Une lecture superficielle ferait immédiatement penser à l’un de ces innombrables romans médiocres d’espionnage des années 60. Mais Un éclair dans la nuit de Serge Hutin (Energeia 2023) est bien autre chose que cela. D’abord, parce qu’il s’agit du seul (vrai) roman écrit par Serge et retrouvé… 25 ans après sa disparition. Ensuite parce que l’enveloppe « roman d’espionnage » n’est qu’un prétexte pour exorciser le grand drame de la vie de l’auteur, « un drame de l’occulte » comme le dirait le préfacier Roger Facon. Hutin avait déjà, à plusieurs reprises, évoqué cette affaire dans plusieurs livres. Dans L'Amour magique, il évoquait la femme avec laquelle il avait partagé, selon ses dires, deux mois d'un bonheur total avant que la mort ne mette fin à cette idylle. Il revient sur cette jeune femme dans son livre sur Les Sociétés secrètes en Chine, paru chez Laffont en 1976. Elle était niçoise, s'appelait Marie-Rose Baleron de Brauwer, et était "l'une des rares femmes à occuper en France des responsabilités importantes dans le contre-espionnage". " Chef de division au ministère français de l'Intérieur », elle mourut le 27 octobre 1972 dans une assez mystérieuse catastrophe aérienne".
Cette affaire a donné lieu à de nombreuses interrogations. Pourquoi le Viscount d’Air Inter qui allait se poser à Clermont-Ferrand, aéroport de destination, a-t-il fait demi-tour pour s’écraser sur une petite montagne ? Marie-Rose Baleron, commissaire à la DST de Nice, transportait-elle des documents sensibles ? Était-elle effectivement conviée à une réunion de l’AMORC qui devait se tenir le lendemain ? Faisait-elle effectivement partie de cette société initiatique ?[1]
Serge Hutin reprend ces éléments, les jette dans un grand chapeau, secoue le tout et en ressort un petit roman très touchant, en modifiant à peine les identités des participants. La belle commissaire n’est ici pas morte, mais a pris le maquis pendant plus d’un an après l’accident pour ne pas être retrouvée. On imagine sans peine la tête de l’amoureux esseulé face à la découverte de cette « résurrection » Elle transportait des documents convoités par de nombreuses agences de renseignement faisant état d’une technique pour fabriquer de l’or, facilement et à bon marché. Était plus particulièrement sur la piste un certain Ordre Noir, résurgence d’un mouvement de triste mémoire. L’exploitation de ce procédé leur aurait permis de « faire sauter » la finance mondiale et ainsi prendre leur revanche sur la défaite de 1945. Les manœuvres des « méchants » seront bien sûr déjouées et les deux amants pourront enfin entamer une lune de miel bien méritée, au rythme de palaces de rêve, detrains de luxe, de bars feutrés et de tables gastronomiques.
Un beau roman d’amour.
[1] Lu sur le site « Les intervenants actuels de Rennes-le-Château » : Dans son dernier roman -qui est plutôt une nouvelle- : « La seconde vie du commissaire Marie-Ange Sauneron » (édité en 1998 par Alpha International dont il était Président d’honneur), Serge Hutin nous donne un précieux indice : « Elle venait d’établir un rapport détaillé sur les redoutables infiltrations néo-nazies, en France principalement mais en d’autres pays aussi, dont en tout premier lieu l’Italie, sous le couvert d’une organisation fraternelle apparemment anodine se présentant comme l’authentique Ordre du Temple resurgi miraculeusement de ses cendres et appelé à régénérer l’Occident. » S’agirait-il de l’Ordre Rénové du Temple créé en 1968 par Raymond Bernard ?