L’ouvrage de René Descadeillas, Mythologie du Trésor de Rennes (Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, Mémoires, tome VII, juillet 1974 ; repris et étoffé chez Savary, 1989, puis chez Collot, 1991) est le premier grand monument du debunking catelrennais. Un livre très riche, qui commence par reprendre les faits, ceux du vivant de Saunière (cf sa première contribution sur le sujet en 1962), à la lumière du bon sens et de la critique. Il est vrai que René Descadeillas (1909 – 1986) fut secrétaire d’une personnalité politique locale, journaliste, bibliothécaire, secrétaire général de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne et conservateur au musée des Beaux Arts de cette même ville. Sa thèse est simple : trafic de messes et gestion de dons importants, sur la provenance desquels l’abbé ne pouvait guère être bavard en raison de leur caractère « politique ». Descadeillas a une petite faiblesse pour la thèse dite des Habsbourg, famille avec laquelle il aurait pu être mis en contact par la famille de Chambord. « Paraît-il extraordinaire qu’un jour, quelque aristocrate autrichien, peut être quelqu’attaché d’Ambassade, soit venu jusqu’à Rennes voir comment on employait l’argent donné ? Qu’il y soit revenu ? Qu’on l’y ait vu plusieurs fois ? ».
Mais l’intérêt de l’ouvrage du conservateur n’est pas que dans la simple analyse de la vie « étrange » de Saunière. Son témoignage sur les éléments contemporains qui ont contribué à « fabriquer le Mythe » est de la plus haute importance.
Suit en effet un chapitre plein de sympathie et de nostalgie sur les débuts de la période Corbu (1946) : la mise au point de « la belle histoire » enregistrée sur cassette magnétique (1955), les premiers articles sensationnalistes dans la Dépêche du Midi (1956), l’arrivée des premiers chercheurs de trésor et de Robert Charroux. Puis c’est en 1965 l’irruption d’un nouveau venu dans la région, Gérard de Sède. Descadeillas n’a pas de sympathie pour l’écrivain et ne le cache pas. S’il lui reconnaît une « belle plume », il dénonce vigoureusement son manque de sens critique sur chacun des éléments qui vont fabriquer « l’Or de Rennes ». Et l’analyse est percutante : enquête impitoyable qui aboutit à la conclusion que les « documents secrets » sont des faux, que la filiation mérovingienne aboutissant dans le Razès ne repose sur rien, que la description de la dalle de la tombe de la dame de Hautpoul par Ernest Cros est de la plus haute fantaisie…. etc. A noter également quelques paragraphes vitriolés sur les apparitions ponctuelles de Pierre Plantard à Rennes-les-Bains et sur ses contacts avec l’abbé Courtauly qu’il fera parler abondamment……. après la mort de l’intéressé, et ce en lui prêtant des propos totalement extravagants.
Quoiqu’il en soit, la publication de l’ouvrage de Gérard de Sède (1967) donne à l’affaire une nouvelle dimension, à tel point que l’évêché de Carcassonne, sous la signature de Mgr Boyer, se devra de faire une mise au point (1967). Cela n’empêchera pas la recherche du trésor de mobiliser de plus en plus d’énergies, et Descadeillas nous raconte avec beaucoup d’humour l’aventure d’un ingénieur de Strasbourg, Léon Fontan, qui découvrit en 1971 la fameuse cache ! Les « manipulations douteuses » continuent de se multiplier, avec notamment la récupération castelrennaise de l’assassinat, en 1967, de Fakkar-Ul-Islam dans le Paris Genève. C’est enfin l’époque où Henry Lincoln commence à pointer le bout de son nez……
L’ouvrage se termine par une série de dossiers annexes sur les principaux points techniques de l’affaire (le pilier wisigothique, la dalle du chevalier, la tête sculptée de RLB, le tableau de Poussin, Dagobert II etc……) avec tous les éléments nécessaires pour se faire une opinion étayée.
Au total, un ouvrage fondamental auquel je n’aurais qu’un seul reproche à adresser : pourquoi n’a-t-il jamais été traduit en anglais, cela aurait peut-être évité à nos amis anglo-saxons d’écrire des tonnes de bourdes !
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