° 1848 (juillet), publication d’Eurêka. Poe écrira à sa tante Maria
Clemm : Je dois mourir. Je n’ai plus le désir de vivre puisque j’ai
fait Eurêka.
Dans sa biographie, George
Walter* n’hésite pas à qualifier ce texte comme étant un autoportrait spirituel
sans équivalent dans la littérature. Et de fait, nous sommes en présence d’un
véritable « monument » que le poète qualifiera modestement de poème. Mais
c’est bien plus que cela : un essai très dense dans lequel l’écrivain
développe sa propre « Théorie du Tout », sur base de connaissances
scientifiques pointues et d’intuitions fulgurantes. L’Univers est le poème de
Dieu. Il est le fruit d’une explosion initiale, fruit de la volonté divine. Les
particules projetées s’organisent en atomes qui s’agglomèrent pour créer les
corps célestes, mais dans un phénomène d’expansion sans cesse contrecarré par
une force répulsive qui veut que la matière revienne à sa source pour retrouver
le Grand Tout. L’Univers est baigné dans la lumière divine et l’homme en est
partie intégrante. L’homme traverse son existence bizarre environné de
souvenirs, obscurcis mais toujours présents, d’un Destin plus vaste qui remonte
loin, bien loin dans le passé. Ses tentatives, souvent maladroites, pour
percer le voile (retrouver l’Unité), sont à l’origine du mal.
Cette publication sera un échec
commercial. Le texte est difficile à lire et sa « spiritualité »
choquera la classe des scientistes. Mais il sera progressivement redécouvert,
dans la mesure où il anticipe plusieurs découvertes de la physique du XXe
siècle : l’âge fini des étoiles comme explication du noir de la nuit, les
trous noirs et les trous de ver, la théorie du chaos, la matière sombre,
l’existence des nébuleuses extragalactiques et leurs regroupements en amas de
galaxies, l’expansion de l’espace, l’atome primitif, le Big Crunch, la notion d’espace-temps
etc. Le cosmologue Jean-Pierre Luminet consacrera du reste une préface fouillée
sur l’importance de ces « intuitions » dans une récente réédition d’Eurêka
(Dunod, 2017)
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