Le Point.fr
- Publié le 17/04/2012 à 00:00
Celui qui a légué son nom au comte Dracula se venge des assassins de son père en les empalant à la sauce turque.
Vlad déjeunant devant des empalés / Portrait de Vlad.
© DR
Vlad III Dracul, prince de Valachie, n'est pas du style à pardonner à
ses ennemis. Lorsqu'il récupère le trône princier, dix ans après
l'assassinat de son père et de son frère, il n'a qu'une idée en tête :
se venger des boyards (aristocrates orthodoxes) ayant autrefois
participé au complot. Il décide de tous les porter pal. Ne le
surnomme-t-on pas l'Empaleur depuis qu'un séjour forcé de quelques
années en Turquie lui a appris à apprécier cette spécialité locale ? Il choisit de passer à l'action le dimanche de Pâques 1457, quand toute la noblesse du pays se rend traditionnellement au château princier de Târgoviște, la capitale de la Valachie, pour fêter la résurrection du Christ. La cérémonie religieuse se déroule sans accroc. Les boyards assistent religieusement à l'office, assis sur leurs grosses fesses encore intactes. Ils n'imaginent pas un seul instant que la crucifixion dont a souffert le Christ relève d'un gentil exercice de relaxation en comparaison de ce qu'ils vont bientôt endurer. Après la messe, les deux cents convives se rendent dans la salle du banquet où, dans une joyeuse ambiance, ils mangent, boivent et dansent. Vlad reste silencieux, cela aurait dû les alerter. Puis, sur un signe discret de sa part, la salle est aussitôt envahie par plusieurs dizaines de gardes qui entourent les invités. Stupeur et effroi de l'assistance. Leur hôte se fait un plaisir de leur annonce la fâcheuse nouvelle : il est temps qu'ils paient leur trahison commise dix ans plus tôt. Les chefs de famille auront l'honneur d'être empalés. On n'est pas sûr qu'ils l'apprécient, surtout en pleine digestion, mais à qui se plaindre ? Le Tribunal pénal international n'existe pas encore.
Deux méthodes
À l'intention des internautes intéressés par l'artisanat de l'époque, voici comment les bourreaux pratiquaient le supplice du pal. Ils avaient le choix entre deux méthodes, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. La plus rudimentaire, préférée en leur temps par les Assyriens, consiste à planter le pal sur le sol, puis à embrocher les victimes en posant leur sternum sur la pointe. Au départ, il faut exercer une pression pour transpercer le corps, qui glisse ensuite le long du pal. Celui-ci étant légèrement conique, le supplicié peut mettre plusieurs jours pour atteindre la base du pal, tout en restant vivant car le bourreau prend soin qu'aucun organe ne soit abîmé lors de la traversée du corps. Il serait tellement navrant que le spectacle s'achève avant même de démarrer.La méthode turque, également pratiquée par les Russes, est plus raffinée. La victime est couchée sur le sol afin qu'on puisse enfoncer le pieu libre dans l'anus, en s'aidant délicatement d'un petit maillet de bois. Pas question pour le bourreau de taper comme un sourd, sinon l'homme en mourrait immédiatement. Le pieu progresse centimètre par centimètre. Tout l'art de l'exécuteur consiste à faire ressortir le pal du côté du thorax, de l'épaule, ou encore dans la bouche. Cela demande un doigté exceptionnel et beaucoup d'entraînement. Un petit truc si vous désirez tenter l'expérience à l'occasion : prenez soin de ne pas tailler la pointe du pal, elle doit rester émoussée pour écarter délicatement les chairs sans les trouer, au fur et à mesure de la progression du pal. Une fois la brochette humaine achevée, le pal est planté verticalement. Les Turcs appréciaient cette mise à mort pour deux raisons : c'est une façon économique de torturer de nombreux ennemis car elle ne réclame qu'un peu de bois ; et puis le spectacle de centaines, voire de milliers, d'empalés a tendance à refroidir l'ardeur de l'ennemi.
Légendes
Vlad a certainement employé la méthode turque. Une fois les boyards alignés comme à la parade devant les murailles de la ville, le prince invite leurs parents à accomplir une balade de santé. Rien qu'une centaine de kilomètres sur un chemin tellement escarpé que même des chamois s'y encorderaient. Au cours de la mortelle randonnée, de nombreuses femmes, enfants et vieillards meurent d'épuisement. Ceux qui survivent à l'épreuve travailleront durant des années à bâtir une forteresse.Vlad III l'Empaleur avait hérité de son père le qualificatif de Dracul, qui signifie Dragon. Tout simplement parce qu'il avait été membre de l'ordre du Dragon (en latin : Societas Draconistrarum) réunissant les opposants à l'empire ottoman. En 1896, l'écrivain irlandais Bram Stoker emprunta ce nom pour en affubler son vampire de héros, le comte Dracula. Mais la comparaison s'arrête là entre les deux hommes : le comte habite la Transylvanie (et pas la Valachie), il se régale de sang frais (pas le prince Dracul). À vrai dire, entre Dracul l'empaleur et Dracula le vampire, on se demande bien lequel des deux est le plus fréquentable...
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