lundi 22 juillet 2019

ANDRE AMAR DANS PLANETE




À Sciences Po, j’ai eu ma période philosophique. J’ai fait Sciences Po Service public, je me préparais au concours d’entrée à l’ENA. On voit très bien la matière première sur laquelle je travaillais, la finance publique, l’économie, le droit administratif, etc. Mais il y avait aussi des matières optionnelles : j’avais choisi l’option philosophie. Mon professeur de philosophie (décidément, les professeurs de philosophie m’ont marqué !) était un philosophe reconnu, André Amar, juif revenu des camps de concentration. Le titre de son cours était « L’Europe a fait le monde ». André Amar — tout est lié — était un collaborateur de la revue Planète, et les éditions Planète ont publié le cours que je suivais, L’Europe a fait le Monde (Présence Planète, 1966).
Ce cours avait pour moi quelque chose de fabuleux. Il y a deux grandes théories philosophiques de l’histoire : l’histoire cyclique, la loi de l’éternel retour, thèses développées par Jean-Charles Pichon, par exemple ; on est dans des univers cycliques ; ce sont des univers qui me déroutent, ce n’est pas satisfaisant parce que si l’histoire est cyclique, c’est que quelqu’un a créé le cycle, il manque quelque chose pour moi. L’autre grande théorie de l’histoire, dont André Amar était un représentant moderne, c’est l’histoire évolutive, dont Hegel est le père ; l’histoire n’est pas un trait linéaire, mais un trait avec des creux et des bosses ; contrairement au cycle, auquel il manque quelque chose, avec Hegel, on a la réponse : c’est la montée de l’esprit dans l’histoire. André Amar professait cette thèse qui me fascinait.
Pour l’anecdote, j’ai rédigé une petite note de lecture sur cet ouvrage que j’ai adressé au Monde des Livres. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une réponse amicale de Dominique de Roux, le patron des « Cahiers de l’Herne », qui devait également collaborer à l’époque au quotidien. J’ai eu le plaisir d’aller prendre un pot avec ce grand bonhomme trop tôt disparu et nous avons, dans un bistrot de la rue d’Assas, refait le monde autour de Lovecraft. Allusion, bien sûr, au monumental « Cahier » qu’il venait de publier.

  • La pensée planétaire, qu'est-ce que c'est ?, Planète no 22, mai/juin 1965.
  • Pourquoi la philosophie ?, Planète no 31, 1966.
  • L’Europe a fait le monde - Une histoire de la pensée européenne, Présence Planète, 1966.
  • Machines, publicités, drogues… L’homme artificiel cède la place à l’homme naturel, Planète no 31, novembre-décembre 1966, p. 182-183.
  • Pour comprendre le structuralisme, Planète no 37, 1967.
  • Qu’est-ce que la politique-fiction ?, débat avec J. Bergier, R. Merle, H. Viard, B. Thomas, B. de Jouvenel, Planète no 41, 1968.

1 commentaire:

Laurent a dit…

surprenant de trouver en préface Thierry Maulnier, le respect dépassait les clivages