À Sciences Po, j’ai eu ma période
philosophique. J’ai fait Sciences Po Service public, je me préparais au
concours d’entrée à l’ENA. On voit très bien la matière première sur laquelle
je travaillais, la finance publique, l’économie, le droit administratif, etc.
Mais il y avait aussi des matières optionnelles : j’avais choisi l’option
philosophie. Mon professeur de philosophie (décidément, les professeurs de
philosophie m’ont marqué !) était un philosophe reconnu, André Amar, juif
revenu des camps de concentration. Le titre de son cours était « L’Europe
a fait le monde ». André Amar — tout est lié — était un collaborateur
de la revue Planète, et les éditions
Planète ont publié le cours que je suivais, L’Europe
a fait le Monde (Présence Planète, 1966).
Ce cours avait pour moi quelque chose de
fabuleux. Il y a deux grandes théories philosophiques de l’histoire :
l’histoire cyclique, la loi de l’éternel retour, thèses développées par Jean-Charles
Pichon, par exemple ; on est dans des univers cycliques ; ce sont des
univers qui me déroutent, ce n’est pas satisfaisant parce que si l’histoire est
cyclique, c’est que quelqu’un a créé le cycle, il manque quelque chose pour
moi. L’autre grande théorie de l’histoire, dont André Amar était un représentant moderne, c’est l’histoire évolutive, dont
Hegel est le père ; l’histoire n’est pas un trait linéaire, mais un trait
avec des creux et des bosses ; contrairement au cycle, auquel il manque
quelque chose, avec Hegel, on a la réponse : c’est la montée de l’esprit
dans l’histoire. André Amar professait cette thèse qui me fascinait.
Pour l’anecdote, j’ai rédigé une petite
note de lecture sur cet ouvrage que j’ai adressé au Monde des Livres. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une
réponse amicale de Dominique de Roux, le patron des « Cahiers de
l’Herne », qui devait également collaborer à l’époque au quotidien. J’ai
eu le plaisir d’aller prendre un pot avec ce grand bonhomme trop tôt disparu et
nous avons, dans un bistrot de la rue d’Assas, refait le monde autour de
Lovecraft. Allusion, bien sûr, au monumental « Cahier » qu’il venait
de publier.
- La pensée planétaire, qu'est-ce que c'est ?, Planète no 22, mai/juin 1965.
- Pourquoi la philosophie ?, Planète no 31, 1966.
- L’Europe a fait le monde - Une histoire de la pensée européenne, Présence Planète, 1966.
- Machines, publicités, drogues… L’homme artificiel cède la place à l’homme naturel, Planète no 31, novembre-décembre 1966, p. 182-183.
- Pour comprendre le structuralisme, Planète no 37, 1967.
- Qu’est-ce que la politique-fiction ?, débat avec J. Bergier, R. Merle, H. Viard, B. Thomas, B. de Jouvenel, Planète no 41, 1968.
1 commentaire:
surprenant de trouver en préface Thierry Maulnier, le respect dépassait les clivages
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