mardi 18 janvier 2022

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LA BIBLIOTHECAIRE D'AUSCHWITZ, Antonio G. Iturbe


 

 

Antonio G. Iturbe nous offre avec La Bibliothécaire d’Auschwitz (J’ai Lu 2021) une belle surprise. Il s’agit du récit romancé de la vie de Dita, une petite fille tchèque juive de bonne famille, qui gravira rapidement, avec ses parents, les marches conduisant de Prague la Magnifique à l’Auschwitz l’Horreur Absolue. Elle se retrouvera au bloc 31, un endroit improbable où les nazis avaient toléré que se développe un semblant d’école pour les enfants juifs, sans leur fournir pour autant les moyens nécessaires. Dita en était la bibliothécaire, planquant comme elle le pouvait huit malheureux bouquins qui avaient échappé à la destruction. L’auteur consacre ici de très belles pages au livre, vecteur de culture mais aussi de liberté par l’ouverture sur l’Imaginaire qu’il suggère. On se prend à rêver avec Dita en feuilletant un vieil atlas déchiré qui permet aux enfants de visiter le Congo, le Vénézuela ou Singapour ! Le meneur de jeu, le dynamique Fredy Hirsh, avait aussi mis au point un système original : les livres étant notoirement insuffisants, il avait créé le « livre vivant ». Un « professeur », maîtrisant un récit d’aventures, venait le raconter oralement au plus grand plaisir des élèves. On a ainsi de belles pages sur Le Comte de Monte-Cristo ou Niels Holgersson et les oies sauvages.

Mais cette « belle histoire » ne peut masquer la réalité terrifiante, qui est celle de la vie au jour le jour dans le camp : puanteur, faim, maladies, mort, violences, trahisons. Rien ne nous est épargné et on est souvent surpris par l’imagination des détenus pour améliorer à la marge l’enfer du quotidien. On est ainsi admiratif devant l’ingéniosité des petites équipes du bloc 31 pour organiser dignement la fête juive de Pessaeh (qui marque le début de l’exode de Moïse dans le désert), avec trois fois rien.

Un sinistre personnage est terriblement présent, tout au long de ces pages, le Dr Mengele. Il semble en permanence sélectionner ses prochains sujets d’expérience. Dita aura du mal à lui échapper, d’autant plus qu’elle est persuadée qu’il la « cherche ».

Mais quelle est la part de réalité de cette petite bulle éducative ? Elle n’est finalement qu’un leurre, mis en place pour rassurer les inspecteurs internationaux au cas d’une visite surprise de la Croix Rouge. Le bloc sera finalement démantelé et la moitié de sa population gazée. Dita échappera à ce convoi et sera transférée dans un autre enfer, celui de Bergen-Belsen. Elle perdra sa mère le jour de la libération du camp par les anglais.

Âgée de 90 ans lors de la publication du livre, Dita vit toujours, en pleine forme en Israël. Elle est d’abord rentrée à Prague où elle s’est mariée avec un autre rescapé, puis s’est enfuie vers la Terre Promise, ne pouvant pas supporter, après l’horreur nazie, la brutalité soviétique. Elle a gardé un petit appartement dans la Cité Magique où elle retourne régulièrement se ressourcer dans la synagogue espagnole ou sur la tombe de Rabbi Loew.

Un magnifique poème à la gloire de la liberté et de la volonté.


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