris les NDE).
L’approche de Dan Brown est très
« réalisme fantastique ». La science et la tradition ne sont pas des
ennemis, mais au contraire se complètent et beaucoup de textes anciens se font
l’écho d’un savoir aujourd’hui oublié. L’auteur cite de nombreux exemples,
s’appuyant par exemple sur le Zohar pour retrouver la « théorie des
cordes ». On croirait lire Pauwels et Bergier ! « Il semble
exister une « matière invisible » dans le corps humain qui s’en
échappe au moment de la mort. » Cela éclairerait nombre de questionnements
mystiques comme la transmigration, la conscience cosmique, les NDE, la
projection astrale, la vision à distance etc…
G
M
T
Y
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Je ne suis pas un fan des romans
post-apo, mais l’ouvrage de Dmitry Glukhovsky, Metro 2033 (Le Livre de Poche,
2021), m’a interpelé, malgré ses 800 pages (et sans parler de ses deux tomes de
« suites »). On ne connaît pas très bien l’origine de la catastrophe,
mais Moscou a été irradié et les populations se sont réfugiées dans le métro.
Le récit de la façon dont la population s’est « adaptée » à son
nouvel environnement est hallucinant. Heureusement que l’ouvrage comporte deux
cartes pour se repérer dans cet invraisemblable dédale qui a développé une
économie parallèle sur fond d’ultra-violence. La monnaie d’échange est
désormais la cartouche de kalachnikoff ! La saga est celle du jeune Artyom
qui se lance dans une traversée périlleuse des galeries pour essayer de percer
le mystère du réseau décimé par d’étranges créatures noires. Mais
rassurons-nous, le racisme n’est pas au rendez-vous, mais plutôt un fol espoir
de renouveau qui ne tient qu’à un fil ! Ne spoilons pas plus….
Les populations réfugiées sont
organisées en castes, et il est amusant de signaler que l’une d’entre elles
s’intitule « Quatrième Reich ». Des nostalgiques d’un régime qu’ils
n’ont pas connu mais qui leur inspire une politique éloquente : le Métro
aux Russes ! C’est fou jusqu’où la « nazimania » peut aller se
nicher ».