C’est toujours avec plaisir que je retrouve la
belle ville de Nantes où j’ai passé de bons moments dans la décade 90. Une
ville qui ne cesse d’évoluer en accordant toujours une large place à la culture.
Une visite qui m’a permis de retrouver Lauric Guillaud (photo), Jean-Paul Debenat et
André Savéant, les trois piliers locaux, et Jean-Christophe Pichon qui avait l’espace
d’une journée abandonné ses poules de Logodec pour nous rejoindre.
Direction le
Lieu Unique, cet ancien bâtiment de la biscuiterie LU, transformé en un grand
centre culturel qui abritait une exposition hommage à H.R. Giger, Seul avec la Nuit (entrée libre).
Nous avions, en 2014, sous le pilotage éclairé
de Hugo Soder, visité son fantastique musée à Gruyères, Suisse. C’était en
avril et en mai, l’artiste a trouvé le moyen de se tuer bêtement en tombant
dans un escalier. Il avait 74 ans.
Giger m’a toujours fasciné, et j’ai eu la chance
de le rencontrer au Festival Chimeria de 2012, cette grande manifestation des
Arts Graphiques donné dans ma ville natale de Sedan. Plus réduite par
définition que celle du musée de Gruyères, l’exposition nantaise laisse une
impression agréable d’espace et de légèreté, alors que celle de Suisse suscite
un parfum oppressant, malaise certainement dû à la forte concentration d’horreurs
qui y sont rassemblées.
Car Giger est un artiste tourmenté qui, à côté de son
célèbre Alien, a exprimé avec
violence sa phobie des bébés, son dégoût du phénomène de l’accouchement et son
amour équivoque pour les femmes, suite à des relations agitées avec ses
premières égéries, Li et Mia.
Des phantasmes qui donneront de grandes œuvres :
l’un des murs du bar Giger est tapissé de crânes de nouveaux nés ; le
vagin de la femme se transforme en une monstrueuse machine broyeuse ;
quant à ses égéries, elles n’hésitent pas à s’accoupler avec le Baphomet.
La manifestation ligérienne était plutôt tournée
vers l’incontournable Alien et sur une
création artistique étonnante, mêlant l'organique et la
mécanique, œuvres mutantes à la
frontière des deux mondes. Cette nouvelle forme d'art, qui s'inspire notamment
des univers formels de Dado, Gustave Moreau, d'Hector Guimard et de Hans Bellmer, sera nommée par lui-même la biomécanique.
Un courant très
à la mode aujourd’hui sous le nom de transhumanisme[1].
On y retrouvera évidemment les illustrations de notre
livre maudit préféré. C’est en 1977 que va paraître en effet le fameux
portfolio connu sous le nom de Necronomicon
de Giger (Sphinx Verlag, Basel[2]). Giger
a découvert Lovecraft par son ami Robert B. Fisher qui lui avait demandé une
illustration pour son fanzine Cthulhu
News. Il publiera ensuite un Necronomicon
II en 1985. En 1975, il avait déjà participé à un film de Golowin intitulé H.R. Giger Necronomicon. En fait, et en
dépit du titre emprunté à notre livre sulfureux, ces travaux sont assez
éloignés de l’œuvre d’Abdul Alhazred. Il s’agit en fait essentiellement d’une
compilation des somptueuses créations de l’artiste relevant de la biomécanique.
Autre belle évocation : en 1975,
il est approché pour travailler sur le projet d’adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky, pour
lequel il conçoit l’environnement des Harkonnen. Il y travaille jusqu’en 1977,
année où le projet est abandonné, les financiers s’étant retirés. Ses travaux
conceptuels sont cependant visibles dans ses livres. On pourra notamment voir
la magnifique table de réunion des Empereurs de Dune et leurs fauteuils
étonnants. La reconstitution de « petit train de l’épice », certainement
parce que trop volumineuse, est hélas testée à Gruyères.
Et puis, n’oubliez pas d’acheter en sortant le
catalogue de l’exposition publié par « Le Lieu Unique ». Il reprend
les tableaux et sculptures de l’exposition, après une introduction consistante
sur l’œuvre de Giger. Et il ne coûte que 20 €.
3 - Jusqu’au 19 novembre, exposition « Corps Concept » sur le transhumanisme à la Maison d’Ailleurs (Yverdon, Suisse).
[2] On recommandera la belle édition de 1991 (rééditée en
2005) chez Morpheus International avec une introduction de Clive Barker.
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