Jean-Pierre Prior contemple le Bugarach depuis la terrasse de son
établissement en se demandant ce qui va se passer le 21 décembre
prochain.
(© D.R)
Il y a un groupuscule qui vient chaque année près de
Rennes-le-Château. Ses membres prient toute la journée dans la forêt,
habillés en blanc. Ils viennent à bord de grosses cylindrées".
Jean-Pierre Prior et sa femme Nathalie tiennent le restaurant "La Ferme
de Janou" : lui s'occupe de l'élevage (il fournit notamment le grand
chef Gilles Goujon, à Fontjoncouse), Nathalie assurant la gérance.
Originaires du Narbonnais, ils habitent ici depuis 1995 : "On
cherchait des terres pour s'installer et la mairie de Bugarach est la
seule qui nous a aidés. Elle nous a même fait un appartement !". C'était
il y a seize ans... Une époque calme. Le couple savait que des légendes
existaient (base de soucoupes volantes enfouie sous le Pic de
Bugarach, etc.).
"En fait, c'est à partir de 2000 qu'on a vraiment
vu débarquer des gens bizarres. Et pas de condition modeste ! Toujours
des grosses cylindrées, souvent de marque allemande, conduites par des
Canadiens, des Luxembourgeois, des Italiens, des Espagnols, des Suisses,
des Finlandais, des Norvégiens, des Anglais...".
J.-P.Prior se
rappelle des tout premiers : des Québécois : "Ils disaient qu'ils
buvaient leur urine du matin, celle qui contient la mémoire du corps".
L'une des Québécoises avouait cependant y mêler de l'orangeade "afin que
ça passe mieux".
En 2002, le restaurateur se souvient d'avoir
gardé les clés de plusieurs "Mercedes 500" alignées sur son parking :
"Il s'agissait d'un groupe qui allait déjeuner sur le pic. Ils m'ont
demandé un âne de bât pour porter la nourriture. Ils sont redescendus
vers 18 h".
Un jour, il a même reçu la visite d'un homme vêtu de
blanc. Il prétendait être la réincarnation de Jésus : "Il a demandé du
vin pour son repas et mon fils lui a répondu en blaguant : 'Vu qui vous
êtes, multipliez-le !'. Il l'a mal pris".
Voici quelques semaines,
des personnes sont entrées en lui demandant si elles pouvaient déjeuner
en s'éclairant avec des bougies : "Selon elles, les bougies sont bonnes
pour les énergies. Mais craignant qu'ils indisposent les autres
clients, je leur ai dit d'aller manger ailleurs".
Depuis
novembre 2010, "suite à un article paru dans l'Indépendant à propos de
la fin du monde, prévue le 21 décembre, et qui est passé en boucle sur
internet, tout s'est emballé !". À tel point que Jean Prior commence à
s'inquiéter. Pas pour son chiffre d'affaires : en 2012, il prévoit une
augmentation d'environ 10 %. En revanche, l'état d'esprit de certains ne
le rassure pas trop.
"Un Parisien m'a téléphoné pour m'acheter
une parcelle de terrain pour s'y réfugier le 21 décembre avec sa
famille. Je lui ai dit que la fin du monde était une plaisanterie. Il
m'a rétorqué, d'un ton mauvais : 'Vous faites partie du complot des
États. Vous voulez sauver votre famille, pas la mienne...'. Ce genre de
réaction me fait peur. Ce type n'était pas le premier à me parler de
complot. Selon lui les États se sauveraient en laissant mourir leurs
peuples. Et internet relaie ce délire".
Faut-il craindre une paranoïa collective en décembre prochain ? L'hypothèse n'est plus exclue.
Limoux Invasion de réfugiés le 21 décembre ?
Midi Libre
21/05/2012, 06 h 00
"Ici, en hiver, il peut faire jusqu'à -15° sur le pic. Imaginez tous
ces gens un 21 décembre, là-haut, avec leurs gosses... Car le village
n'a pas les capacités d'hébergement nécessaires". Jean Prior s'inquiète.
Les "réfugiés de la fin du monde" (appelons-les ainsi) vont-ils envahir
les rues de Bugarach et les prés alentours ? Les gendarmes lui ont
recommandé de rester chez lui avec sa famille le 21 décembre, et même
au-delà de cette date. Pendant cette période, laisser sa maison vide ne
sera pas forcément une très bonne idée. Les gendarmes ont entamé les
premiers repérages : routes, chemins d'accès au village et au pic ;
espaces de stationnement pouvant être piratés, etc. Ils repèrent aussi
les endroits où les ondes passent pour les téléphones portables.
"Cette
histoire de fin du monde prend peut-être des proportions plus
conséquentes qu'on ne le suppose : à l'aéroport de Montréal, au Canada,
il paraîtrait qu'un panneau vante Bugarach pour échapper à la fin du
monde (lire note ci-dessous). Même les Barcelonais y croient".