dimanche 8 avril 2012

NATHALIE LOUVEAU, UNE ARTISTE AUDOISE

Dimanche 08 Avr - 15:50 - Sainte Julie
Publié le 08/04/2012 03:47 | Céline Samperez-Bedos

Nathalie Louveau croque la vie

portrait

Nathalie Louveau croque la vie
Nathalie Louveau croque la vie
Nathalie Louveau croque la vie
C'est le printemps et dame Louveau est de sortie. Installée à Montolieu, cette illustratrice nourrit son art de son émerveillement pour la nature et de sa tendresse pour ses contemporains. Rencontre, pour en finir avec l'hiver.
Le printemps et la promesse estivale la font rayonner et vibrionner. Nathalie Louveau est un soleil, une drôle de « cigabeille » mi-cigale, mi-abeille. Cette presque quadra est une pipelette qui se nourrit du silence, une sportive qui carbure à la contemplation, une timide sensible au tempérament riant et liant, une solitaire patentée curieuse d'autrui. La collaboratrice des éditions du Cabardès a décidé, voilà des lustres, de reléguer ses démons sur l'étagère du fond. En 2e année d'arts appliqués, lorsque l'étudiante récupère sa double copie, soit ses deux premières illustrations, « Je me suis dit : plus jamais ça », pose-t-elle. C'est qu'un des dessins tourne autour du suicide et l'autre met en scène un type qui semble rescapé, errant dans un cimetière d'objets.
Argh ! Forcément, quand on connaît l'univers radieux de la donzelle, ça ne colle pas. Il y a eu blessure. « Il fallait que ça sorte mais à partir de là, je me suis promis d'amener du positif dans mes images, de créer et partager du positif ». Son trait vif et ses couleurs lumineuses agissent comme un talisman. Son art oppose à la laideur du monde des flots de tendresse et de fantaisie. Pour contrer l'ombre, la créatrice de « Paulette et Léon » se confie à Geo et arpente en randonneuse émerveillée la nature. À pied ou à bicyclette. Tiens ! Le canal du Midi par exemple et celui de la Robine. Aux beaux jours, elle a chargé sa toile de tente sur le porte-bagages, bourré ses sacoches et s'en est allée pédaler sur le chemin de halage. Cette fine observatrice a ramené dans sa besace, croquis et photos. Ici, un type sanglé d'un gilet fluo juché sur son bateau de location : « Ah le passage de l'écluse, il faisait ça avec un sérieux. Il y était hein ! », se moque-t-elle. Le pique-nique familial à l'ombre des platanes, des vététistes rencontrés en route, la guinguette aux lampions, la chaise abandonnée… Autant d'instantanés qui ressurgiront de façon décalée dans le second tome du guide illustré consacré au canal, en cours de préparation. « Je ne peux pas imaginer de dessiner ce que je n'ai pas expérimenté ». Rétive au logiciel, elle œuvre à l'ancienne : crobard au crayon à papier, gouache pour la gamme chromatique. Sa gamme est solaire. Même ses bleus pètent le feu et ses camaïeux de vert sont si acidulés qu'on en mangerait. Cette terrienne rêveuse a toujours crayonné à partir du réel. Ni conceptuelle, ni versée dans l'abstrait, la coloriste hors pair sait capter dans le réel le plus ordinaire, la poésie éphémère d'un moment, la drôlerie d'une tranche de vie. Hypermétrope et astigmate, elle se colle à ses feuilles pour se colleter avec l'ouvrage. De très très près. Et embrasse sur une même planche, une vision grand-angle qui prend de la hauteur, pétule et fourmille de détails. S'attacher à ce qui est beau et bon. Sans cesse aiguiser son regard. Elle court les expos, se documente.
En creux ou jaillissant sur la surface du canson, la joie enfantine de la petite dernière d'une fratrie de cinq dont quatre gars, est intacte. De la ferme parentale où l'on élevait des vaches, reste gravées ces heures passées dans les cerisiers, les saveurs du potager et du cochon grillé servi sur des tartines beurrées, Mayenne oblige. La lumière au crépuscule dans les champs dorés, les balades en vélo et surtout cet étang, formidable terrain de jeu aquatique aux côtés de ses frères et ses cousins : tout est là. Dans ce refuge. Elle n'est pas nostalgique pour autant. Cette femme fleur se dépeint aussi en vilain petit canard, le souffre-douleur de la classe.
Elle a découvert l'Aude en l'attaquant par le versant nord de Bugarach. Ni soucoupe, ni gourou là-dessous : juste une bonne paire de godasses. C'est l'Oncle Sam qui l'a boutée jusqu'au pic. Pendant plus d'un an, elle a turbiné pour Mickey, portraiturant les visiteurs de World Disney. Là-bas, travaillait aussi Ingrid, une Carcassonnaise. Ensemble, ces marcheuses ont sillonné les grands parcs nationaux américains. Plus tard, venue rendre visite à son amie, l'illustratrice est tombée amoureuse de la région et de l'Aude. Avant d'ouvrir son atelier-galerie à la Barbacane et de se poser avec sa fille au pied de la Cité, l'artiste a tâté de la yourte et de la vie en roulotte. « Into the wild », comme on dit chez les Ricains.
Aujourd'hui, c'est à Montolieu qu'elle vit. Une illustratrice au village du livre… logique non ? Ben non… ça s'est fait comme ça, via Laurence, la chouette maraîchère bio montolivaine. Itou pour les ateliers scolaires : c'est Claire, l'animatrice du musée du livre qui lui a mis le pied à l'étrier. À écouter cette modeste, son talent n'y est jamais pour quelque chose ! Mlle Frange, en revanche, c'est elle et elle seule. Voici trois ans que ce personnage est apparu, son alter ego dessiné. Aussi rondouillarde qu'elle est menue, beaucoup plus âgée aussi, avec binocles et blouse de mamie paysanne en coton imprimé, cette figure rebondit de leporello en leporello, sur son fil rouge. Une mamita pleine de bon sens en marche. Façon Louveau : cinq sens pour s'ancrer dans la terre et se grandir dans les nuages.

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