dimanche 10 avril 2016

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE TERTRE, Zélia Bishop




Le Tertre (1930, une révision pour Zélia Bishop, The Mound, in Weird Tales 1940). Un véritable mini-roman, là encore pour l’essentiel dû à la plume de Lovecraft. Et un récit à classer dans la catégorie des « fondamentaux », aux côtés des Montagnes Hallucinées et de Dans l’Abîme du Temps, par la profondeur de sa vision cosmique et la densité de son « monde perdu ».

Nous y retrouvons notre ethnologue (cf La Malédiction de Yig) traquant les légendes indiennes les plus curieuses de l’Oklahoma. Il s’agit cette fois d’une rumeur insistante faisant état d’apparitions de fantômes indiens sur un tertre désert près de la ville de Binger. Il s’agirait d’un vieil homme errant sans but la journée et d’une squaw sans tête qui hanterait la nuit avec une torche crachant une lumière bleue. Notre savant est hébergé chez Mr Compton, un notable du lieu qui lui résume volontiers les légendes locales. Un jeune homme de Binger, Heaton, mena la première exploration en 1891 et en revint à moitié fou parlant de spectres et d’hommes blancs mutilés. Puis ce fut le cas de deux archéologues amateurs qui ne revirent jamais. En 1916, le capitaine Lawton entreprit des recherches. On le retrouvera horriblement mutilé, murmurant avant de mourir : lumière bleue, Grand Tulu, Azathoth, Nyarlathoyep…. De nombreuses autres expéditions se terminèrent de façon aussi tragique, notamment celle des frères Clay dont le survivant était marqué au fer rouge d’étranges hiéroglyphes.
Malgré les mises en garde de Mr Compton et du vieil Aigle Gris, chef du village, l’ethnologue monte sa propre expédition en solitaire, aucun habitant ne souhaitant l’accompagner. Muni de quelques outils et d’une amulette confiée par le vieux sage, notre explorateur entreprend de débroussailler le tertre à la recherche d’une entrée et met la main sur un cylindre, fait d’un curieux métal, décoré de gravures de monstres sans nom et contenant un manuscrit. Il rentre rapidement chez Compton et s’enferme pour décrypter ce qui s’avère être le journal du gentilhomme Panfilo de Zamacona, un des coéquipiers de Coronado lors de la conquête du Nouveau Monde au XVIe siècle. Attiré par les légendes voulant que la région du tertre soit l’entrée menant à la fabuleuse cité d’or de Cibola, il entreprend d’en explorer les souterrains. De caves en cryptes, de grottes en couloirs, de galeries recouvertes de gravures grotesques en descentes vertigineuses, Zamacona finit par déboucher dans un véritable monde souterrain nimbé de lumière bleutée. Il y décèle des bêtes monstrueuses et se réfugie, pour leur échapper, dans un temple d’or où trône une effrayante statue en forme de pieuvre. Il est récupéré par une équipe d’indigènes qui communique avec lui par la pensée. Il est dans le monde de K’n-yan, un peuple très ancien venu des étoiles qui s’est réfugié sous terre il y a des éons, lors des grands cataclysmes qui ont secoué la surface de la planète. Il est traité avec beaucoup d’égards et on lui propose de collaborer en faisant le récit de l’histoire de la terre. Mais il lui sera interdit de remonter à la surface.
Il découvre un monde très évolué techniquement, mais en pleine décadence, la recherche du plaisir et d’émotions fortes étant la seule motivation d’une population pratiquement immortelle. Les traitres sont transformés en chair de mort-vivant, pour occuper les tâches domestiques er servir de nourriture à leurs bêtes monstrueuses de transport, les gyaa-yothn. Ils adorent Tulu et Yig et évitent la région souterraine de Yoth, éclairée de lumière rouge, et qui aurait abrité une race non humaine. Encore plus profond se situe la zone noire qui, d’après certaines légendes, aurait été l’univers de Tsathoggua. L’accès en a été colmaté.
Zamacona cherchera à fuir en compagnie d’une esclave, T’la-yub. L’opération échouera et la servante sera transformée en chair mort vivante. Il renouvellera la tentative par le biais de la dématérialisation, technique qu’il a apprise à K’n-yan.
Ce récit aiguisera la curiosité de l’ethnologue qui reprendra ses recherches sur le tertre en finira trouver une entrée. Son incursion le remplira de terreur, à la fois par les gravures et statues blasphématoires qu’il croisera en permanence, mais aussi par les nombreux cadavres des expéditions précédentes qu’il rencontrera. Se sentant entouré de mystérieuses présences et poursuivi par des choses mortes, il prendra ses jambes à son cou, non sans avoir remarqué que l’une de ces odieuses masses mortes portait gravé sur la chair le nom de T’la-yub.

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