lundi 26 septembre 2022

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'ILE DES MORTS, Mosdi & Sorel

 

 


 

Voilà un recueil somptueux, signé Mosdi & Sorel chez Vent d’Ouest (Les Intégrales, 2009). L’Ile des Morts reprend en un gros volume les 5 BD consacrées à la mystérieuse toile de Böcklin. La trame du récit est foisonnante, parfois confuse, mais cela vaut la peine de s’accrocher sans se perdre dans les magnifiques illustrations qui sont un véritable plaisir des yeux. En substance, il s’agit de la saga d’un jeune peintre inconnu qui, piloté par d’obscurs émissaires, va chercher à percer le mystère du tableau.  Il se murmure en effet que l’îlot représenté serait un point de passage entre la vie et la mort et que cette porte peut être franchie dans les deux sens. On devine la suite, l’îlot existe réellement et nos savanturiers vont découvrir sa véritable nature. Une porte, certes, mais surtout à ne pas ouvrir car « n’est point mort qui peut éternellement gésir, au cours des temps la mort même peut mourir ! » Belle idée que de raccrocher les Grands Anciens à ce célèbre tableau.

Pour les amateurs, je conseille le magnifique portfolio consacré à l’Ile des Morts par Druillet et Avril (Galerie Barbier, 2022).



dimanche 25 septembre 2022

LA BEAUTE INVISIBLE, Maurice Magre

 


 

 

Il n’y a plus de solitude pour celui qui a retrouvé les racines cachées qui joignent l’homme à la nature. Il n’y a plus de découragement pour celui qui voit la beauté du monde. La crainte de la mort n’existe pas et elle se change même en espérance pour celui qui, par le jeu et la profondeur de sa contemplation, a pu atteindre les premières lueurs des mondes invisibles et leur beauté surnaturelle. Changer le désespoir en beauté, découvrir le secret de cette transmutation, voilà peut-être le problème essentiel de l’homme. Tel est le message que nous transmet un grand poète occitan. (Éditions ODS)

ON BOUQUINE A PLEUVEN


 

samedi 24 septembre 2022

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : CONVERSION, Philippe Hui



 

 

 

 

 

Les saunièrologues seront déçus. Philippe Hui a été pendant de nombreuses années le premier-adjoint au maire de Rennes-le-Château mais, dans son ouvrage de souvenirs (Conversion, Uragan Éditions, 2022), il ne cite qu’une seule fois le nom de notre colline favorite. À la retraite aujourd’hui à la Réunion, c’est d’un tout autre sujet dont il veut nous entretenir. Celui de sa foi religieuse, de son échec dans les ordres et d’un retour douloureux à la vie civile. Né dans une famille catholique normande très pratiquante, il suivra consciencieusement le chemin que semble lui indiquer « le petit Jésus ». Ce n’est pas un élève surdoué, ce n’est pas un leader, il ne passe pas son temps avec des copains au bistrot, il ne court pas les jupons. Non, c’est un petit garçon réservé qui va faire l’expérience de l’ordination. Le rêve se lézarde insensiblement comme les locaux du séminaire puis des paroisses qui laissent à désirer. Mais ce dont il souffre le plus, c’est de la solitude affective qu’implique le célibat. « Les repas pris en commun » avec ses collègues de paroisse lui pèsent lourdement, et même si Philippe est tout sauf un obsédé sexuel, c’est dans le mariage qu’il trouvera son salut. Il est amusant de suivre sa démarche : pas de coup de foudre, mais une recherche structurée de la compagne idéale. Une forme de « meetic » avant la lettre. Il nous propose ensuite un chapitre édifiant sur « l’après » et notamment sur la façon peu élégante dont l’Église traite ses pasteurs lorsqu’arrive l’âge de la retraite.

Et la foi dans tout cela ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’est effilochée au cours du temps et s’est transformée en un doute existentiel. Philippe Hui nous livre à la fin de son récit l’esquisse de ce qui pourrait être une « théologie pour les nuls ». Il montre bien comment la religion chrétienne (pas plus que les autres du reste !) n’a jamais répondu aux questions fondamentales de l’humanité. Comment comprendre notamment la contradiction fondamentale qui existe entre un « Dieu bon » et la présence permanente du mal. Oui, bien sûr, c’est le péché originel ! Il balaye également d’un revers de manche l’argument anthropique : le monde est beau et a été conçu par une Intelligence pour qu’il soit au service de l’homme. Ben oui, Dieu a donné des graines aux hommes pour qu’ils puissent faire pousser du blé mais a aussi créé des oiseaux pour détruire les récoltes.

Un excellent petit ouvrage, mal structuré, à l’écriture parlée, mais qui a le mérite de faire réfléchir à ce qu’on appelle « la crise des vocations ». Nos amis orthodoxes, anglicans ou protestants ont au moins le mérite d’échapper aux dégâts du célibat imposé !


dimanche 11 septembre 2022

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA DICTATRICE, Diane Ducret

 


 

Avec La Dictatrice (J’Ai Lu, 2020), Diane Ducret frappe un grand coup. Une politique-fiction qui démarre en 2023 et qui s’emboîte directement sur notre actualité quotidienne[1]. Les démocraties s’essoufflent, engoncées par leur surconsommation, et les régimes populistes pérorent, se drapant pudiquement dans un manteau de fausse modestie. Une jeune journaliste de guerre, Aurore Henri-, née sous X et manifestement paumée dans sa vie, se révolte en participant à une manifestation monstre à Munich. Et il y a de quoi ! Les dirigeants bedonnants ont décidé de dissoudre la communauté Européenne et de reprendre leur entière souveraineté. Lancée par AH (tiens ces initiales !), un pavé atteint sa cible et blesse l’un des hommes d’état durant sa conférence. Arrêtée immédiatement malgré les réprobations du public, la journaliste aura droit à un procès retentissant, suivi tout autour de la planète par l’espoir fou qu’elle sème avec passion : guérir les hommes de leur tendances destructrices, bâtir une société nouvelle où régneraient la paix et l’harmonie. Elle parle d’eunomie et insiste fortement sur la place que les femmes devraient avoir dans la politique. Elle écopera pourtant 5 ans de prison à Landsberg (tiens, un autre AH y a effectué également un stage littéraire !), rédigeant ses mémoires et écrivant son programme. Son tweet hebdomadaire fait exploser tous les compteurs et le personnel pénitentiaire est obligé de recruter pour gérer les tonnes de courrier que reçoit la détenue.

Elle sera récupérée à sa sortie de prison par un groupe mystérieux de sponsors qui voient en elle « le sauveur ». Et force est de constater qu’en 5 ans, l’état de la planète s’est fortement dégradé, le Maître du Kremlin (on t’a reconnu !) prenant un malin plaisir à désorganiser le marché des céréales et celui de l’énergie. Le dérèglement climatique continue son œuvre destructrice alors que les budgets nationaux, asséchés, ne permettent plus d’assurer un minimum de maintenance dans les services publics.

La suite se dessine aisément, même si la course pour le pouvoir menée par EH AH est en permanence perturbée par une autre recherche, celle de ses origines et de sa génitrice. Elle deviendra chancelière d’Europe, coiffant les États-Nations du continent en se faisant voter les pleins pouvoirs. Elle débloquera les oukases du Kremlin, nous présentant  un Poutine plus vrai que nature mais avec des travers libidineux que je ne lui connaissais pas. La situation économique et sociale s’améliore sensiblement, l’histoire est réécrite et la femme est mise sur un piédestal. C’est l’ère du « féminin sacré ». Nous avons droit à de magnifiques pages « d’archéologie » à la recherche de la sainte vulve, le vagin originel détrônant le big bang pour nous permettre d’appréhender la création suprême. Mais le système tourne vite au délire, les opposants étant éliminés sans merci et AH, pour faire parler les « récalcitrants », s’appuie sur les services d’un médecin fou auprès duquel le Dr Mengele fait figure de timide carabin.

Je ne spolierai pas la fin, sanglante comme il se doit, et qui nous renvoie encore cruellement à notre situation actuelle.



[1] Une lecture d’août 2022.