Paul
Cook (1881-1948) était une figure très active du fadom à l’époque de Lovecraft
avec ses fanzines comme The Vagrant, The Recluse, Ghost… Il recontra notre auteur en 1917 et deviendra son supporter
et son ami. Il lui commandera et éditera, entre autres, Supernatural Horror in Litterature. Il nous a laissé un très beau
texte de souvenirs sur son ami, In
Memoriam, Howard Phillips Lovecraft (1940 ; Driftwind Press,
1941 ; in Bouquins Tome 2). Un texte en effet très intimiste, qui ne suit
aucun plan ni aucune chronologie mais rassemble au fil de l’écriture une
foultitude d’anecdotes et de souvenirs.
Il
revient bien sûr sur sa première rencontre et sur sa fameuse image de reclus en
citant Le Monstre sur le Seuil (1933).
J’ai connu Edward Pickman Derby toute sa
vie. De huit ans mon cadet, il fut si précoce que nous eûmes beaucoup de choses
en commun dès qu’il eut huit ans et moi seize. C’était l’écolier le plus
extraordinaire que je n’aie jamais connu, et il écrivait à sept ans des vers
d’un caractère sombre, fantastique, presque morbide qui stupéfiaient les
professeurs autour de lui. Peut-être son éducation privée, sa vie recluse et
choyée furent-elles pourquelque chose dans son précoce épanouissement. Enfant
unique, il avait une fragilité organique dont s’alarmaient ses parents, qui
l’adoraient et le retenaient d’autant plus étroitement près d’eux. On ne le
laissait jamais sortir sans sa nurse et il avait rarement l’occasion de jouer
librement avec d’autres enfants. Tout cela favorisa certainement chez le jeune
garçon une vie intérieure singulière et secrète, où l’imagination lui ouvrait la
seule route vers la liberté.
Et
il est vrai que si Lovecraft s’est bien rattrapé après le décès de sa mère, il
a passé les 2/3 de sa vie confiné. Lors de ce fameux premier rendez-vous (fixé
par Lovecraft), le visiteur s’est fait jeter par la tante de service au motif
qu’Howard se reposait. Ce qui a réveillé Lovecraft qui a reçu Cook en robe de
chambre ! Un premier entretien marqué par une porte qui ne cessait de
s’entrerbailler, car il fallait s’assurer que « le petit » ne
succombait pas à « un effondrement nerveux » !
Le
chroniqueur montre bien que, lorsqu’il a abordé la « vraie vie », il
est toujours resté décalé. Car si ses lectures boulimiques lui avaient bien
donné l’instruction, en revanche, il n’avait aucune éducation sociale, si ce
n’est celle de vieux gentleman du XVIII ème siècle qu’il s’était forgée en
imaginaire.
On
croise aussi un Lovecraft dans le plus total dénuement mais d’une immense
générosité, toujours prêt à donner le dernier dollar en poche à une noble
cause. Un Lovecraft raciste, mais d’un racisme « de son temps » qui
aura tendance à dégénérer après le fiasco de ses années new-yorkaises durant
lesquelles il a découvert « l’immigré », mais aussi l’horreur du
métissage qui sera le leit motif de beaucoup de ses plus fameuses nouvelles.
Paul
Cook s’interroge sur son immense talent, rejetant toutes les comparaisons à
Poe, Machen ou Dunsany. Certes, il y a eu des influences, mais son œuvre est
unique.
Un
très beau texte au total, empreint de la chaleur d’une amitié sincère.
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